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[Musique] La britpop, un retour porté par la nostalgie


Samedi soir, Pulp a fait son retour sur la mythique Pyramid Stage du festival de Glastonbury, trente ans après son dernier passage, pour un concert-surprise.

Un air des années 1990 flotte cet été sur le Royaume-Uni : Oasis et Pulp, groupes emblématiques de la britpop, reviennent en tête des charts et remplissent les salles de concert, sur fond de nostalgie d’une période plus «cool».

Les rayons des magasins Marks and Spencer donnent l’impression d’avoir fait un bond de trente ans en arrière : les tee-shirts avec le logo du groupe Oasis sont de retour. Ils le sont aussi chez Urban Outfitters, enseigne prisée des ados et jeunes adultes. «Oasis – Live Forever» («Vivre pour toujours»), est-il écrit sur un crop top, en hommage à une chanson du groupe. Sur Instagram et TikTok, des jeunes se filment en train de se coiffer ou s’habiller façon Liam et Noel Gallagher.

La reformation du groupe, 16 ans après le divorce retentissant des deux frères, suscite un immense enthousiasme des fans. Les tickets pour la tournée au Royaume-Uni et en Irlande, qui démarrera vendredi à Cardiff, se sont arrachés il y a près d’un an. Mais les chanteurs de Wonderwall et Don’t Look Back in Anger ne sont pas les seuls à faire leur retour.

Aux concerts de Pulp, le public ne s’économise pas quand résonnent les premières notes de Common People, tube sorti en 1995. Pour la première fois depuis 27 ans, ce groupe est revenu en tête des ventes en juin avec son nouvel album, More – sorti près d’un quart de siècle après leur précédent opus. Et a fait une apparition-surprise au festival de Glastonbury ce week-end.

Suede, autre bande de la britpop, sortira un album en septembre. Quant à Supergrass, le groupe sera en tournée cet été pour célébrer le trentième anniversaire de son premier disque. Il ne manque que les ennemis jurés d’Oasis, Blur, mais ils avaient déjà rempli Wembley en juillet 2023 à l’occasion de la sortie de leur neuvième album, The Ballad of Darren. Et Dave Rowntree, le batteur du groupe mené par Damon Albarn, publiera en septembre un recueil de centaines de photos jamais vues immortalisant les débuts du quatuor.

«Cool Britannia»

Comment expliquer une telle résurgence? «Tout le monde aime les anniversaires», dit Glenn Fosbraey, un universitaire de la faculté de Winchester, spécialisé dans la musique populaire. L’année 1995 a été «formidable pour la musique», avec notamment la sortie de l’album d’Oasis (What’s the Story) Morning Glory?, estime cet enseignant de 42 ans, qui a grandi avec la britpop. «C’est une bonne occasion de revivre notre jeunesse, mais aussi de raconter cette période à la génération suivante», comme il le fait avec sa fille adolescente. Depuis quelques années, il a remarqué que ses étudiants plaçaient Oasis parmi leurs groupes préférés.

Glenn Fosbraey était lui fan de Blur. Il n’ira pas voir Oasis en concert, mais n’a pas raté Pulp. Il note une nostalgie pour la deuxième partie des années 1990, une période connue au Royaume-Uni sous le nom de «Cool Britannia», marquée par un renouveau culturel, artistique et politique : en 1996, l’Angleterre parvenait en demi-finale à l’Euro de football, organisé sur son sol, et en 1997, le travailliste Tony Blair arrivait au pouvoir, porté par une vague d’optimisme. Le tout avec la britpop en bande-son. «Tout le monde semblait plus heureux», se souvient Glenn Fosbraey.

Bob et baggy

Cette nostalgie pour les années 1990 ne touche pas seulement les quadragénaires, mais aussi la «Gen Z», les jeunes nés entre 1997 et 2012, complète James Hannam, de la Solent University à Southampton. Ils perçoivent ces années comme «moins stressantes» alors qu’«ils grandissent dans une période difficile, avec le changement climatique, plusieurs guerres».

