L’échec des partenaires sociaux à s’entendre, à ce stade, lors du conclave sur les retraites risque-t-il de fragiliser davantage François Bayrou? Si l’hypothèse d’une censure immédiate semble s’éloigner, le Premier ministre est confronté à la douloureuse préparation du budget et l’automne s’annonce très périlleux.
Syndicats et patronat ne sont pas parvenus mardi à s’accorder sur une refonte de la réforme impopulaire des retraites de 2023, au terme de leur dernière journée de négociations censée clore trois mois et demi de concertations. Si une session de rattrapage a bien été proposée le 23 juin, le président du Medef (patronat), Patrick Martin, s’est dit « très réservé » quant à la participation de son organisation.
Pour autant, le Premier ministre « continue à faire confiance » aux partenaires sociaux, selon son entourage. Contestée pendant de longs mois par l’ensemble des syndicats, la gauche et l’extrême droite, la réforme du gouvernement d’Elisabeth Borne a été adoptée en décembre 2023 à l’Assemblée nationale au forceps -sans vote- avec l’article 49.3 de la Constitution.
Peu après son arrivée à Matignon, M. Bayrou, en situation déjà précaire du fait de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, avait invité les partenaires sociaux à revoir la réforme « sans tabou », obtenant en retour que les socialistes ne le censurent pas sur le budget.
Le Premier ministre, qui se présente comme un grand défenseur de la « démocratie sociale », avait également proposé de saisir le Parlement en cas d’accord même partiel.
«Tout est sujet de censure»
Mais en cas d’échec des concertations, la loi Borne « s’appliquera », a redit mardi à l’Assemblée nationale le chef du gouvernement. Une déclaration que Patrick Martin, qui a échangé avec lui mardi après-midi, a entendu avec « intérêt », alors que le Medef n’était « pas demandeur » d’une remise à plat de la réforme, a-t-il rappelé sur France 2.
Le patron des patrons a aussi émis un « gros doute » quant à la capacité des députés de voter certaines mesures envisagées dans le conclave, telle qu’une augmentation de la CSG pour les retraités les plus fortunés. A gauche, le chef de file des députés socialistes, Boris Vallaud, a demandé que le « dernier mot revienne au Parlement », accord « global » ou pas, sous peine de censure.
Or le Parti socialiste est sorti divisé de son congrès ce week-end sur la question. « Tout est sujet de censure mais tout est sujet de compromis aussi », estime, prudent, son Premier secrétaire Olivier Faure.
La France insoumise voudrait plus fermement déposer une motion pour faire tomber le gouvernement dès la semaine prochaine, soit juste après l’ultime réunion des partenaires sociaux. Mais comme un député ne peut pas signer plus de trois motions, il lui manque une vingtaine de membres d’autres groupes pour atteindre le quorum.
Un plan « global » de 40 milliards d’euros d’économies,
Côté Rassemblement national, le député et porte-parole du parti, Laurent Jacobelli, semble plutôt vouloir attendre le vote à l’automne du budget. « Sur le principe, la censure ne nous fait pas peur » mais « nous attendons évidemment le budget, (…) où tout sera, probablement, proposé », a-t-il dit sur RMC.
Si le risque d’une censure semble s’éloigner dans l’immédiat, il sera dans toutes les têtes à l’automne, quand François Bayrou soumettra au vote des députés le projet de budget pour 2026, qu’il reste déterminé à placer sous le signe de l’austérité, quitte à y laisser sa place. Il en exposera les grandes lignes après la fin de la session parlementaire le 11 juillet. Ce qui empêchera le dépôt d’une motion de censure avant la rentrée des députés, le 22 septembre.
Compte tenu de la dégradation des finances publiques, il avait d’ailleurs posé plusieurs conditions au conclave des retraites: garantir un « retour à l’équilibre » financier du régime d’ici à 2030 -condition confirmée mercredi par la ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin- et ne pas revenir sur les 64 ans.
Pour son budget, François Bayrou préconise un plan « global » de 40 milliards d’euros d’économies, qui pourrait passer par une « année blanche » (gel budgétaire) sauf pour les armées. Il s’agira alors « d’essayer de faire adopter » le texte « parce que la stabilité politique, elle a de la valeur ». « Après, François Bayrou ne veut pas durer pour durer », glisse un proche.
Le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, a déjà appelé mercredi les parlementaires à censurer le gouvernement en cas de nouvelles ponctions sur le budget des collectivités locales en 2026.