Les chefs de quinze parquets de Belgique ont adressé jeudi une lettre ouverte au gouvernement pour alerter sur « l’épuisement » de la justice en raison de son sous-financement chronique, une démarche collective inédite de leur part.
Manque de magistrats, bâtiments délabrés, peines non exécutées faute de places dans les institutions, notamment pour les mineurs : le courrier énumère leurs préoccupations et dépeint une situation jugée « alarmante ».
Symboliquement, les procureurs, francophones et néerlandophones, treize hommes et deux femmes, ont cosigné la lettre lors d’une conférence de presse, au parquet de Bruxelles. Elle a ensuite été adressée au Premier ministre Bart De Wever et à la ministre de la Justice Annelies Verlinden.
C’est la première fois que tous les procureurs du pays unissent leurs voix pour dénoncer l’état du système judiciaire.
« Cette démarche historique démontre la gravité et l’urgence de la situation », a insisté Vincent Fiasse, procureur à Charleroi (sud).
« La justice est une mission essentielle de l’État. Nous appelons le gouvernement et le Parlement à enfin fournir des efforts sérieux » et permettre « les investissements structurels indispensables », ajoute le courrier sans citer de chiffres.
Selon une évaluation du Conseil de l’Europe, la Belgique a consacré en 2022 à son système judiciaire quelque 1,2 milliard d’euros, soit une part de 0,22 % du PIB, sous la valeur médiane dans 46 pays européens (0,29 %). La France s’affichait à 0,20 %, d’après ces données publiées en 2024.
Trafic de drogue, trafic d’êtres humains, etc. la Belgique est utilisée comme plaque tournante par de nombreux réseaux criminels internationaux, ce qui représente « un défi considérable » pour la justice, selon les procureurs. Les parquets d’Anvers (nord) et Bruxelles croulent sous les dossiers de crimes ou délits liés aux rivalités entre narcotrafiquants.
En outre, les parquets de la jeunesse dans le pays ont été confrontés ces dernières années à une nette augmentation des signalements sur les mineurs en danger (abus, violences intrafamiliales, négligences).
« La justice est épuisée, il est temps d’agir », conclut la lettre des procureurs.