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Gilbert Goergen : «La FLF, cela ne peut pas rester comme ça, il faut que ça pète»


Gilbert Goergen se mouille pour l’avenir du football luxembourgeois. (Photo : julien garroy/editpress)

Gilbert Goergen, ancien membre du conseil d’administration de la FLF pendant dix ans, l’affirme : l’institution a atteint un point de non-retour.

Dans un long communiqué, la FLF semble faire acte d’une repentance que nous voulons croire sincère. Trop tard? Pour les médias, non, puisqu’ils ont l’impression que l’instance fédérale veut assurer la protection des médias. Pour la société civile, on dirait bien que oui. Au-delà des communiqués des associations et politiques, Gilbert Goergen, ancien membre du CA, a pris ses responsabilités et fustigé le fonctionnement anachronique de l’institution. Rencontre.

Pourquoi vous être fendu de ce communiqué?

Gilbert Goergen : J’ai passé six ans une première fois puis quatre ans lors d’un autre mandat, au sein de la FLF. J’ai toujours essayé de voir le côté social de mon sport, en sachant que les règles sont très importantes et qu’il faut y mettre des valeurs, également. Et là… Quand Paul Philipp s’est présenté la dernière fois, c’était avec la promesse qu’il se chercherait un successeur durant son mandat. C’est à ça que tenait alors, par exemple, le soutien de mon club du Fola. Or depuis plus d’un an, c’est un cauchemar : on voit bien qu’il n’en fait rien. À aucun moment, il ne veut changer sa façon d’être. Il y a un côté despotique. On a toujours été mis devant le fait accompli, au conseil d’administration.

On entend parfois ce qualificatif sans parvenir à soutirer de qui que ce soit des preuves de ces prises de décision unilatérales.

Vous voulez un exemple?

Les membres du CA voulaient prolonger Holtz pour les deux matches de barrage. Deux jours plus tard, on apprend qu’il a prolongé de deux ans

Oui.

Eh bien la dernière prolongation de Luc Holtz. Les membres du conseil d’administration étaient pour le prolonger pour les deux matches de barrage avant de le rencontrer pour éventuellement envisager la suite. On était partis là-dessus avant d’apprendre quelques jours plus tard que finalement, il avait prolongé de deux années. C’est cette attitude-là qui n’est plus acceptée par quelques membres du conseil d’administration. C’est la catastrophe née de la gestion du cas Gerson qui a précipité tout ça. Cela a été désastreux depuis le tout début de l’affaire. Chacun sait ce qu’est la vie de Gerson, chacun sait qu’il a traversé des moments pas faciles et que cette histoire ne reflète pas sa vie. Mais il faut le protéger, justement. Et quand je vois comment on s’occupe de lui, il est évident que quelque chose ne va pas.

Le cas Gerson et les violences faites aux femmes, la façon cavalière d’écarter un journaliste d’un point presse… tout ça, pour vous, c’était inévitable? Cela devait fini par arriver?

Absolument. Ça devait finir par arriver. Et il y a plein d’autres choses. Demandez, une fois que tout ce sera calmé, à Mme Nardecchia, que je respecte énormément pour son travail, la façon dont elle a été accueillie, les premiers temps, au conseil d’administration. Les paroles qu’elle y a entendues étaient parfois très limites.

C’est-à-dire?

Arrêtez, vous savez bien.

Pas vraiment, non.

Elle eu à subir des mots pas corrects parce qu’elle était une femme.

Vous voulez dire que la FLF n’est clairement pas à la page du XXIe siècle?

C’est ce que je dis dans mon communiqué. C’est clair, ils ne sont pas à la page. Et dans tous les sens du terme. Je pourrais raconter tellement de choses. Mais le temps n’est pas encore venu. Cela dit, à mon sens, cela ne peut pas rester comme ça, il faut que ça pète.

La communication la plus stupide que j’aie jamais vu de ma vie

Par qui l’étincelle doit-elle venir, dans votre scénario?

Cela ne peut venir que du conseil d’administration. Certains ont encore la tête sur les épaules et peuvent exiger le départ de Paul Philipp. Et je sais que s’ils ne l’obtiennent pas, eux vont se retirer.

Mais la FLF vient juste de faire amende honorable sur tous les dossiers du moment. Et a annoncé la création d’un comité d’éthique.

Moi, je sûr et certain qu’ils ne savaient rien de tout ce qui s’est passé, déjà, au CA. Alors ce communiqué, je ne dis pas qu’ils ne l’ont pas vu, mais il a dû leur être soumis par mail et ils ne savaient pas forcément tout ce qu’il contenait avant qu’il ne soit publié. De mon temps aussi, des fois, on disait « oui«  sans vraiment pouvoir relire ce qui était écrit en notre nom. Cela ne peut plus fonctionner comme ça. Un autre exemple? Erny Decker, élu juste après avoir été pensionné mais sans avoir jamais été membre d’un club et actif dans l’un d’eux. Il était employé de la FLF (NDLR : mais élu très confortablement par les clubs, réunis en AG). Et surtout soutien de Paul Philipp. J’ai demandé si c’était une pratique normale, je n’ai jamais eu de réponse. Est-ce très éthique? D’ailleurs le comité d’éthique, pourquoi faut-il le créer? Il ne devrait pas exister de principe? L’UEFA ne l’exige pas?

Mais les changements annoncés ne peuvent-ils pas renouveler la gouvernance?

Non. Avec le mode de fonctionnement actuel, vous pouvez oublier. Pas avec cette gouvernance du conseil d’administration. Il faut voir les choses en face : Paul Philipp dirige tout, tout seul. D’ailleurs, il faudrait aussi un service communication dirigé par de vrais professionnels. Parce que ce qu’on a vécu ces derniers jours, ce n’est pas extraordinaire. C’est la réalité de ce qu’est la FLF.

Que lui diriez-vous, aujourd’hui, à Paul Philipp?

Qu’il s’est rendu coupable de la communication la plus stupide que j’aie jamais vu de ma vie. Mais c’est compréhensible : il est depuis trop longtemps dans le système et à son âge, il ne se rend plus compte de ce qui se passe dans la société, autour de la FLF. Ce n’est plus honorable de partir comme ça. Pourtant, je l’admire pour tout ce qu’il a fait.