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L’assistant social de Sanem essuie le tir nourri du parquet


Le prévenu n’était pas Dieu à l’office social, avance son avocat. Il est accusé d’avoir abusé de sa fonction.

L’abuseur présumé n’a pas abusé le parquet, qui a demandé sa condamnation et appelé d’autres éventuelles victimes à oser parler et dénoncer des comportements contraires à sa fonction.

Les mains cachent son visage. La gauche, puis la droite, ensuite ses mains jointes comme pour prier soutiennent son visage penché vers l’avant. Gilbert est recroquevillé sur le banc des prévenus et regarde le sol. Il n’en mène pas large. Mercredi, il a été décrit, par l’avocat des parties civiles, comme «un prédateur sans scrupules au système bien rodé». Il est accusé d’avoir abusé de son autorité face à des femmes vulnérables et dépendantes de son aide en tentant de les séduire et d’obtenir des faveurs sexuelles de leur part. On lui reproche un viol et neuf attentats à la pudeur.

Déprimées, malades, sans ressources, victimes de violences, elles avaient «peur de perdre le peu qu’elles avaient». Démunies face à lui au moment des faits, elles lui reprochent des visites à domicile impromptues, des messages privés, des mains baladeuses, des lèvres qui dérapent, des rapports de force déséquilibrés sous couvert de menaces à peine masquées.

Hier, Gilbert leur a présenté ses excuses pour «ne pas leur avoir donné l’aide à laquelle elle s’attendaient» et prié la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg de lui laisser une chance de prouver qu’il n’est pas le «monstre» dépeint depuis trois jours en ne l’envoyant pas derrière les barreaux. «Son comportement était plus que déplacé» et «il a pu manquer de discernement», reconnaît son avocat, Me Says, mais malgré ce comportement inapproprié l’assistant social «n’a jamais eu d’arrière-pensée sexuelle» en rapport avec ses clientes.

Bref, elles ont mal compris ses intentions. À moins que ce ne soit l’inverse. Il affirme avoir entretenu une relation suivie avec la cliente qui l’accuse de viol à son domicile et conteste avoir commis des attentats à la pudeur ainsi que les menaces et les pressions. Ému par un dernier témoignage d’une de ses victimes présumées, il préfère rappeler qu’il est un père de famille aimant et un employé modèle dans son nouvel emploi.

«Pourquoi? Pourquoi?»

C’est sa parole contre celle des femmes, a rappelé Me Says. Le dossier d’accusation ne comporte pas de preuves matérielles des actes qui lui sont reprochés et les victimes présumées se sont pour la plupart tues jusqu’à ce que les enquêteurs les contactent. L’avocat joue la carte du doute qui doit profiter à son client en mauvaise posture après le réquisitoire du parquet et les différents témoignages.

«Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi m’a-t-il fait cela? Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse.» La douleur contenue dans ce cri est assourdissante. Les mots, comme ceux employés face à l’enquêteur, sont touchants. «Je n’en ai jamais parlé avant d’être entendue par la police. Je n’en ai plus reparlé après.» Cette victime présumée, après avoir refusé de s’exprimer la veille – son audition avait été visionnée –, a toutefois trouvé le courage et la force morale d’affronter le prévenu hier matin. «Je connaissais la maladie, j’ai connu la dépression, la peur des hommes», explique-t-elle dans un sanglot continu évoquant le repli sur elle-même, la honte, l’impuissance, son parcours pour refaire surface.

Le prévenu paraît touché, mais ne bouge pas sa ligne de défense. «Il n’était pas le dieu des aides sociales», lance son avocat. Autrement dit, les bénéficiaires ont eu tort de croire qu’il pouvait les révoquer. De plus, aucune d’entre elles n’a demandé à changer d’interlocuteur ou effectué de signalement. Son client doit être acquitté du viol ainsi que de tous les autres faits où le doute subsiste. Il plaide également en faveur du sursis intégral et «de toutes les mesures pour lui éviter la prison et de tout perdre».

La parquetière a requis une peine de 9 ans de prison contre le prévenu pour viol et divers attentats à la pudeur – à l’exception d’un fait – avec circonstances aggravantes. «Les faits sont terribles. Ils reflètent l’abus méthodique et réfléchi de son autorité» et de sa fonction envers des femmes «sans filet de sécurité», a-t-elle notamment estimé. Elles se sentaient «comme un lapin devant un tigre». «Il devenait froid et punitif quand les femmes se défendaient ou se rebellaient», a ajouté la magistrate pour qui Gilbert «essaye de tout relativiser».

Entre 2002 et 2019, l’assistant social a accompagné 651 bénéficiaires. «Les femmes entendues ici sont peut-être le sommet de l’iceberg», accuse la représentante du ministère public, qui rappelle que dans la commune de Sanem les rumeurs sur les pratiques peu déontologiques du prévenu allaient bon train et qu’une femme refuse toujours de parler par peur. «Je le dis pour toutes les victimes qui n’ont pas eu le courage de porter plainte : ce qu’il a commis n’est pas un malentendu, c’est un crime.»

Le prononcé est fixé au 16 octobre.

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