Le Luxembourg est prêt à reconnaître l’État palestinien, mais pas tout seul. Hier, Luc Frieden a condamné les atrocités commises à Gaza, tout en rappelant l’élément déclencheur de ce drame.
Tous les partis ont décrit les mêmes horreurs, tous ont plaidé avec force pour que la situation dramatique cesse. Mais rien ne change quant aux moyens de parvenir à une paix durable et la reconnaissance immédiate de la Palestine, défendue par les verts, les socialistes et la Gauche, a été rejetée. Pas de reconnaissance inconditionnelle, c’est le message que le Premier ministre, Luc Frieden, a adressé aux députés, hier en séance plénière à la Chambre.
Sa présence a été saluée par les partis d’opposition, en particulier par Yves Cruchten, à l’initiative de cette heure d’actualité consacrée à la guerre que livre Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Le ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel, avait demandé qu’une séance plénière supplémentaire soit ajoutée au calendrier des députés pour venir s’exprimer, mais sa requête a été rejetée. «Nous avons proposé qu’il vienne en commission parlementaire et qu’elle soit retransmise, mais la majorité s’y est opposée», rappelle Yves Cruchten.
Le président de la commission des Affaires étrangères, Gusty Graas (DP), regrette que le débat se déroule sans Xavier Bettel, en visite officielle au Canada, et l’opposition commence à se lasser des absences répétées du vice-Premier ministre. Luc Frieden assistera avec Xavier Bettel à la conférence de l’ONU, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, qui se tiendra la semaine prochaine à New York pour relancer une solution pacifique dite «à deux États».
La question de la reconnaissance de la Palestine «n’est pas une question facile», reconnaît Luc Frieden, «ce qui explique qu’aucune solution n’ait été trouvée à ce jour». Comme Bettel, il défend les conditions qui devront être respectées pour que le Luxembourg reconnaisse l’État palestinien, à savoir un cessez-le-feu immédiat, une déradicalisation de l’éducation palestinienne, une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes et l’engagement d’Israël à permettre des élections en Palestine.
«Irréalisable», lance la députée Sam Tanson (déi gréng), qui attend une position claire du gouvernement. Comme Marc Baum (déi Lénk), qui en a assez de la valse-hésitation de Xavier Bettel quand il s’exprime sur le sujet. Luc Frieden, tout en reconnaissant les atrocités commises par Israël, souligne qu’il ne faut pas oublier ce qui s’est produit le 7 octobre 2023. «Cela reste inacceptable, et vous l’avez tous dénoncé, mais cela a abouti au drame que l’on connaît aujourd’hui», déclare-t-il.
Le Premier ministre ajoute que le Hamas «a accepté de mettre en péril la vie des Palestiniens, car la réaction d’Israël à ces attaques était à prévoir». L’aide humanitaire pour Gaza doit être rétablie, car le blocus est «aussi inacceptable», juge Luc Frieden. Le Luxembourg est prêt à reconnaître l’État palestinien et le Premier ministre espère vraiment qu’un «nouveau chapitre» s’ouvrira à New York le 18 juin.
«La question que l’on doit se poser est de savoir si la conférence de l’ONU peut enclencher un processus pour une solution à deux États. C’est ce qu’espère le Luxembourg», poursuit Luc Frieden. Une reconnaissance seule ne suffira pas. Le Premier ministre insiste sur le besoin d’une feuille de route pour mettre en œuvre une solution à deux États.
Yves Cruchten (LSAP) : «Pas le bon signal»
La motion présentée par les trois partis d’opposition a été rejetée par la majorité, l’ADR et les pirates, mais celle de la majorité DP-CSV a été adoptée. À la place d’une reconnaissance immédiate, cette dernière invite le gouvernement «à évaluer le paquet de mesures qui sera préparé pour adoption comme document final par la Conférence et à se joindre, si ce paquet est jugé équilibré, à un groupe d’États, comprenant la France, qui choisiront le moment de la Conférence de haut niveau pour annoncer collectivement leur reconnaissance de l’État de Palestine».
«On regarde trop ce que font les autres, ce n’est pas le bon signal. Vous citez même la France dans votre motion», regrette le socialiste Yves Cruchten. Le LSAP a préféré s’abstenir.
Plus tôt dans la matinée, le LSAP, déi gréng et déi Lénk avaient organisé une conférence de presse commune pour dénoncer les violations graves du droit international commises par Israël, dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Dans leur motion, ces mêmes partis invitent le gouvernement «à œuvrer, avec ses partenaires européens, à une réévaluation de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’État d’Israël à la lumière des violations persistantes du droit international, y compris en examinant les implications des exportations d’armes et de matériel militaire en lien avec le respect du droit international humanitaire. Sur ce dernier point, Luc Frieden ne s’est pas prononcé.