Un cas d’école : deux sœurs accusent leur beau-père d’agressions sexuelles. Lui prétend être accusé à tort et victime d’une cabale. Mais il possédait du matériel pédopornographique.
«Il ne s’est rien passé», jure Fabrice, accusé de nombreux attentats à la pudeur sur ses deux belles-filles alors qu’elles étaient mineures, ainsi que de menaces et de détention de matériel pédopornographique. Vingt et une images et 73 films trouvés sur son ordinateur. «Vous confirmez la règle», a noté le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Vous contestez les accusations, ce qui est votre droit, mais on retrouve du matériel pédopornographique en votre possession.»
Pendant près de sept ans, de 2012 à 2019, ce cuisinier de 52 ans aurait pris l’habitude de rejoindre l’aînée des fillettes depuis ses dix ans dans son lit la nuit. Lara et Anna affirment qu’il se déshabillait et se masturbait en caressant Lara quand il ne forçait pas Anna à le masturber en saisissant sa main. Elles l’accusent également de menaces et de les avoir filmées sous la douche en vacances.
A l’insu de son plein gré
Pour sa défense, il prétend avoir uniquement bordé les fillettes alors qu’il n’y avait pas de chauffage central dans la maison occupée par la famille. Le matériel pédopornographique? Il l’a téléchargé à l’insu de son plein gré avec d’autres films et ne l’aurait jamais consulté. «De toute ma carrière, je n’ai jamais vu que, dans ce genre d’affaires, ce type de contenu arrivait par hasard sur les ordinateurs des prévenus», constate une enquêtrice du service de protection de la jeunesse de la police judiciaire. Lui accuse les deux sœurs de lui vouloir du mal depuis la rupture avec leur mère.
Un expert psychologue, chargé de leur expertise de crédibilité, met sa théorie à mal. Les faits dénoncés par les filles reposent sur «un vécu véritable». Me Hellinckx soulève cependant des incohérences dans les diverses auditions des deux victimes présumées – notamment en ce qui concerne la fréquence des attouchements – qui pourraient, estime-t-il, décrédibiliser l’expertise et démontrer que les sœurs ont menti.
«Je le sentais contre moi»
«Il était comme un père pour moi», indique Lara, 23 ans. Un père un peu trop prévenant qui lui aurait caressé le haut des cuisses après lui avoir passé de la pommade sur un genou égratigné. La gamine se laissait «tripoter» pour éviter qu’il ne s’en prenne à sa petite sœur, révèle l’enquêtrice. Son sacrifice n’aurait servi à rien. Leur maman ira finalement dénoncer les faits auprès de la police en août 2020.
«Il s’en prenait à nous le soir.» Pour échapper aux représailles annoncées par Fabrice – les tuer dans un accident de voiture –, Lara garde tout pour elle jusqu’à ce qu’elle ose se confier à sa marraine. «Quand tout le monde dormait, il faisait semblant d’aller aux toilettes. Je fermais les yeux, je le sentais contre moi. J’étais tétanisée de peur», témoigne-t-elle en pleurs. Jusqu’à ses 18 ans, elle aurait eu droit à ce traitement chaque week-end. «Tout ce que je dis est vrai. J’ai mieux à faire que de mentir», répond la jeune femme à la question du président qui veut savoir si sa sœur et elle ont pu inventer toute l’histoire.
Malgré ce premier témoignage lourd en émotions et en conséquences, Fabrice continue de clamer son innocence. «Ment-elle?», l’interroge le président entre deux témoins. «Oui, je ne l’ai jamais touchée», assure-t-il sans sourciller. Anna succède à sa sœur à la barre. «En trois ans, il m’a touchée trois fois. Jusqu’à ce que je me révolte et que je le repousse. Je voulais qu’il arrête…» Elle aussi fond en larmes. «Je me suis laissé faire. J’étais petite, je ne savais pas quoi faire.» Terrorisée, elle passait ses nuits protégée par ses chiens.
Bien qu’elle ait remarqué à plusieurs reprises qu’il ne dormait plus à ses côtés, la maman des filles ne se serait douté de rien. «Je l’ai surpris une fois alors qu’il sortait de la chambre des filles. Il a prétexté être allé vérifier qu’elles dormaient bien et qu’elles respiraient normalement», confie la mère de famille. «Mes filles ne mentent pas. Quel intérêt auraient-elles? Je les crois.»
La nièce du prévenu aussi, même s’il lui est difficile de prendre parti. «Je ne parviens pas à m’imaginer qu’il ait pu faire une chose pareille et je ne peux pas croire que mes cousines aient pu mentir.»