L’eurodéputé libéral Charles Goerens est écœuré par le vote de rejet de son rapport sur l’aide au développement et s’en prend aux alliances entre les conservateurs du PPE et l’extrême droite.
Il n’ira pas «défendre ce torchon à Séville» en réaction au rejet par le Parlement européen de son rapport relatif à la 4e Conférence internationale sur le financement du développement qui doit se tenir dans la capitale andalouse du 30 juin au 3 juillet. L’eurodéputé Charles Goerens (DP), ancien ministre de la Coopération de 1999 à 2004, est resté un fervent défenseur de l’aide au développement.
«Le Parlement européen n’a pas de position et je trouve qu’après ce vote, le Parlement a quand même l’air nul», déclare-t-il au Quotidien. Son rapport a été «considérablement affaibli», comme il le souligne dans un communiqué, «par des amendements conservateurs, supprimant toute référence aux principales réalisations de l’UE en matière d’aide au développement».
Charles Goerens se dit écœuré par les alliances entre les conservateurs du PPE et l’extrême droite qui ont fait capoter son rapport. «Cela n’augure rien de bon, ils ont une majorité et ils nous le font savoir pratiquement à chaque occasion. Donc, au niveau de cette Commission, ça devient vraiment problématique», insiste l’eurodéputé membre de la commission du Développement, insistant sur cette alliance «entre gens qui n’ont plus rien à voir avec l’aide au développement».
Mardi, en séance plénière au Parlement européen, après ce vote qui l’a profondément contrarié, il a demandé une nouvelle fois la parole pour dire qu’il n’ira donc pas défendre «ce torchon». Il dénonce la politique du «chacun pour soi» et «la perte de tout aspect compassionnel dans la politique extérieure, dans la politique en général», nous dit-il.
Pourtant, «face à l’urgence des défis mondiaux, l’UE doit faire preuve de leadership et d’ambition», insiste-t-il dans son communiqué. «L’absence d’adoption d’une position commune constitue un revers, non seulement pour notre crédibilité, mais aussi pour nos partenaires du monde entier qui considèrent l’Europe comme une force fiable pour l’aide au développement.»
L’eurodéputé luxembourgeois rappelle que les objectifs de développement durable sont menacés par un déficit de financement sans précédent de 4 300 milliards d’euros par an, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport aux estimations d’avant la pandémie. «Ce déficit nécessite une mobilisation sans précédent de ressources financières, tant publiques que privées, à l’échelle mondiale, en particulier pour résorber la crise climatique, la perte de biodiversité et la hausse des inégalités», selon le rapport de l’eurodéputé.
Alors, pour lui, le rejet de ce texte «envoie un message négatif aux populations les plus vulnérables du monde, qui dépendent désespérément de la solidarité européenne». Il insiste sur le fait que l’UE «était le dernier rempart de ceux qui attendaient encore quelque chose au point de vue de la solidarité».
Le rapport rappelle que «d’après les estimations, si les États membres avaient respecté leur engagement de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD) depuis 1970, plus de 1 200 milliards d’euros auraient pu être alloués à la coopération au développement, chiffre qui pourrait même être beaucoup plus élevé si l’on tenait compte des autres pays donateurs à travers le monde».
Calculs politiques
Pour le groupe Renew, auquel appartient l’élu libéral, «cette décision porte atteinte à l’héritage des conférences sur le financement du développement, qui ont établi le consensus mondial sur le financement du développement durable». «Je ne peux, en toute conscience, représenter une institution qui vient d’abandonner son engagement envers les populations les plus pauvres du monde par des manœuvres politiques et des alliances extrémistes», déclare encore Charles Goerens. Son groupe politique regrette «une occasion historique manquée».
Renew Europe appelle les dirigeants européens à reconnaître la gravité de cet échec et à œuvrer de toute urgence pour restaurer la position de l’Europe en tant que championne du développement mondial. «Les populations les plus vulnérables du monde méritent mieux que des calculs politiques et des alliances extrémistes», conclut le communiqué.
Les eurodéputés du CSV, membres du groupe PPE, n’ont pas suivi les consignes et ont voté en faveur du rapport de Charles Goerens.