Un concert «all-star» luxembourgeois et un son et lumière d’exception : fin septembre, la Rockhal fêtera ses 20 ans sous le signe d’une grande «fête populaire», selon son directeur, Olivier Toth.
À la Rockhal, «où la musique compte», comme le dit son slogan («Where music matters»), on sait ménager ses prises de parole. Du moins en principe. La précédente grande conférence de presse du Centre de musiques amplifiées (CMA) remonte à plus de trois ans déjà, au moment où la plupart des salles en Europe et dans le monde restaient condamnées à la fermeture pour cause de pandémie – alors que la Rockhal, idéalement située dans un pays qui a devancé tous les autres en termes de reprise de la vie culturelle, multipliait les initiatives, non seulement pour pouvoir retrouver sous son toit artistes et public, mais aussi pour continuer à faire vivre la création et les émotions musicales malgré la situation.
On pouvait donc espérer que le rendez-vous donné hier, en prévision des 20 ans de la salle de concert d’Esch-Belval, serait à la hauteur de l’importance de l’évènement. D’autant qu’en 2024, la Rockhal a effectué un «retour au niveau prépandémie» avec 216 évènements organisés et une fréquentation totale de plus de 257 000 personnes. Ce qui lui augure de battre, l’année de ses 20 ans, le record établi en 2019.
Maître des lieux depuis que cette cathédrale d’acier et de béton est sortie de terre en 2005, Olivier Toth l’affirme : «Cette année est placée sous le signe des artistes, du public et des personnes en coulisses», avec l’envie de «célébrer ensemble» cette «réussite» commune. En vingt ans, la Rockhal s’est affirmée sans grande difficulté comme le lieu de référence au Grand-Duché pour les concerts internationaux de grande envergure – pour n’en citer que quelques-uns, Daft Punk, Stevie Wonder, Prince, Patti Smith, Nick Cave, Bruno Mars, Nine Inch Nails, Alicia Keys…
L’aventure avait d’ailleurs commencé dans la fureur, le 23 septembre 2005, au son electro-rock de The Prodigy – un concert forcément historique, qui s’est poursuivi en loges avec une rencontre hasardeuse entre Keith Flint, ex-leader du groupe décédé en 2019, et… le couple grand-ducal. Le lendemain, ce fut au tour de Korn de continuer à battre la Métropole du fer tant qu’elle était chaude; fidèles de la première heure, donc, les piliers californiens du nu metal détiennent aussi un record avec sept passages (sans compter celui en solo du chanteur Jonathan Davis).
«Moments de joie et d’émotion»
Si les célébrations de ces vingt années de musique prendront des airs d’«album photo qu’on feuillette entre amis, pour se remémorer de beaux souvenirs et des histoires mémorables», dit Olivier Toth, il faudra compter sans la présence, pourtant largement espérée, d’artistes internationaux. Le long de deux soirées aux airs d’«énorme fête populaire», fin septembre, le lieu cherchera à «honorer (son) public», mais aussi les artistes de la scène nationale qu’elle a soutenus, accompagnés et mis en lumière sans faillir depuis deux décennies.
C’est une réunion intergénérationnelle d’artistes venus de tous horizons, mais bien luxembourgeois, qui s’emparera de la Rockhal le 24 septembre, vingt ans jour pour jour après le premier passage de Korn : un roster composite, rassemblant 38 artistes et groupes, flanqués d’un «house band» d’une vingtaine de musiciens, pour une soirée «100 % made in Luxembourg» pensée, créée, mise en place et représentée sur scène par «des amis et collaborateurs» qui ont fait l’histoire du CMA et qui ont rendu incontournable sa «mission d’utilité publique», le Rocklab.
Intitulée «Encore! – 20 Joer Lëtzebuerger Musek», la soirée voguera entre «souvenirs incroyables et moments de joie et d’émotion», le long desquels les musiciens porteront à nouveau sur scène des projets nés dans le complexe d’Esch-Belval. À l’image de Glittersberg, duo expérimental porté à l’origine par Sun Glitters et la violoncelliste Lisa Berg, décédée en 2017 des suites d’une leucémie, et qui devrait être le moment le plus «touchant» de la soirée, selon Olivier Toth. Lui qui a vu et accompagné cette scène nationale, dont il se dit «depuis très longtemps passionné», reste «animé par la chance de pouvoir être au cœur de son développement». «De là à prédire où nous en serons dans 20 ans, je n’en ai aucune idée, mais je sais qu’on va encore avancer, bouger, développer des choses folles, grandir encore et aller plus loin.»
Le 27 septembre, place à l’autre chapitre de l’album photo des 20 ans avec la venue du «Monumental Tour», célèbre spectacle son et lumière qui a déjà électrisé la tour Eiffel, le Mont-Saint-Michel ou encore la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Conçue «sur mesure» pour le parvis de la Rockhal – qui pour l’occasion devrait pouvoir accueillir 14 000 personnes, indique Olivier Toth –, cette création tout en lumières, en lasers et en écrans «illustrera l’histoire du site» depuis l’ère industrielle jusqu’aux vingt dernières années vécues au rythme de la musique. L’accès au site sera libre, renforçant ainsi l’idée d’évènement populaire prôné par le directeur. Ce dernier précise toutefois : «On avait toute une série d’autres idées que l’on voulait faire, mais, à un moment donné, il faut arrêter des choix. Pour autant, je ne sais pas si on va attendre les trente ans de la Rockhal pour concrétiser ces autres projets.»
Évolution du lieu
Pour prendre plus exactement la mesure de l’évolution de la Rockhal depuis ses 10 ans, soit son passage à l’adolescence et son entrée dans l’âge adulte, il faut passer, forcément, par le temps du covid. Une période qui «nous a rendus plus affûtés, comme on le dirait de couteaux», sourit Olivier Toth, qui note par exemple les nouvelles habitudes du public, désormais plus enclin à prendre son billet à l’improviste, ou en attendant la dernière minute, plutôt que de répondre présent dès la mise en place des préventes. Le directeur assure ainsi, le plus sérieusement du monde : «On fait les choses différemment depuis, et tout notre travail depuis la sortie de la pandémie reste marqué par notre volonté de voir plus loin, d’oser plus de choses, de rester hyper-concentré, tout cela afin d’apporter la meilleure plus-value possible.»
Dans les faits, cela se traduit à tous les niveaux, en coulisses et devant les yeux du public : une collaboration fructueuse et continue avec le Fonds Belval visant à «améliorer la structure» et «faire évoluer le lieu» – à l’image du balcon récemment installé dans l’enceinte du Club, qui permet à la salle de taille moyenne, où se déroule «l’essentiel de la programmation» de la Rockhal, d’augmenter sa capacité de 1 500 places. D’autres démarches, musicales elles, comme les «Pop-Up Sessions» qui ne cessent de se réinventer depuis leur lancement en pleine pandémie, le nouveau concours «You Can Sing» destiné aux enfants et adolescents – et dont la première édition, cette année, laisse augurer «une prochaine génération phénoménale», jure Olivier Toth – ou le Luxembourg Song Contest et son projet parent, l’Eurovision Songwriting Camp, dont la deuxième édition s’est terminée cette semaine «avec un grand succès». Et le CMA a profité de ses 20 ans pour conclure un partenariat avec Diekirch avec la création d’une bière spéciale, que l’on peut déjà déguster à la Rockhal, en espérant pouvoir vite la siroter à la terrasse du Rockhal Café, dont Olivier Toth a promis la réouverture «très prochainement». Signe que cette année anniversaire a encore des surprises à offrir?