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Rapport du LILI : «Les discriminations des personnes LGBTIQ+ sont fortes»


Nada Negraoui, psychologue sociale et cheffe de projet du LILI, espère que le gouvernement continuera de récolter des données sur les discriminations des personnes LGBTIQ+. (Photo : hervé montaigu)

Présenté le 9 juin, le rapport du LILI constitue la toute première enquête luxembourgeoise dédiée exclusivement à l’étude des discriminations envers les personnes LGBTIQ+.

Alors que le Cigale et d’autres acteurs observent une augmentation des signalements liés aux violences et discriminations homophobes et transphobes ces dernières années, la quasi-inexistence de données et d’études spécifiques au Luxembourg, elle, se fait de plus en plus ressentir.

C’est pour combler ce manque que le Cigale a lancé le Luxembourg Institute for LGBTIQ+ Inclusion (LILI). «Très vite, il est apparu une demande de chiffres pour rendre visibles les expériences de violence et de discrimination des différents groupes qui composent l’arc-en-ciel, et faire le lien avec la santé mentale», explique Nada Negraoui, cheffe de projet recherche et psychologue sociale.

Un panel de 300 personnes

Pour ce faire, elle a réalisé une étude quantitative sur un panel représentatif de 300 personnes afin d’identifier les formes de violences et de discriminations subies ainsi qu’une étude qualitative au travers de 35 entretiens individuels pour approfondir les effets de ces discriminations. Le tout accompagné d’un module de témoignages libres accessibles sur le site qui permettait l’expression citoyenne. Ce dernier a d’ailleurs permis de relever l’impact qu’a eu la pétition antisujets LGBTIQ+ à l’école sur le tissu social.

«L’idée avec le LILI, c’était d’effectuer une étude exploratoire locale pour en faire un véritable sujet dans l’espace politique luxembourgeois», appuie Nada Negraoui. Jusqu’alors, les seules données étaient récoltées au niveau européen, par l’ILGA notamment. «Bien souvent, ici, ce sont des non-sujets, des stigmatisations rendues invisibles et des questions perçues comme individuelles et privées, alors qu’elles sont structurelles et systémiques.»

Maintenant que le rapport est sorti et «a montré que c’était possible de récolter des données sur ce sujet», sa cheffe de projet recherche espère qu’une continuité gouvernementale sera opérée.

Seulement 4 % déposent plainte

Et effectivement, les chiffres récoltés par le LILI le prouvent : une grande majorité de personnes LGBTIQ+ vivent des formes de discrimination au quotidien. Près de 78 % des gays et 71 % des lesbiennes ont subi au moins une violence ou une discrimination durant les 12 derniers mois. Les personnes bisexuelles et pansexuelles se situent haut également, autour de 64–66 %. Les personnes asexuelles sont proportionnellement un peu moins touchées (40 %), mais restent loin d’être épargnées. «Les hommes gays sont les plus touchés, car ils sont les plus exposés dans la société», souligne Nada Negraoui.

Les formes numériques de harcèlement telles que les cyberinsultes étant les plus répandues. Même constat si l’on regarde du côté de l’identité de genre : le cyberharcèlement touche fortement presque tous les groupes, le pourcentage frôlant ou dépassant 50 % chez les personnes intersexes, femmes trans et cis, hommes cis, et personnes non binaires.

En revanche, certaines formes de violences touchent des groupes plus spécifiques. Les hommes cis, par exemple, sont moins touchés par les insultes et la drague importune, alors qu’ils sont les plus impactés par la violence physique. «Chaque type de violence porte sur un groupe différent, c’est cela qui m’intéressait», souligne Nada Negraoui.

À ces chiffres s’ajoutent des facteurs semblant exposer d’autant plus les personnes aux discriminations. Celles qui vivent en zone rurale, notamment, sont davantage touchées par la violence (74 %) que les personnes vivant en zone urbaine (66 %). Les violences numériques touchent davantage les jeunes, de par leur présence plus accrue sur les réseaux sociaux.

Et plus la CSP est élevée, moins l’exposition à la violence est grande, relevant ainsi le problème des classes sociales. Même chose pour les personnes avec un handicap ou les personnes racisées. «Tout ça, ce sont des sujets politiques, ça prouve l’importance de l’intersectionnalité.»

Et le chiffre le plus parlant est celui des dépôts de plaintes : «C’est terrible, une bonne partie des répondants n’ont même pas répondu à la question», souffle Nada Negraoui. Et parmi les seules 106 réponses, ils ne sont que 4 % à déclarer avoir porter plainte. «Le recours à la plainte est exceptionnel; En cause, c’est surtout la peur que rien ne change et que la plainte ne soit pas prise en compte.»

Mais tous ces chiffres n’étonnent pas trop la cheffe de projet, qui s’attendait à de telles données : «On le sait, les discriminations des personnes LGBTIQ+ sont là et sont fortes, il reste donc beaucoup d’obstacles».

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