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Quartier Gare : un café pour apaiser le dialogue entre la police et les habitants


Pendant les deux heures d’échange, le café n’a pas désempli tant les habitants sont venus en nombre, inquiets pour la sécurité du quartier.

Organisée ce jeudi 3 juillet dans un café, la première rencontre entre la police et les habitants du quartier Gare a permis aux deux camps de raconter la réalité de leur quotidien, sans animosité ni distance.

Dans l’angle de la place de Strasbourg à Luxembourg, le coffee shop Bloom est inhabituellement bondé en milieu d’après-midi ce jeudi, ce qui interroge les passants comme les clients qui sont, eux, d’autant plus surpris en passant le pas de la porte. Alors qu’ils pensent tranquillement à se rafraîchir ou à prendre une part de gâteau, un mélange d’incompréhension et d’inquiétude se lit dans leurs yeux lorsqu’ils tombent nez à nez avec cinq agents de police.

Ils ignorent en effet que se déroule la première édition du «Op e Kaffi mat der Police» («Prendre un café avec la police») organisée par le commissariat de la Gare qui se trouve à deux pas. «Le but, c’est de parler du quartier dans une autre atmosphère qu’au commissariat», indique Alphonse, policier, qui précise que «nous avons décidé de faire cela parce que ces derniers temps, nous n’avions plus trop de contact avec la population». Régulièrement mobilisés pour protester contre l’insécurité, les riverains ont été invités à discuter de façon informelle. L’occasion aussi d’apaiser quelques tensions entre les habitants et la police visée, par certains, pour son inaction.

Loin des critiques sur les réseaux

«C’est plus facile de critiquer sur les réseaux sociaux qu’en vrai. Ce café fait du bien à tout le monde» constate Olivier, policier dans le quartier depuis 2017. Dans le coffee shop, l’ambiance est décontractée et le ton bien moins virulent que sur les réseaux sociaux. Menacé par un toxicomane rue Joseph-Junck il y a deux semaines, un restaurateur avait déploré l’absence d’intervention de la police, en dépit de ses appels au 113. De quoi relancer les critiques contre les forces de l’ordre sur le groupe WhatsApp «Quartier Gare – sécurité & propreté», jusqu’à provoquer la réaction et le message d’un policier expliquant les difficultés et la réalité du terrain.

«Oui, on regarde ce qui se dit sur WhatsApp, un de nous y a fait un point mais on préfère ce genre de discussions au café», souligne Alphonse. Pendant deux heures, les cinq policiers ont enchaîné les échanges avec une population venue en nombre et accompagnée de nombreuses questions. C’est le cas de cette habitante depuis 2014 qui est venue «à cause des dealers, de la drogue, des gens qui boivent, des vols» avec une interrogation symptomatique : «Je veux savoir si la police a un projet pour arrêter tout cela? Est-ce qu’ils sont vraiment concernés?». Comme beaucoup, elle réclame «plus de présence policière afin de nettoyer ce quartier, car je crois que rien d’autre ne marche».

«Nous manquons de preuves»

Sur la question de la présence, les agents donnent d’abord quelques chiffres : trois à cinq patrouilles sur le terrain de 6 h à 22 h, six flagrants délits la semaine dernière ou encore 65 arrestations en 2024 et 37 cette année. «On fait de notre mieux», insiste Alphonse, qui précise que les 32 membres du commissariat doivent aussi assurer la réception de «plusieurs plaintes par jour».

Concernant l’impunité dont bénéficieraient les dealeurs, une autre critique, Olivier tient à expliquer que «nous ne sommes pas impuissants, mais nous manquons de preuves». Afin d’expliquer l’origine de ce reproche, le policier estime que «les gens ne connaissent pas notre métier, ce n’est pas comme dans les films». «C’est une criminalité transfrontalière, c’est très dur pour remonter les filières et ce n’est pas à notre niveau les écoutes ou le traçage téléphonique, c’est la police judiciaire».

Il rappelle aussi que «c’est le cadre juridique qui nous dit ce que l’on peut faire» et comprend la colère des habitants concernant l’exposition au grand jour du trafic. À commencer par les guetteurs, les plus visibles. «Parfois je passe devant eux et même si je sais ce qu’ils font, nous ne pouvons pas les arrêter. Ce n’est pas interdit d’être à une intersection.»

Le parquet pointé du doigt

Un riverain prend lui la défense de la police et estime «qu’ils sont confrontés aux mêmes limites que nous et que le problème du quartier, c’est la justice et le parquet». «Les procédures n’avancent pas, ça bloque au-dessus» dit-il, en prenant comme exemple ses deux plaintes déposées en janvier et qui restent, à ce jour, sans réponse. Il condamne également les autoritaires judiciaires réfractaires au renforcement «Platzverweis» qui pourrait, selon lui, régler le problème des toxicomanes qui dorment dans les immeubles. «J’entends dire que l’on va bafouer le droit de ces gens. Et nos droits à nous, qui les protège?»

En sortant du café, une voisine se montre également compatissante avec les forces de l’ordre : «Ce sont des pompiers, ils éteignent un feu là et autre apparaît là-bas». Elle retient surtout «qu’ils n’ont pas les moyens, pas le personnel, donc il ne se passe rien». «Leur boulot, c’est un travail de Sisyphe et ils le savent», acquiesce un autre. Bien qu’aucune solution n’ait pu être présentée aux habitants, le premier «Op e Kaffi mat der Police» aura au moins permis de renouer un dialogue plus apaisé entre les différents occupants du quartier. D’autres rencontres sont d’ailleurs à venir puisque la police grand-ducale avait annoncé sur son site qu’elles auront lieu «dans un rythme mensuel dans un café du quartier».

Le quartier Gare, un terrain concurrentiel?

Parmi les craintes exposées aux policiers, certains habitants craignent que le quartier Gare devienne le théâtre de règlements de comptes entre dealers en quête d’expansion. Les cas de Marseille ou de Bruxelles, toutes proportions gardées, ont par exemple été cités.

À ce sujet, les forces de l’ordre confirment qu’il y a «deux équipes», l’une autour des avenues Gare et Liberté, la seconde dans le secteur de Bonnevoie. Ces dernières coexistent malgré tout et, à ce jour, elles ne se livrent pas à une guerre de territoire selon la police.

Au total, cinq agents de police ont répondu aux divers questions, entre les soucis personnels et le problème général d’insécurité.
L’échange direct auprès des habitants a été très bien vécu par les policiers qui vont réitérer l’initiative une fois par mois.

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