Quatre ans après Habemus Papam, Nanni Moretti revient avec un film qui lui ressemble, une chronique familiale sur sa mère, ou plutôt sur toutes les mères, Mia Madre.
À Rome, une réalisatrice de cinéma en plein tournage doit gérer l’adolescence de sa fille, les derniers jours de sa mère et un acteur principal incapable d’apprendre son texte. Son frère, lui, a moins de problèmes.
Quand Nanni Moretti a annoncé ce projet de film, sur la disparition d’une mère, il était difficile de ne pas penser à La Chambre du fils, terrible regard mélancolique sur la perte d’un enfant. Mais ce Mia Madre n’a que peu à voir avec l’intimiste Palme d’or 2001.
Ici, le réalisateur italien choisit de s’intéresser à plusieurs personnages, à plusieurs histoires, qui forment ce film imparfait. Car si, pris à part, chaque segment est réussi, le résultat se montre trop hétérogène pour atteindre pleinement son objectif.
Ambitieux, Nanni Moretti l’est plus que jamais lorsqu’il convoque un John Turturro des grands jours, en acteur star mais raté face à une réalisatrice perdue, incarnée par la parfaite Margherita Buy. Ambitieux, il l’est aussi lorsqu’il choisit de montrer ce film dans le film, et d’y ajouter des flashbacks sur cette mère bientôt disparue.
Psychanalyse sur grand écran
On comprend alors que la mère du titre, c’est bien la mère de la réalisatrice. Elle se meurt, mais a une histoire, celle d’une professeure de lettre qui enfantait l’âme de ses élèves. Cette mère, c’est aussi Margherita, qui tente de gérer une adolescente en pleine crise, tout en donnant difficilement naissance un film. Et pendant ce temps, sa mère se meurt.
Dans Mia Madre, les femmes sont courageuses, les hommes absents. Le frère de Margherita, incarné par Nanni Moretti, est un fils modèle mais absent. John Turturro est un acteur raté et lâche.
Mais à force de démonstration, à force de lancer des pistes sans jamais vraiment les réunir, Moretti perd son film en route. L’émotion ne point pas. On devine alors le film que Mia Madre aurait pu être et on regrette d’autant plus qu’il ne soit pas parvenu à l’assembler. Comme s’il avait été dépassé par son sujet, comme si cette mère était trop pesante, trop présente, pour permettre à son fils de s’émanciper. Comme si cette psychanalyse sur grand écran était finalement assez vaine.
Christophe Chohin