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L’ancien assistant social de Sanem, «un prédateur sans scrupules»


«Il m’a promis de m’aider si j’étais gentille, mais qu’il pouvait aussi me faire du mal. Je ne voulais plus aller chez lui, mais j’étais obligée», a expliqué une victime présumée.

Les témoignages des victimes présumées de Gilbert sont accablants, dont un, en particulier, diffusé à l’audience. L’ancien assistant social de Sanem apparaît comme un satyre lubrique et cruel.

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Un assistant social de Sanem accusé d’abus sexuels sur des bénéficiaires

Des femmes d’âge moyen se succèdent au micro de la salle d’audience de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg depuis deux jours. Elles jurent toutes avoir été victimes d’un seul et même homme. Assis sur le banc des prévenus, hier, ce dernier avait l’air nettement moins confiant que la veille. Toutes avaient confié leurs malheurs à l’ancien assistant social de la commune de Sanem en espérant obtenir une aide de sa part.

«Il a profité de ma faiblesse et de mon malheur», témoigne hier Anna en pleurs. «Je me sentais mal à l’aise, gênée, coupable et honteuse de devoir bénéficier de l’aide sociale. Il m’a promis de m’aider si j’étais gentille, mais il m’a dit qu’il pouvait aussi me faire du mal. Je ne voulais plus aller chez lui, mais j’étais obligée.» La victime présumée se serait sentie humiliée. «Il était assis à son bureau et souriait. Derrière lui, il y avait la photographie de ses enfants. Il me disait que j’étais sa préférée…»

«Il m’avait proposé de me trouver un logement. Je me retrouvais toute seule avec mes trois enfants et pas de quoi les nourrir», a résumé une autre victime présumée, d’une toute petite voix à peine audible. «Tout a commencé quand il s’est présenté à mon domicile de manière imprévue. Il a fermé les volets et s’est assis sur le canapé. Il m’a pénétrée avec un doigt et s’est masturbé devant moi. Je n’étais pas consentante, mais je n’avais pas de travail.»

Entre 2010 et 2019, Gilbert, 57 ans, aurait profité de la détresse d’au moins huit femmes bénéficiaires d’aides sociales pour assouvir son besoin de séduction. «Il m’a attirée vers lui et m’a dit qu’il était un ami du bourgmestre. J’ai eu peur de perdre mon logement», explique la quadragénaire, qui a tenté de protester.

Le prévenu se serait montré un peu trop proche et tactile avec ses clientes. Un viol et des attentats à la pudeur lui sont reprochés. Il reconnait certains faits et en conteste d’autres.

Lors d’un rendez-vous dans son bureau, le prévenu aurait embrassé la jeune femme sur la bouche en l’enlaçant et en lui touchant la poitrine. Gilbert prétend avoir entretenu une relation extraconjugale avec elle. «J’étais très faible sur le plan psychique à ce moment-là et dans la détresse.»

«Il m’a tirée par les cheveux»

Un point commun entre toutes les victimes présumées. Seules et vulnérables, divorcées ou malades, elles avaient besoin d’aide. Celles qui se rebellaient ou le repoussaient auraient perdu cette aide. Sandra l’a vécu. «Il a essayé de m’embrasser. Je l’ai repoussé», raconte-t-elle. «Le lendemain, il m’a envoyé un mail dans lequel il m’écrivait que si j’en parlais personne ne me croirait et qu’il ne me proposerait plus d’aide.»

Gilbert cache son visage derrière sa main. «J’avais perdu confiance en raison de ma maladie», sanglote une autre femme lors de son audition par la police diffusée lors de l’audience. «De Ferrari, j’étais devenue une 2CV.» En plein divorce, elle se rend à l’office social, où elle fait la connaissance de Gilbert.

«Lors de mon deuxième rendez-vous, il m’a demandé si j’aimais le sexe.» Elle raconte ses visites impromptues à son domicile. «Il m’avait embrassée dans son bureau. J’ai eu peur. Qu’est-ce que j’allais pouvoir faire ?»

Pas grand-chose. «Il m’a tirée par les cheveux en me disant : « Tu aimes ça hein ? ».» Elle s’interrompt. «Il avait l’air malade.» À cause de son handicap, elle n’aurait pas eu la force de lui résister. «Je me suis lavée avec du vinaigre et j’ai jeté mes vêtements.»

Le prévenu l’aurait voulue sous sa coupe, au point de la remballer avec ses papiers si elle ne le satisfaisait pas. «Il devenait hystérique au téléphone quand je remettais un rendez-vous. Il m’a détruite. Il me poursuit dans mes rêves.» Ce témoignage en particulier est accablant. Il dépeint le prévenu comme un «prédateur sans scrupules au système rôdé», selon l’avocat des parties civiles.

Interrogé à son tour, Gilbert, médiocre, assure avoir entretenu une relation suivie et consentie avec l’une de ses clientes. À l’écouter, elles ont toutes menti. «Beaucoup de choses fausses ont été dites. Tout ne s’est pas passé comme elles l’ont raconté», répond-il au juge. «Je n’ai jamais exercé de pression, de menaces ou essayé de profiter de ma position, je n’ai jamais voulu faire de mal ou obtenir des faveurs sexuelles. Je n’ai jamais été violent.»

Le prévenu rejette tout sur les femmes qui «exagèrent», dit son incompréhension, puis reconnaît avoir fait «beaucoup d’erreurs». «Ce n’est qu’un échantillon de beaucoup de femmes. Vous les avez presque toutes draguées et vous avez fait un enfant à l’une d’elles. C’est toujours le même schéma. Combien de relations aviez-vous en même temps ?», lui assène le président. «Vous n’auriez sans doute pas osé vous conduire de cette manière avec des femmes qui ne dépendaient pas de votre aide.»

Trois ans de salaire et l’euro symbolique

La commune de Sanem et son office social «ne sont pas les victimes principales dans l’affaire», mais «par ricochet, étant donné le comportement inacceptable du prévenu». Gilbert a été suspendu avec effet immédiat après que des collègues ont dénoncé les faits présumés au collègue échevinal, pour ensuite faire l’objet d’une procédure disciplinaire pendant trois ans avant d’être révoqué. Entre-temps, le prévenu a déposé une plainte en diffamation, avant d’écrire une lettre d’aveux au conseil de discipline, a indiqué l’avocat de la commune.

L’administration communale et son office social se sont portés parties civiles, arguant d’une atteinte à leur réputation. Ils réclament 480 000 euros – l’équivalent de trois ans de salaire et d’avantages – et l’euro symbolique pour dommage moral.

Des rumeurs couraient dans la commune depuis plusieurs années pourtant, malgré une rebuffade du bourgmestre de l’époque. Pendant des années, Gilbert aurait abusé de femmes en toute impunité.

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