La fédération a communiqué pour s’excuser d’avoir demandé l’intervention des stadiers, vendredi soir.
La FLF commence à apprendre de ses erreurs, il n’est jamais trop tard. Mais il lui a encore fallu bien des mises en garde préalables avant de se fendre d’un communiqué laissant entrevoir qu’elle juge malheureuse la façon dont a été traitée la présence de banderoles hostiles à sa façon de gérer le cas Gerson Rodrigues, en marge du match contre la Slovénie, mardi.
Pour rappel, plusieurs slogans introduits sur des bâches, infligeant un «carton rouge» à la fédération et se positionnant contre les violences faites aux femmes, avaient été littéralement arrachées de force par les stadiers, mettant en danger une partie des manifestants dont certains avaient failli basculer par-dessus la rambarde en tentant de retenir la bâche, une autre étant partie à l’hôpital avec un doigt cassé.
Les associations furieuses et Georges Mischo pas contents tandis qu’un ex-du CA se désolidarise
Le CID-Fraen an gender, accompagné d’«associations amies», était à l’origine de cette manifestation, visible à l’extérieur du stade aussi bien qu’à l’intérieur. Banderoles, cartons rouges… les manifestants sont repartis du stade sans avoir vu la fin du match avec la certitude d’avoir été vus du ministre des sports, Georges Mischo, pas content du traitement de l’affaire et qui l’a fait savoir sur RTL, ce week-end, les sifflets d’une partie du public lorsque les stadiers ont pénétré en tribunes pour mettre fin à la manifestation et… un doigt cassé pour une manifestante. «Un agent de sécurité s’est véritablement acharné sur elle en lui tirant la veste et le bras, alors qu’elle avait déjà lâché la banderole», a communiqué l’association. Une affirmation qui remet également en cause la crédibilité de la société privée chargée d’assurer la sécurité et qui a visiblement porté le danger dans les tribunes plutôt que de l’éviter.
Dans la foulée, c’est un ancien membre du conseil d’administration de la FLF, Gilbert Goergen, qui a officiellement pris position. Voici quelques passages particulièrement saisissants du courrier qu’il a transmis aux rédactions : «En tant qu’ancien membre du comité de la fédération luxembourgeoise de football et représentant d’un club pendant de nombreuses années, je m’exprime aujourd’hui avec conviction sur une situation regrettable, qui dépasse largement le cadre sportif. Il ne s’agit plus seulement de Gerson Rodrigues. Il s’agit de la manière dont la fédération, son Président et le sélectionneur national ont traité un sujet aussi sensible que la violence. Et surtout de leur façon de communiquer, de répondre -ou plutôt de ne pas répondre- aux questions légitimes que se posent aujourd’hui les supporters, les journalistes, , les élus et même une partie du monde du football (…) La fédération a fermé les yeux sur le contexte, fermé la porte aux critiques et fermé le dialogue avec la société. On exclut des journalistes, on attaque des élus, on nie toute responsabilité éthique. Cette attitude n’est ni moderne, ni digne d’une institution qui représente notre football national (…)Il est temps de poser des questions profondes sur le fonctionnement de la FLF».
«Nous nous en excusons sincèrement auprès de toutes les personnes concernées»
Devant cette nouvelle levée de boucliers, Paul Philipp et son conseil d’administration ne pouvaient pas rester (encore) silencieux. Et dans un communiqué expédié ce week-end, les mots ont, enfin, été mis dans le bon ordre. Tardivement, mais au moins sont-ils là, noir sur blanc et avec humilité.
La nomination de Gerson Rodrigues? «Elle a été prise avec sérieux, en respectant le cadre légal et sportif en vigueur. Nous comprenons néanmoins pleinement les sensibilités que ce choix a pu susciter (sic)». L’arrachage des banderoles? «Si certaines d’entre elles ont été considérées comme contrevenant aux réglements de la FIFA/UEFA, qui interdit les messages à caractère politique, offensant, sexuel, discriminatoire ou commercial, une confusion regrettable a eu lieu au niveau de la communication entre le secrétariat général de la FLF et les responsables de la sécurité. Ce manque de coordination a conduit à ce que plusieurs banderoles soient retirées, au-delà de ce qui était demandé pour rester conforme aux réglements».
Ceci étant dit, le mea-culpa prend enfin une tournure concrète dans les dernières lignes du communiqué : «Nous tenons à être très clairs à ce sujet : aucune consigne de la part du conseil d’administration de la FLF n’a été donnée pour enlever tous les messages. Ce n’était et ne sera jamais notre philosophie, ne serait-ce que par respect vis-à-vis de nos fidèles supporters (…) Nous nous en excusons sincèrement auprès de toutes les personnes concernées. Nous réaffirmons notre engagement à garantir une liberté d’opinion pleine et entière pour tous les amoureux du football et de notre équipe nationale, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur d’un stade de football. Nous en tirons les leçons nécessaires»
Suffisant pour apaiser les associations? Le CID-Fraen an gender avait terminé ainsi son communiqué : «Nous sommes consternées par cet excès de violence totalement injustifiée, infligée à un groupe de manifestant.e.s pacifiques. Quelle ironie que militant.e.s protestant contre les violences faites aux femmes se heurtent à une riposte violente». Désormais, la FLF va aussi sans doute devoir prendre des engagements sur la façon dont le service de sécurité qui assure les prestations autour de ses événements, effectue son travail. Un dossier de plus…
Le LSAP en appelle à des conséquences pour Paul Philipp
Mené par qui? Paul Philipp, très critique en fin de semaine envers la classe politique a été désormais nommément ciblé par le LSAP. Les femmes socialistes, dans un autre communiqué, «exigent des conséquences personnelles». Fustigeant des propos (dans une interview accordée à nos confrères du Wort, le président avait parlé de «pseudo-politiciennes» à propos de ceux qui s’étaient fendus de critiques sur la gestion du cas Gerson Rodrigues) «qui démontrent une dérive interne alarmante, incompatibles avec les valeurs d’égalité, de respect et de démocratie».
Pour elles , «les violences sexistes ne sont pas prises au sérieux par ceux qui dirigent notre football national». Le «pseudo-politiciennes» non plus, ne passe pas : «cela a révélé son mépris manifeste pour les femmes engagées en politique. Un discours misogyne qui n’a pas sa place dans une fédération nationale, ni d’ailleurs dans notre société».
Quant à l’épisode des banderoles, le LSAP rappelle le côté scandaleux de la chose puisque «les règles de l’UEFA interdisent l’enlèvement arbitraire de banderoles». Les socialistes, sur la base de ces constats exigent donc une enquête externe indépendante sur les pratiques internes de la FLF, ainsi que des «conséquences personnelles pour les responsables, à commencer par le président Paul Philipp». Décidément, la fédération est encore loin d’être tirée d’affaire.