Cet enseignant en économie de l’industrie musicale a noté depuis déjà plusieurs années chez ses étudiants un retour de la mode des années 1990, avec les jeans baggy et les «bucket hats», les bobs, un incontournable pour Liam Gallagher quand il était au sommet de la gloire. Plusieurs étudiants de James Hannam iront au concert d’Oasis. «Aussi bien les jeunes que les plus âgés aiment l’honnêteté des frères Gallagher en interview. Ils disaient des choses choquantes», chose difficile à imaginer avec les stars d’aujourd’hui et leur «media training», observe James Hannam.

Julie Whiteman, professeure en marketing à l’université de Birmingham, avait 20 ans en 1995 et elle n’a jamais été fan d’Oasis. Elle a cependant bien noté un retour en force des années 1990 : «C’est dur d’y échapper», selon elle. Mais pas de nostalgie de son côté : «C’était une période assez misogyne, assez intolérante (…) Il y avait peu d’espace pour s’exprimer pour les femmes, pour ceux qui appartenaient à une minorité ethnique ou ceux qui n’étaient pas hétérosexuels», détaille-t-elle. «Ce n’était pas seulement un moment cool», juge l’universitaire. «C’était une époque compliquée, comme le sont toutes les époques.»

Le retour triomphant de Pulp

Le nouvel album de Pulp, l’un des groupes emblématiques de la britpop, s’est classé numéro 1 des charts au Royaume-Uni à sa sortie, une première depuis 27 ans, selon l’organisation chargée du classement des ventes. Avec More, leur huitième opus sorti début juin, les Anglais retrouvent le sommet atteint pour la dernière fois en 1998 avec This Is Hardcore, a révélé l’Official Charts Company. Cet album, leur premier depuis We Love Life (2001), est aussi dédié à l’ancien bassiste Steve Mackey, décédé en mars 2023 à l’âge de 56 ans.

Jarvis Cocker, chanteur et leader de Pulp, avait expliqué en avril sur la radio BBC 6 Music que l’envie de retourner en studio était née lors de la tournée de reformation du groupe en 2023. Originaire de Sheffield, dans le nord de l’Angleterre, Pulp s’est formé en 1978 et est devenu célèbre avec des tubes planétaires comme Disco 2000 et Common People, tous deux issus de leur album culte de 1995, Different Class.

Les Anglais avaient d’abord passé quelques années dans l’anonymat réservé à bien des groupes de la scène indépendante, avant de connaître le succès en 1994 avec notamment le hit Do You Remember the First Time?. Pulp s’est ensuite séparé et s’était reformé à deux reprises dans les années 2000.

More, qui a devancé le nouvel opus de la chanteuse britannique Little Simz (Lotus) et celui de la star de TikTok Addison Rae (Addison), est également l’album qui a été le plus vendu sur vinyle au Royaume-Uni la semaine de sa sortie, et dépassé la semaine suivante par… la compilation d’Oasis Time Flies… 1994-2009. Plus de trois semaines après sa sortie, More reste actuellement dans le top 5 des ventes de vinyles au Royaume-Uni.

Rough Trade, le label du groupe, avait indiqué dans un communiqué que l’album avait été enregistré en trois semaines à Londres entre novembre et décembre 2024. «C’est la durée d’enregistrement la plus courte pour un album de Pulp. Il était visiblement prêt à arriver», avait alors déclaré Jarvis Cocker, ajoutant qu’«aucune IA n’était intervenue dans le processus».

Le 7 juin, au lendemain de la sortie de l’album, le groupe a démarré une tournée qui est passée sans prévenir ce week-end par Glastonbury. Samedi soir, Pulp a fait son retour après 30 ans comme tête d’affiche de la Pyramid Stage, la scène principale du célèbre festival anglais. En arrivant sur scène, Jarvis Cocker a plaisanté : «Désolé pour ceux qui s’attendaient à voir Patchwork», en référence au nom mystérieux annoncé par les organisateurs et qui cachait en réalité ce concert-surprise. La tournée de Pulp se poursuivra tout l’été dans les salles et festivals d’Europe, et en septembre aux États-Unis.

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