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Building du CHNP : «Ce bâtiment, c’est une honte pour Ettelbruck»


Lors de la canicule, il a fait jusqu’à 36 °C dans les salles de l’unité psychiatrique, au second étage du building.  (Photo : didier sylvestre)

Il y a deux semaines, la canicule a exposé les soignants et patients du deuxième étage du building du CHNP à des chaleurs insupportables, l’un des nombreux défauts de ce bâtiment jugé vétuste.

Chassée par une météo automnale dans les jours qui ont suivi la canicule record entre le 30 juin et le 2 juillet, la chaleur a fait son retour le week-end dernier. De quoi rappeler de mauvais souvenirs à Irena*. Aide-soignante au Centre hospitalier neuro-psychiatrique (CHNP) d’Ettelbruck, elle vit encore très mal la vague de chaleur exceptionnelle qui a touché le pays il y a deux semaines. «C’était horrible pour tout le monde, on a tous souffert, les patients comme le personnel», confie-t-elle.

Cette dernière travaille au sein de l’unité psychiatrique située au deuxième étage du grand building du CHNP, en forme de « Y». Dans ce bâtiment construit en 1974, «on a eu pendant la canicule entre 36 et 41 °C dans les cuisines, entre 30 et 36 °C dans les salles à manger le soir à 18 h quand les patients doivent manger et 27 °C la nuit pour dormir». Rien de surprenant pour autant puisqu’elle assure que «c’était comme tous les étés, comme toutes les canicules». «J’ai des collègues qui ont commencé en février et qui nous ont dit pendant la canicule : « Mais c’est intenable, comment on va faire pendant les 30 prochaines années?« 

Trois climatiseurs pour douze chambres

D’une part, la chaleur, même sans canicule, est vite problématique au second étage, car «c’est rempli de grandes fenêtres qui ne peuvent pas s’ouvrir de plus de douze centimètres par risque de suicide, donc l’air chaud stagne en journée et le soir c’est dur de se rafraîchir». De surcroît, le double vitrage des années 1980, les volets qui se remontent tout seuls, l’absence de rideaux occultants, le manque de climatisation, ne permet pas non plus de lutter contre la chaleur selon elle.

«Cela fait des années que cela dure, ce n’est pas normal», lance-t-elle, remontée. Concrètement, durant la canicule, l’unité d’Irena a composé avec trois climatiseurs mobiles pour douze chambres, une infirmerie, un bureau infirmier, deux salles de séjour, deux salles à manger et deux cuisines. Pas assez selon elle, qui ne compte pas les quelques ventilateurs, «qui brassaient de l’air chaud». «Alors oui, on nous dit de donner de l’eau, de l’eau et de l’eau mais ce n’est pas suffisant.»

D’après son témoignage, la direction ne répond pas aux besoins du personnel de l’étage qui déplore la pénibilité de travailler dans ce bâtiment mal isolé : «Dès qu’il fait plus de 25 °C dehors, c’est compliqué ici». Interrogée sur les aménagements mis en place afin de lutter contre la chaleur, la direction ainsi que la délégation du personnel assurent pourtant faire tout leur possible.

L’argument de la future Rehaklinik

Selon l’aide-soignante, la vraie version est : «On nous dit que c’est un bâtiment public, que ce n’est pas à nous de changer les fenêtres et puis de toute façon aucun budget n’est accordé vu que la nouvelle Rehaklinik sera construite et terminée en 2035». L’argument de la «Nei Rehaklinik» passe mal auprès du personnel qui dit, par exemple, s’être vu refuser il y a deux ans une demande de budget pour poser des films occultants sur les fenêtres.

«Cela fait depuis 2014 qu’ils nous rabâchent les oreilles avec la future Rehaklinik, dont le chantier n’a même pas encore commencé, et cela fait depuis 2014 que l’on crève tous les étés!» Fatigués par cette situation, les soignants envisagent de s’autofinancer l’achat de films occultants.

«Alors oui, on peut dire que l’on est payé pour travailler mais pour les patients, c’est affreux», ajoute l’aide-soignante. Cette dernière dit ne pas avoir compris l’obligation de leur faire suivre des ateliers thérapeutiques dans de telles conditions. «Ils n’arrivaient pas à dormir, ils étaient tous somnolents et ils n’étaient pas à même de faire quoi que ce soit.» Elle insiste aussi sur les risques de santé pour certains patients cardiaques, âgés ou qui prennent des médicaments neuroleptiques.

«La ministre n’entre pas ici»

«Ce bâtiment, c’est une honte pour Ettelbruck», finit par lâcher Irena, qui confie que la chaleur est loin d’être le seul problème. «À cause de l’isolation, l’été on crève de chaud et l’hiver on a tous froid», affirme-t-elle, avant de faire une liste des problèmes du building. Canalisations en plomb régulièrement bouchées, réseau internet défaillant, ordinateurs obsolètes, problème d’électricité, balcons qui menaçant s’effondrer, en bref «on a tous le temps des soucis».

«Tout le monde sait que c’est une honte», poursuit l’aide-soignante, qui prend l’exemple la dernière visite de la ministre de la Santé, Martine Deprez, en février 2024. «Quand elle vient, elle va voir deux ou trois bâtiments qui sont en parfait état mais la ministre n’entre pas ici, chez nous.»

Malgré cela, le personnel aurait fait un signalement au ministère resté sans réponse puisque «le ministère passe par notre direction qui, elle, dit que tout va bien». Ne se sentant pas plus soutenus par la délégation du personnel, les soignants encouragent les patients ou leurs proches à dénoncer la situation. En vain : «Dans ce milieu, c’est très rare les signalements de patients, car ils ont trop peur que cela leur retombe dessus». «Résultat, cela fait des années que l’on n’arrive à rien», souffle Irena, fatiguée.

* Le prénom a été changé.

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