Une récente étude de la Chambre des salariés met en lumière les différences marquées entre les salariés résidant au Luxembourg et ceux provenant des pays frontaliers.
489 000. C’est le nombre de salariés travaillant au Luxembourg, selon les chiffres présentés par le Statec en mai dernier. Derrière ce chiffre, une réalité particulière : près de la moitié de ces travailleurs (47 %) sont des frontaliers, qui viennent principalement de France (126 000 personnes). C’est simple, seul un salarié sur quatre est de nationalité luxembourgeoise aujourd’hui au Grand-Duché.
La Chambre des salariés a poussé le curseur un peu plus loin et a révélé une nouvelle étude comparative sur la qualité de travail et le bien-être des salariés du pays : quelles différences peut-on observer entre résidents et frontaliers ?
Des Belges mieux diplômés
Si, sans surprise, le temps de trajet (qui passe parfois du simple au double selon les situations) est l’une des principales différenciations observées, jouant d’ailleurs un rôle assez important sur la santé, l’analyse des caractéristiques sociodémographiques relève aussi des contrastes tant dans le niveau de formation que dans les secteurs d’activité et les nationalités.
Sur le plan de la formation par exemple, nous apprenons ainsi que les frontaliers français se distinguent par une forte proportion de personnes titulaires d’un diplôme d’artisan ou de technicien. Du côté allemand, c’est le diplôme de fin d’études secondaires générales qui prédomine. À l’inverse, les frontaliers belges affichent le niveau de formation le plus élevé, avec 58 % disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
Des frontaliers français plus «techniques»
Selon l’étude de la Chambre des salariés, les résidents luxembourgeois sont majoritairement présents dans la fonction publique, le secteur des banques et assurances ainsi que dans celui de la santé et de l’action sociale. Des domaines souvent liés aux professions scientifiques et intellectuelles.
Les frontaliers français, quant à eux, se concentrent dans l’industrie, le commerce, les technologies de l’information et les services, ce qui reflète une prédominance des métiers techniques, manuels. Les frontaliers allemands, eux, sont fortement représentés dans la construction, les activités financières et l’assurance ainsi que dans le secteur de la santé.
Enfin, les frontaliers belges présentent un «profil hybride» : bien représentés dans la construction et le commerce, ils sont aussi fortement présents dans les professions intellectuelles, notamment dans les activités financières et d’assurance.
Des frontaliers allemands démotivés
Ces différences influencent directement les conditions et la qualité perçue de l’emploi : les frontaliers français déclarent ainsi plus fréquemment des niveaux élevés de burn-out et des problèmes de santé. Pour les salariés venus d’Allemagne, les résultats sont également «préoccupants» pour la CSL, bien que sur un autre plan : les salariés y affichent les niveaux de motivation au travail les plus faibles ainsi que des scores inférieurs à la moyenne en matière de bien-être général.
À l’opposé, les salariés résidant au Luxembourg se distinguent par un niveau de satisfaction au travail supérieur à la moyenne, une tendance qui se confirme dans le temps. Mais ce sont les Belges qui demeurent les plus motivés avec un engagement professionnel fort et une perception globalement positive de leur environnement de travail.
Un télétravail majoritairement… luxembourgeois
Dans ce contexte, le télétravail apparaît comme un levier de régulation des contraintes liées aux déplacements domicile-travail : après un fort essor pendant la pandémie, sa pratique s’est stabilisée à un niveau global de 32 % en 2024. Néanmoins, les inégalités persistent sur ce point : si environ 40 % des résidents luxembourgeois y recourent régulièrement, ce n’est plus le cas des frontaliers. Ces derniers ont vu leur taux de télétravail reculer depuis la fin des mesures fiscales et sociales dérogatoires. Selon les chiffres de la CSL, en 2024, seuls 24 % des frontaliers français, 22 % des frontaliers belges et 19 % des frontaliers allemands en profitent encore.
La baisse est encore plus marquée en ce qui concerne le télétravail fréquent, c’est-à-dire au moins plusieurs fois par semaine. Alors que 26 % des salariés luxembourgeois y ont recours, cette fréquence est devenue marginale chez les frontaliers : 4 % seulement chez les Français, Belges et Allemands, contre 23 à 28 % en 2021.
Des inégalités structurelles à corriger
Ces écarts révélés par l’étude de la Chambre des salariés soulignent l’existence de réalités professionnelles profondément différentes entre résidents et frontaliers. Si le Luxembourg continue de bénéficier de cette main-d’œuvre transfrontalière indispensable à son économie, les disparités en termes de conditions de travail, de bien-être et d’accès au télétravail posent question.
Pour la CSL, ces constats appellent à une réflexion politique et sociale plus large, notamment sur la reconnaissance des contraintes spécifiques des frontaliers, l’aménagement du temps de travail et la pérennisation d’accords bilatéraux sur le télétravail. Car au-delà des chiffres, c’est bien la cohésion sociale et l’attractivité du marché du travail luxembourgeois qui sont en jeu.