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Insécurité dans le quartier Gare, la colère d’un restaurateur : «La police ne se déplace pas»


(Photo : Fabrizio Pizzolante)

Après un énième incident rue Joseph Junck, la tension monte encore d’un cran du côté de la Gare à Luxembourg, où commerçants et habitants se sentent plus seuls que jamais.

Au lendemain des faits, c’est un «sentiment d’abandon» qui domine, souffle-t-il au téléphone, en plein service dans son établissement de la rue Joseph Junck.

Un an et demi que ce patron de restaurant s’est installé dans le quartier de la Gare à Luxembourg, malgré la mauvaise réputation de l’endroit. «Je ne m’attendais pas à une telle gravité. Les cinq premiers mois, j’ai dû recruter un agent de sécurité», raconte-t-il, sous le sceau de l’anonymat.

Aujourd’hui, il n’en a plus les moyens et intervient lui-même pour protéger ses clients quand les choses s’enveniment. «Un stress permanent» de plus en plus dur à supporter, alors que la police n’est pas aussi présente qu’il le faudrait, d’après lui.

Comme les autres riverains, il subit chaque jour les nuisances et l’insécurité liées au trafic et à la consommation de drogue dans cette zone. Mais un nouvel incident, survenu à sa terrasse lundi après-midi, pourrait bien le pousser à baisser définitivement le rideau.

Un toxicomane hurle sur les clients

«Plusieurs clients buvaient tranquillement un verre lorsqu’un toxicomane s’est approché et a commencé à leur parler avant de leur hurler dessus. Il tentait aussi de les toucher. Deux tables se sont alors vidées», déplore le patron, qui demande à l’homme de quitter les lieux.

«Quelques instants après, il était de retour pour m’insulter et me menacer. J’ai appelé le 113, car ça dégénérait. On a attendu plus de 40 minutes, mais personne n’est venu.»

Il rappelle alors la police, et finit, 10 minutes plus tard, par stopper une patrouille de passage. Le toxicomane, lui, s’est évaporé. «Ils m’ont juste dit qu’ils étaient ailleurs en intervention… Et si cette personne avait brandi un couteau? Je pense que pour eux, ce n’est pas une urgence.»

«On n’a plus confiance dans le système»

Un climat anxiogène qui fait fuir sa clientèle, comme ses employés. «Des gens qui viennent déjeuner disent qu’ils aimeraient venir le soir, mais qu’ils ont peur. Et deux femmes qui travaillaient ici ont jeté l’éponge.»

«On ne sent pas soutenus, on n’a plus confiance dans le système, car on voit que, quand on appelle la police, elle ne se déplace pas», regrette le restaurateur, à l’image d’autres collègues du secteur.

La milice citoyenne de nouveau évoquée

D’où l’idée, à nouveau sur la table, de s’organiser entre citoyens pour «déranger» dealers et consommateurs : «Ils sont tranquilles, ils n’ont aucune raison de partir de nos rues. On pourrait fixer ensemble un planning, établir des règles, et se relayer pour aller les perturber constamment», propose-t-il.

Une piste qui pourrait séduire d’autres riverains excédés, quelques semaines après les dernières annonces des autorités en matière de lutte anti-drogue qui peinent à les convaincre, alors que rien ne bouge en bas de leurs immeubles.

Un message détaillant les conditions de travail des policiers a été posté mardi sur le groupe WhatsApp. (Photo : Julien Garroy)

Un message pour défendre la police

Fréquemment pointée du doigt sur le groupe WhatsApp où ils s’expriment, la police est moquée pour son inaction, photos et vidéos à l’appui.

Des attaques qui ont fait réagir une personne se présentant comme un policier – nous n’avons pas pu obtenir un contact direct – soucieux d’expliquer quelles difficultés lui et ses collègues rencontrent sur le terrain. Son message a été posté hier par l’un des modérateurs.

Évoquant des procédures strictes, il rappelle d’abord qu’un dealer ne peut être interpellé que sur base de preuves : transaction en flagrant délit, détention de drogue sur lui, ou témoignage d’acheteur.

«Sans cela, nous sommes impuissants», avoue-t-il, décrivant des réseaux organisés et structurés, employant des guetteurs à des points stratégiques pour éviter la police.

«Une procédure lourde, parfois interminable»

Et quand «il arrive que nous assistions, de nos propres yeux, à un deal», poursuit-il, «une procédure lourde, parfois interminable, qui dure entre cinq et dix heures» s’enclenche, «mobilisant quatre à six policiers». Enfin, c’est au juge de décider si l’individu doit être incarcéré ou libéré.

Or, selon son expérience, grâce à «des avocats spécialisés qui connaissent toutes les failles du système», en général, la personne est relâchée.

Sur les toxicomanes, «tous connus» des services, il assure «dresser régulièrement des procès-verbaux, sans qu’aucune décision judiciaire ne soit prise pour un simple consommateur de rue.»

Un «manque de moyens»

Il insiste également sur les nombreux vols, les bagarres – parfois avec arme blanche – les plaintes par dizaine au guichet, tout en dénonçant un «manque de moyens face à une multitude de priorités.»

«Nous faisons ce que nous pouvons, avec les lois et les effectifs dont nous disposons.» Et de souligner, en guise de conclusion : «Nous sommes policiers, pas magiciens».

Des réactions mitigées

Des arguments mollement accueillis par les membres du groupe, qui font valoir, en réponse :

  • que les moyens pour faire place nette seront sans doute trouvés pour le défilé militaire du 23 juin,
  • qu’ils ressentent une profonde injustice en continuant, eux, à se faire verbaliser si leur voiture est mal stationnée quand les dealers prospèrent,
  • et qu’ils ont vraiment besoin de sentir les policiers de leur côté.

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