Arrivé au Grand-Duché depuis le Brésil il y a vingt-cinq ans, Uelington Ramos de Oliveira, dit Pelezinho, est devenu une figure locale grâce à son enseignement de la capoeira et son engagement extrasportif.
Depuis son Brésil natal, le nom d’Uelington Ramos de Oliveira aurait pu traverser l’océan jusqu’à nos oreilles en s’illustrant, comme beaucoup de ses compatriotes, sur un terrain de football.
Il s’en est fallu de peu selon l’intéressé, qui dit avoir «commencé à gagner un peu d’argent de poche à l’âge de 10 ans en jouant les week-ends». «Mais j’ai eu des blessures aux genoux qui m’ont forcé à arrêter en juniors», raconte celui que l’on surnomme Pelezinho, en référence à Pelé, la légende nationale du ballon rond.
Malgré ce rêve envolé, il a néanmoins marqué, à son échelle, l’histoire d’un sport venu d’outre-Atlantique : la capoeira. Depuis son arrivée sur le Vieux Continent en 2000, il a grandement contribué à la démocratisation au Grand-Duché de cette expression culturelle brésilienne et d’origine africaine qui mêle art martial, sport, culture populaire, danse et musique.
À partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche, une grande fête est d’ailleurs organisée dans la capitale afin de fêter les 25 ans d’enseignement de «Mestre» (Maître) Pelezinho, plus haut titre honorifique de la discipline.
La capoeira, une passion en cachette
Aujourd’hui entraîneur national du Luxembourg et fondateur d’une formation pour entraîneurs unique en Europe, rien ne prédisait un tel parcours au natif d’Uberlândia, dans l’État de Minas Gerais.
À l’instar du football dans la rue, la capoeira est simplement l’un des seuls loisirs qu’il peut se permettre là-bas. «J’ai commencé à 7 ans grâce à un projet social, car je viens d’une famille vraiment très pauvre et la seule chose que l’on avait de presque gratuit, c’était la capoeira.»
Bien que le jeune Uelington, né en 1974, y prenne son pied, sa mère est loin de l’encourager : «Elle n’aimait pas la capoeira, donc j’en faisais en cachette. Elle disait que c’était pour les gens qui n’avaient rien à faire dans la vie, pour les bandits.»

À l’époque, sa mère n’est pas la seule de cet avis, puisque «cette culture n’était pas valorisée du tout au Brésil». Parce qu’il grandit dans un «quartier difficile», on lui fait comprendre qu’il est déjà plus sage pour lui d’essayer de gagner sa vie afin d’éviter «les mauvais côtés, le crime, la drogue, la violence».
À 8 ans, il commence alors à travailler dans la construction de passerelles en pierre et rencontre son patron qui devient pour lui «comme (son) père», car il ne connaît pas le sien.
Ce dernier voit lui aussi d’un mauvais œil la capoeira. «C’était une perte de temps selon lui.» Mais Uelington continue malgré tout, parfois même jusqu’à s’absenter de son travail pour en faire.
Un aller sans retour pour le Luxembourg
C’est en 1996, l’année de ses 22 ans, que s’ouvre le chapitre luxembourgeois de sa vie. Invité par une connaissance à participer à un événement de capoeira, il découvre pour la première fois le Grand-Duché et y reviendra quatre ans plus tard.
«La deuxième fois, je devais rester un mois ici, mais cela fait 25 ans que je ne suis pas rentré», rigole-t-il aujourd’hui. Parti pour voyager et visiter en 2000, il saisit finalement «une occasion de changer (sa) vie».
Rapidement, ce grand sportif souriant se fait une place dans son pays d’accueil, qui compte «peu de capoeira, mais qui la valorise beaucoup plus qu’au Brésil».
Aidé par des amis qui l’hébergent lors de ses premiers pas, il commence par donner quelques cours à Esch-sur-Alzette et dans le parc de la Pétrusse, à Luxembourg.
Assez rapidement, en 2001, il fonde son académie et la «succes story» débute. Que ce soit auprès des écoles, des maisons relais, du CHL, du centre pour mineurs de Dreiborn ou des entreprises bancaires, sa pédagogie séduit.
À ce jour, son association Capoeira Team Luxembourg compte 12 employés, encadre 1 000 élèves et a fait de lui une figure connue. «Si tu dis Pelé et capoeira, tout le monde connaît», dit-il en citant notamment ses connaissances en politique, «comme Madame Polfer, Monsieur Bettel ou Félix Braz».
«Faire des champions de la vie»
Son diplôme de l’Institut national de l’activité physique et des sports (Inaps) lui permet également de mener à bien des projets sociaux, comme en 2015 avec l’intégration de réfugiés grâce à la capoeira, en collaboration avec la Croix-Rouge, Caritas, l’ASTM et le ministère de la Justice. Hyperactif, il a également lancé en 2024 Teams Sports Club afin de développer d’autres activités : muay-thaï, zumba, jiu-jitsu brésilien, boxe, parkour et batucada.
Du côté de la sélection nationale de capoeira, Uelington Ramos de Oliveira connaît également des succès : «Nous sommes très souvent sur les podiums mondiaux depuis 20 ans.» La preuve, le 8 juin, lors d’une compétition internationale à Grenoble où les Luxembourgeois ont remporté l’argent et le bronze en catégories adolescents et une autre médaille d’argent chez les adultes.
Au-delà des performances, «mon objectif est de faire des champions de la vie», résume-t-il. Cela concerne aussi bien les garçons que les filles, qu’il pousse à la capoeira, «car beaucoup pensent être fragiles, ne pas avoir de chance, alors que non, les femmes sont fortes».
Sa mère est partie avant de voir le bout de chemin réalisé par son fils. «Elle a vu les débuts, que je voyageais et que j’avais réussi à changer beaucoup de choses dans ma famille», relativise-t-il.
Son investissement, il le dédie également au Luxembourg, «un pays que j’aime, un pays avec beaucoup d’immigrés, alors j’essaye de montrer l’exemple que l’on peut s’en sortir».
Un week-end de fête
Aujourd’hui s’ouvre à 17 h l’événement annuel de la Capoeira Team : le «Batizado» et le changement de corde. Organisé jusqu’à dimanche à Luxembourg, sur le campus Geesseknäppchen et au hall omnisports Belair, il s’agit d’un rendez-vous où des élèves font leurs premiers pas, tandis que d’autres célèbrent l’obtention d’un grade.
Des invités venus d’autres clubs de capoeira et des maîtres d’Europe et du Brésil sont aussi conviés à cette grande fête.
L’événement, gratuit, est ouvert au public, qui est invité à assister à des démonstrations et à participer à des cours d’essai.