Accueil | A la Une | Palestine-Israël : «Nous ne sommes toujours pas à la hauteur de l’urgence»

Palestine-Israël : «Nous ne sommes toujours pas à la hauteur de l’urgence»


Un piquet de protestation a eu lieu hier devant la Chambre à l’occasion du débat sur la demande de sanctions contre Israël.

Les auteurs de la pétition réclamant des sanctions contre Israël et leurs soutiens ont été reçus ce mercredi 2 juillet à la Chambre des députés pour un débat qui les a déçus, entre immobilisme et fausses excuses, selon eux.

À lire aussi

Gaza : un débat à la Chambre et le soutien de Vicky Krieps pour sanctionner Israël

«Tout pays qui n’agit pas pour empêcher les crimes atroces commis aujourd’hui en Palestine sera complice. Nous ne voulons pas que le Luxembourg soit complice.»

Voilà comment Dalia Khader a lancé le débat public dont la tenue, hier à la Chambre des députés, est due au succès de sa pétition (n° 3231) réclamant des sanctions contre l’État hébreu pour sa politique en Palestine.

Émue, la pétitionnaire luxembourgo-palestinienne a très vite mis les députés et Xavier Bettel, le ministre des Affaires étrangères, présent au débat, face à leurs responsabilités concernant ce qu’elle qualifie d’apartheid, les colonies, le déplacement forcé de populations et plus encore.

«Les responsables israéliens ont déclaré vouloir la disparition de la Palestine et des Palestiniens et de nombreux juristes y voient une intention génocidaire. Et pourtant, vous continuez à les traiter comme des alliés. Pourquoi?»

Après l’émotion, le professeur à l’université libre de Bruxelles et expert en droits humains François Dubuisson a pris la parole afin de rappeler au gouvernement «qu’eu égard aux graves violations du droit international commises par Israël, de véritables obligations pèsent sur les États».

Il s’appuie sur un avis du 19 juillet 2024 de la Cour internationale de justice. Cet organe judiciaire de l’ONU y fait état d’une occupation illégale du territoire palestinien par Israël qui, de surcroît, viole le droit à l’autodétermination et les droits humains.

La taille du pays comme prétexte

Dans un rapport distribué aux députés, les pétitionnaires réclament notamment des sanctions économiques basées sur les obligations qui pèsent sur les États qui, selon la CIJ, doivent «prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui aident au maintien de la situation illicite».

Concrètement, il s’agirait, entre autres, de fermer le Luxembourg Trade and Investment Office (Bureau du commerce et de l’investissement) à Tel-Aviv, de stopper l’importation de produits des colonies, de geler les avoirs israéliens, de ne plus investir dans des entreprises israéliennes, de ne plus financer des universités de ce pays et de mettre un embargo sur les armes et technologies à double usage.

Sur le plan diplomatique, Dalia Khader réclame deux choses : des sanctions contre les politiciens israéliens sous mandat d’arrêt international, afin «d’être aussi ferme avec Israël qu’avec la Russie», et la reconnaissance d’un État palestinien.

Les pétitionnaires ont remis aux députés leur rapport «Du silence aux sanctions» contenant des suggestions de sanctions contre Israël.

Après le plaidoyer, les députés ont, eux, orienté le débat sur l’impact qu’auraient ces sanctions, certains sous-entendant qu’elles seraient vaines en raison de la taille du Grand-Duché qui l’empêche de peser lourd sur la scène internationale.

«Que l’on soit un petit ou non, nous devons respecter nos obligations», a répliqué François Dubuisson. «Et sur le plan financier, il est difficile de dire que le Luxembourg est un petit pays.»

Début de réponse en fin d’année

Comme réponse aux revendications, Xavier Bettel, le chef de la diplomatie, a d’abord affirmé que «l’Union européenne est scindée en deux» et qu’aucune sanction n’est donc prise faute d’unanimité.

Sur le plan national, il affirme aussi son impuissance : «On ne peut pas agir individuellement, car nous n’avons pas de base légale pour cela.» Le ministre s’insurge contre les critiques pointant son inaction : «Nous n’avons pas l’arsenal juridique, mais dire que le Luxembourg est complice, c’est faux!»

Malgré tout, le débat a abouti à la promesse que le ministère des Affaires étrangères publiera d’ici à la fin de l’année une note sur le cadre légal en matière de sanctions.

«Ils n’auront qu’à étudier le rapport et approfondir les points qui les intéressent. Nous avons déjà fait leur travail», a réagi, amère, Martine Kleinberg, la présidente de l’ASBL Jewish Call for Peace. «Je crois que nous ne sommes toujours pas à la hauteur de l’urgence.»

Pour Dalia Khader, cette réponse de la Chambre «est une déception». Outre l’inattention de certains députés lors du débat, elle n’accepte pas ce délai, «alors que des Palestiniens sont tués tous les jours».

Elle avait déjà été reçue à la Chambre en juin 2024 pour une précédente pétition réclamant, en vain, la reconnaissance d’un État palestinien. Elle craint la même inaction pour sa demande de sanctions. «Honnêtement, je suis très pessimiste.»

Déçue mais pas désespérée, la pétitionnaire a déjà prévu une nouvelle mobilisation ce samedi à 15 h sur la place Émile-Hamilius, dans la capitale.