Alors que l’OMS appelle à taxer davantage les produits nocifs pour la santé, la Commission européenne planche sur une réforme de la fiscalité du tabac qui pourrait faire grimper les prix de plus de 60 % au Luxembourg… Au grand dam des acteurs du secteur.
L’OMS a lancé mardi une nouvelle initiative encourageant ses États membres à « augmenter les prix réels du tabac, de l’alcool et des boissons sucrées d’au moins 50 % d’ici 2035 ».
Le but : « réduire les maladies chroniques et générer des revenus essentiels pour les caisses publiques », souligne un communiqué publié à l’occasion de la conférence de Séville sur le financement du développement.
Surnommée « 3 d’ici 35 », cette initiative « survient à un moment où les systèmes de santé sont sous une pression énorme en raison de l’augmentation du nombre de patients atteints de maladies non transmissibles (MNT), de la diminution de l’aide au développement et de l’accroissement de la dette publique », souligne l’organisation onusienne.
Des taxes jugées efficaces
De fait, taxer ce genre de produits a fait la preuve de son efficacité pour en faire baisser la consommation. Michael Bloomberg, le milliardaire, maire de New York dans les années 2000 et féroce opposant au tabagisme, a fortement taxé les cigarettes avec succès.
« Les taxes sur la santé sont l’un des outils les plus efficaces que nous ayons », rappelle le Dr Jeremy Farrar, responsable à l’OMS de la promotion de la santé, de la prévention et du contrôle des maladies.
« Elles réduisent la consommation de produits nocifs et génèrent des revenus que les gouvernements peuvent réinvestir dans les soins de santé, l’éducation et la protection sociale. Il est temps d’agir », insiste t-il.
Plus de 75 % des décès dans le monde
La consommation de tabac, d’alcool et de boissons sucrées alimente l’épidémie de maladies non transmissibles, souligne l’OMS.
Selon les statistiques de l’organisation, les MNT, qui comprennent les maladies cardiaques, le cancer et le diabète, représentent plus de 75 % de tous les décès dans le monde.
Selon l’OMS, « une augmentation unique de 50 % des prix de ces produits pourrait prévenir 50 millions de décès prématurés au cours des 50 prochaines années ».
L’organisation se fixe même un objectif « ambitieux, mais réalisable“ : récolter 1 000 milliards de dollars US au cours des 10 prochaines années.
« Entre 2012 et 2022, près de 140 pays ont augmenté les taxes sur le tabac, ce qui a entraîné une augmentation des prix réels de plus de 50 % en moyenne, montrant que des changements à grande échelle sont possibles », souligne encore l’OMS.
La Commission européenne fortement intéressée
Une proposition que la Commission européenne semble prendre très au sérieux, puisque l’exécutif européen plancherait depuis quelque temps sur une réforme de la taxation du tabac, jugée désormais «inadaptée».
Un document interne de 200 pages, consulté par des confrères dans d’autres médias, fait état d’un possible barème établi selon le pouvoir d’achat de chaque pays… Une facture qui risque d’être très salée pour le Luxembourg, qui détient actuellement le pouvoir d’achat le plus élevé de l’Union européenne.
Concrètement, selon les calculs d’Euractiv, le prix du paquet de 20 cigarettes augmenterait de plus de 3,5 euros au Luxembourg, soit une hausse de… 60 %, qui fait déjà grincer des dents.
«Une telle proposition reviendrait en principe à offrir sur un plateau nos activités et parts de marché aux quatre multinationales, non européennes, qui dominent déjà ce secteur (…). Imaginons un instant que dans chaque pays européen la TVA, ou la taxe sur l’essence, soit indexée sur son indice de parité de pouvoir d’achat ? Combien les Luxembourgeois paieraient-ils leur litre d’essence ?», s’inquiète ainsi l’entreprise luxembourgeoise Landewyck, citée par nos confrères.
Si, pour l’heure, aucune proposition concrète de la Commission européenne n’a été faite aux États membres, le ministère des Finances luxembourgeois assure «suivre de près» l’avancée de ce dossier. Qui pourrait définitivement mettre fin au «tourisme» du tabac tant décrié au Grand-Duché.
S. W. avec AFP