Au MNAHA, l’exposition «Land in Motion» amène le visiteur à questionner l’héritage environnemental du Luxembourg en présentant, à travers une multitude d’objets couvrant 10 000 ans d’histoire, l’évolution de son paysage.
On connaît ces photos comparées mettant en évidence la fonte des glaces ou l’assèchement des cours d’eau à différents endroits du globe, notamment depuis le début du XXe siècle.
Ce n’est pas exactement ce genre d’images que l’on retrouve dans la nouvelle exposition temporaire du MNAHA, mais son titre, «Land in Motion», vise effectivement à interroger l’évolution des paysages à travers les époques – et en commençant par le début, soit à l’âge de pierre.
Alors, plutôt que d’affronter son sujet dans l’ordre chronologique, le musée procède par thèmes : la forêt, l’agriculture, l’eau, l’industrie. Quatre piliers pour raconter l’évolution du paysage luxembourgeois et, à travers elle, la place toujours grandissante de l’humain et la relation complexe que la civilisation entretient avec la nature.
Dans cette exposition qui fait montre aussi, au sein du même espace, de toute la richesse de la collection du musée, «on veut aborder ce vaste sujet de la nature de manière critique : comment on la traite, comment on l’utilise, comment on l’interprète», explique Isabelle Maas, l’une des commissaires et coordinatrice principale du projet.
Et s’appuie dans cette optique sur une impressionnante sélection d’œuvres, de documents et d’objets afin d’amener le visiteur à questionner l’héritage environnemental d’un pays qui, même abordé sur une petite échelle, historiquement parlant, a évolué dans une tension entre un mode de vie traditionnel et l’impact de la modernité. Tout cela sans avoir forcément besoin de soulever l’urgence actuelle du changement climatique.
Nature romantique
Des outils de chasse de l’ère Mésolithique (9000-8000 av. J.-C.) aux œuvres vidéo, poétiques et espiègles, avec lesquelles Justine Blau pirate des représentations de paysages réels en tordant leurs formes, en passant par les paysages majestueux des châteaux de Larochette et de Hollenfels peints au XIXe siècle par Barend Cornelis Koekkoek, la forêt apparaît comme un paysage naturel emblématique.
Et, en conséquence, volontiers idéalisé. C’est justement en croisant ce regard romantique et un document daté de 1797, une carte du département des Forêts englobant l’actuel Grand-Duché ainsi qu’une partie de la Belgique et de l’Allemagne, que l’exposition ouvre aux questionnements plus contemporains sur les rapports de force entre humain et nature.
En abordant les paysages agricoles et fluviaux, autres symboles de la flore luxembourgeoise, «Land in Motion» affronte plus directement la question de l’exploitation des sols : «Avec l’apparition de l’agriculture, le mode de vie change», rappelle Isabelle Maas, avant que Tania Brugnoni, directrice du musée, ajoute que «les cours d’eau ont toujours eu une importance fondamentale dans la construction des populations», notamment dans la Grande Région, avec la Moselle et l’Alzette, depuis toujours des points essentiels autour desquels s’est «agglomérée» la civilisation.
Entre une représentation impressionniste des Bords de l’Alzette (1915) par Dominique Lang et un portrait de paysanne par Pierre Blanc (1906), jusque dans l’étrange photographie de Daniel Reuter, où l’eau, irréelle, pourrait tout aussi bien être une fabrication de cire, on se détache progressivement du mythe et de la représentation sacralisée pour y entrevoir, déjà, l’uniformisation des paysages qui menacent aussi bien la santé du territoire que celle des populations qui l’habitent.
Rouge terrible
Ce qui fait la force de l’exposition «Land in Motion» est aussi son problème majeur, et il est de taille. Avec autant d’objets d’époques différentes, rattachés indistinctement à l’histoire, l’archéologie et l’art, et une narration fragmentée sans enjeux clairement énoncés, il est bien difficile de cueillir toute la dimension analytique du propos – d’autant plus lorsque nombre de ces œuvres et objets sont aussi impressionnants à admirer.
En ce sens, la partie la plus réussie de l’exposition reste donc la dernière, dédiée aux paysages industriels et ramassée, de fait, sur quelques décennies et un territoire restreint. C’est là, surtout, que l’on se confronte aux œuvres les plus monumentales, à l’image de deux vues des hauts-fourneaux d’Esch-Belval.
Peintes respectivement en 1936 par Harry Rabinger et en 2006 par Fernand Bertemes, elles offrent, pour la première, une vision expressionniste du lieu, dominée par un rouge terrible, et pour l’autre, une représentation fidèle d’un quartier encore dominé par les champs, où poignent au loin quelques grues et rares bâtiments de béton à peine sortis de terre. Sans doute les représentations les plus justes et obsédantes du progrès.
Jusqu’au 11 janvier 2026. MNAHA – Luxembourg.