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Un lycéen accusé d’une série d’incendies de poubelles à Luxembourg


Plus de 21 poubelles ou conteneurs de recyclage ont été incendiés dans deux quartiers de la capitale en 2020. (Photo: archives lq)

En pleine pandémie de covid, Luxembourg-Ville a été touchée par une épidémie de feux de poubelles de toutes tailles. L’incendiaire n’avait pourtant pas d’intérêt particulier pour le feu.

Parce qu’il avait perdu la flamme, il a mis le feu à des poubelles. D’abord une poubelle à Belair. Plus d’une vingtaine suivront jusqu’à celle de la cour de l’école Aloyse-Kayser. Du matériel remisé derrière le bâtiment du Tennis Club des Arquebusiers au Val Sainte-Croix flambera également. À chaque fois, la police et les sapeurs-pompiers se déploient sur les lieux pour intervenir. Ben, 18 ans à l’époque, les observe de loin.

Le jeune homme aime les voir à l’œuvre. Mais ce qu’il préfère, c’est jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre. «Il était fasciné par ce qu’il pouvait provoquer avec un briquet et un bout de papier», a précisé un expert neuropsychiatre. «Il ne tirait pas sa satisfaction du feu, mais de la sensation de pouvoir et de contrôle qu’il ressentait.» Ben ne serait donc pas un pyromane. En échec scolaire, il aurait cherché un moyen d’évacuer ses frustrations.

Plus de 22 000 euros de dégâts

Il boute son premier feu de poubelles le 27 février 2020 au soir pendant une promenade. «Les incendies sont devenus récurrents dans les quartiers de Merl et de Belair», note un enquêteur. «Toujours dans des poubelles privées ou des containers de poubelles dans des points de collectes de déchets, toujours dans le même périmètre et toujours entre 18 et 22 h, à l’exception d’un fait.»  Le jeune homme aurait fait pour plus de 22 000 euros de dégâts, selon la Ville de Luxembourg.

Rapidement, les policiers excluent une origine après l’autre : involontaire, technique, chimique, biologique, la combustion spontanée… «Il était clair qu’un habitant de ces quartiers était à l’œuvre», constate le policier. Une cinquantaine de briquets sont retrouvés au domicile de Ben qui a reconnu les faits mercredi après-midi face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

L’acte est rapide. Les patrouilles de police déployées dans les quartiers touchés ne parviennent pas à mettre la main sur l’incendiaire, même si elles le contrôlent à deux reprises sur les lieux des incendies. «Cela faisait pas mal de coïncidences, mais ce n’était pas suffisant pour en faire un coupable», explique l’enquêteur. Des images de vidéosurveillance permettront finalement à la police d’identifier le prévenu comme étant l’incendiaire.

Un air de gendre idéal

Le jeune homme aux airs de gendre idéal s’est rapidement accoutumé à cette nouvelle activité, selon l’expert neuropsychiatre. «Il cherchait à causer des effets de plus en plus importants.» Il incendie un présentoir à journaux gratuits, un WC mobile et allume le contenu d’une poubelle qu’il avait poussée le long de la façade de l’école Aloyse-Kayser le 15 mars 2020.

Accusé d’incendie criminel pour ce dernier fait, il prétend que la situation lui a échappé et qu’il a pris la fuite. Il nie avoir voulu incendier l’établissement scolaire. «Je revois la poubelle s’affaisser parce qu’elle avait fondu. Elle a ensuite basculé en arrière contre la façade. Je n’ai pas eu le courage d’aller vérifier», explique Ben qui rembourse toujours ses dégâts grâce à ses jobs d’étudiant. Entre autres, auprès de la Ville de Luxembourg.

Soixante-trois jours, parfois deux incendies par jour, plus d’une fois au même endroit, comme à l’école. «Je le crois quand il dit qu’il voulait uniquement mettre le feu à la poubelle et qu’il n’avait pas l’intention d’incendier l’école», indique la substitute du procureur. Cependant, avec sa pratique, il aurait, selon elle, dû savoir que les flammes risquaient de se propager au bâtiment. «Il savait ce qu’il faisait. Il n’en était pas à son premier incendie de poubelles.»

Pas d’attrait pour le feu

La magistrate ne croit pas à la thèse de la poubelle qui bascule. «C’est une nouvelle version.» Elle a conclu aux destructions volontaires et à l’incendie criminel en se basant sur l’article 517 du code pénal et a retenu la circonstance aggravante de la nuit. Ben risque une peine de 15 à 20 ans de réclusion criminelle. Elle a toutefois relevé des circonstances atténuantes et a requis une peine de 6 ans de prison assortie du sursis probatoire à l’encontre de Ben.

«Il n’avait pas d’attrait particulier pour le feu. Il voulait juste attirer indirectement l’attention» sur sa détresse et reprendre le pouvoir sur sa vie, selon sa défense assurée par Mes Prum père et fille. «Le confinement a eu un effet délétère sur son psychisme.» Les avocats se sont rendus dans la cour de l’école pour trouver des éléments leur permettant de contrer l’accusation. «Le poids du couvercle a fait basculer la poubelle fondue» en direction de la façade. «Le feu n’a pas été mis directement à l’immeuble.»

Cela ne correspondrait pas au schéma de lycéen «immature» qui a «disjoncté». Le doute quant à ses intentions doit lui profiter. Les dégâts à la façade étaient «accidentels». La défense réclame l’acquittement du jeune homme pour l’incendie criminel et la clémence du tribunal pour le reste.

Le prononcé est fixé au 3 juillet prochain.

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