Il y a un an, elle affichait sa détermination à lutter contre les violences fondées sur le genre : Yuriko Backes dévoile le tout premier plan d’action du Luxembourg en la matière.
Promesse tenue. Le 25 juin 2024, la nouvelle ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité (MEGA) annonçait un grand coup de pied dans la fourmilière concernant la lutte contre les violences fondées sur le genre – «il y a des choses qu’on va faire différemment à partir de maintenant» – et lançait l’élaboration d’un plan d’action national inédit, en y associant les acteurs de terrain.
C’est cet épais document que Yuriko Backes a détaillé hier en commission parlementaire puis à la presse.
Sur une centaine de pages, il liste pas moins de 62 projets programmés ces prochaines années et attribués à 11 ministères. «Nous faisons de la lutte et de la prévention contre les violences une priorité nationale», a ainsi martelé Yuriko Backes, face aux journalistes – rien que des femmes.
Un engagement d’une ampleur inédite
Un engagement sans précédent pour le Luxembourg, jusqu’ici à la traîne par rapport à ses voisins européens, alors qu’il avait été l’un des premiers États à ratifier la Convention d’Istanbul en 2018, véritable référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique.
C’est pourquoi c’est sur ce texte que la ministre a choisi de s’appuyer pour construire ce premier plan d’action national «Violences fondées sur le genre».
À travers quatre grands piliers – prévention, protection, poursuites et politiques intégrées – il engage le gouvernement aux niveaux de :
- la formation,
- la sensibilisation,
- le cadre légal pour la protection des victimes,
- la responsabilisation des auteurs,
- la prise en charge des victimes et auteurs,
- la collecte des données,
et instaure une gouvernance avec un comité interministériel chargé de mener à bien toute cette stratégie.
60% du budget du MEGA
Un moyen de responsabiliser les nombreux ministères impliqués et de mutualiser les coûts : rappelons qu’avec 31,6 millions d’euros pour 2025, le MEGA dispose de la plus petite enveloppe budgétaire de l’État, et que sur cette somme, une part de 60% est dédiée à la lutte contre les violences.
En plus de celles contenues dans la Convention, d’autres recommandations ont été prises en compte :
- celles des experts européens du Grevio qui, dans leur rapport de 2023, ne s’étaient pas montrés tendres avec le Grand-Duché,
- celles recueillies lors des premières Assises sur les violences fondées sur le genre en janvier dernier,
- et celles formulées par une soixantaine d’acteurs publics et de la société civile en réponse à un questionnaire.

Les interventions policières pour violences domestiques et les expulsions ont augmenté en 2024.
Cinq formations pour les policiers
Parmi les projets les plus marquants, on peut citer le nouveau Centre national pour victimes de violence, qui a ouvert ses portes en avril et a déjà accueilli plus d’une cinquantaine de personnes. Ses horaires d’ouverture seront étendus dès 2026 pour assurer une permanence 24h/24 et 7 jours/7.
Pointons également la formation des agents de police, qui va faire un bond de géant grâce à cinq modules spécifiques, dont certains dispensés par des associations de victimes. Et dès l’an prochain, une nouvelle unité spécialisée dans l’évaluation des risques verra le jour au sein de la Police grand-ducale pour améliorer la protection des victimes de violences graves.
Une nouvelle méthode de collecte des données
Concernant le cadre légal, la législation pénale sera adaptée pour couvrir les violences fondées sur le genre, tandis qu’une série de directives européennes seront transposées.
Enfin, la collecte de statistiques – vivement critiquée par le passé – fait l’objet, à elle seule, d’une série de priorités, avec l’objectif de développer une nouvelle méthode pour le recueil et l’analyse de ces données.
Dans trois ans, un audit externe évaluera l’efficacité du plan. Le document est consultable sur le site du gouvernement.
Trois interventions chaque jour
Le Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence a présenté son rapport 2024, hier au MEGA. Il révèle que les interventions de la police et les expulsions ordonnées par le Parquet, les deux paramètres utilisés pour mesurer la violence domestique au Luxembourg, sont en nette augmentation.
1 178 interventions ont été comptabilisées (+11% par rapport à 2023), soit trois par jour en moyenne, donnant lieu à 287 expulsions (+16%), soit près d’une par jour. Dans 83% des cas, il s’agit de violences sur conjoint ou partenaire, et 81% des victimes sont des femmes. Les communes les plus concernées, proportionnellement au nombre d’habitants, sont Rumelange, Schifflange, Esch-sur-Alzette et Ettelbruck.