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«À la rue, la canicule est redoutable» : ils réclament des mesures pour les sans-abri


«Le problème à Luxembourg, c’est qu’on ne veut pas leur donner une place», critique Marie-Marthe Muller. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

À quelques semaines de l’été, les membres de l’association Solidaritéit mat den Heescherten pointent du doigt le Plan canicule qui ne prévoit aucune action spécifique pour les personnes sans abri.

Si aucun chiffre officiel ne les recense de manière fiable, selon les acteurs de terrain du secteur social, les personnes sans-abri se compteraient entre 250 et 300 à Luxembourg.

La Wanteraktioun, qui a pris fin le 15 avril dernier au Kirchberg, a poussé à la porte les bénéficiaires de ce dispositif conçu pour les protéger du froid hivernal.

Mais que prévoient les autorités pour leur permettre d’affronter les chaleurs écrasantes de l’été ? Pas grand-chose, dénonce l’ASBL Solidaritéit mat den Heescherten, qui monte de nouveau au créneau.

Fondée en 2024, en écho au ramdam autour de l’interdiction de la mendicité dans la capitale, ses membres – issus de l’ASTI, du LSAP, des verts, de la Gauche et des pirates – veulent défendre les intérêts des personnes sans domicile et leur apporter un soutien juridique.

Particulièrement exposés

Ainsi ont-ils décortiqué le Plan canicule en vigueur au Grand-Duché, et découvert que rien n’y figure concernant ce groupe de population pourtant fragile.

«Avec le retour de l’été, tout le monde se réjouit, mais pour tous ceux qui vivent à la rue, la canicule est redoutable : ces personnes se retrouvent exposées à la chaleur excessive, sans protection contre le soleil et la déshydratation», souligne Marie-Marthe Muller, porte-parole, également conseillère communale socialiste à la Ville de Luxembourg.

L’actuel Plan canicule mentionne bien les personnes sans abri comme particulièrement exposées à la hausse des températures, mais aucune mesure ne leur est dédiée : le plan est davantage axé sur les personnes âgées de plus de 75 ans, avec un système de visites de surveillance et d’aide à l’hydratation pour celles qui vivent seules. Une demande à introduire via guichet.lu.

Quels moyens pour les ONG?

Comme l’avait indiqué l’ex-ministre Corinne Cahen, déjà interrogée sur ce sujet en 2022, durant la période la plus chaude de l’année, le gouvernement se repose essentiellement sur les efforts des ONG et de leurs bénévoles.

«Or, d’après les informations qui remontent du terrain, aucune action n’est planifiée pour une distribution d’eau ou une mise à disposition de refuge climatique cet été», signale la porte-parole.

L’exemple allemand : des espaces ombragés

D’autres villes en Europe ont réagi en installant des toiles d’ombrage suspendues aux endroits où ces personnes ont l’habitude de se rassembler.

«À Münster en Allemagne, j’ai pu visiter un espace ombragé derrière la gare centrale. Il y avait des bancs adaptés pour s’allonger et y mettre des matelas», décrit Marie-Marthe Muller.

«On pourrait transposer ça en ville, place du Théâtre par exemple. Le problème à Luxembourg, c’est qu’on ne veut pas leur donner une place.»

Après la WAK, la débrouille

L’association cite encore la possibilité d’installer des points d’eau supplémentaires (fontaines, bornes d’eau potable) ainsi que des douches mobiles, pouvant être déplacées à la rencontre des personnes sans domicile, pour leur permettre de mieux supporter les fortes chaleurs.

Et plus globalement, elle appelle les autorités à mettre en place des structures ouvertes toute l’année afin de proposer aux personnes sans abri des conditions de vie dignes et de permettre un suivi efficace par les travailleurs sociaux.

«Actuellement, une fois la WAK terminée, il leur faut se débrouiller. Les structures existantes sont surpeuplées ou ouvertes quelques heures par jour, donc ces gens errent dans les rues. On doit leur redonner une humanité.»

Platzverweis renforcé : «Ils ont droit à la dignité»

En commission des Affaires intérieures le 21 mai, les députés ont adopté plusieurs amendements avant de renvoyer le projet de loi sur le Platzverweis renforcé au Conseil d’État. Un texte jugé «liberticide» par Solidaritéit mat den Heescherten.

«Nous n’avons pas encore eu accès aux amendements, on a simplement lu la presse. La seule chose qui a été retirée, c’est qu’une personne ne pourra pas être pénalisée, et pour cause, à quelle adresse remettre une verbalisation à une personne sans domicile ?», ironise Marie-Marthe Muller. «Ce que je retiens, c’est qu’aucun des amendements ne présente ces gens comme des humains qui ont droit à la dignité. Ils restent perçus comme des marginaux, loin des normes de la société.» L’ASBL a prévu de s’exprimer prochainement sur ce dossier.