L’évolution de la loi française sur l’aide à mourir est très attendue en Belgique, où les demandes de patients français souhaitant y bénéficier de l’euthanasie ne cessent d’augmenter, au point de peser sur le système de soins, selon une experte.
« Vivement que la loi aboutisse ! », déclare Jacqueline Herremans, membre de l’autorité belge de contrôle de l’euthanasie et présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
À Paris, les députés français ont voté mardi soir en faveur du « droit à l’aide à mourir », faisant franchir une étape décisive à une réforme en gestation depuis des années. Le texte doit encore être examiné par le Sénat. Le gouvernement table sur une adoption définitive d’ici à 2027.
« Ce n’est pas pour demain, outre la navette parlementaire, il faudra aussi les décrets d’application », relève Jacqueline Herremans.
De quoi anticiper encore des dizaines de franchissements de frontière pour des malades cherchant à soulager leurs souffrances.
En Belgique, pays pionnier où ce geste médical est encadré par la loi depuis 2002, 106 Français ont vu leur demande d’euthanasie aboutir en 2024.
C’est une petite proportion des près de 4 000 euthanasies pratiquées au total, mais cette nationalité continue de représenter l’énorme majorité des « non-résidents » demandeurs. Et les données du début de l’année montrent que le chiffre va encore augmenter en 2025.
« Risque de contestation »
En quoi cette situation est difficile à gérer pour les médecins belges ?
« Certains hôpitaux se sont complètement fermés à la possibilité d’entendre des demandes de non-résidents, ce qui fait que certains médecins refusent les consultations faute d’assurance sur le lieu d’accueil pour l’euthanasie », répond JacquelineHerremans.
« Et pour les médecins qui continuent d’accepter les non-résidents, cela demande beaucoup plus d’énergie et de travail. La première consultation sera forcément longue. Les médecins partent de zéro en termes de connaissance du patient. Or ils veulent disposer d’un dossier médical en béton, pour se prémunir par exemple d’un risque de contestation d’un proche, qui pourrait ensuite déboucher sur une procédure judiciaire », poursuit cette avocate de profession.
« Quand ce sont des résidents, les médecins ont vécu avec le patient l’évolution de leur maladie, ils ont une connaissance approfondie du patient et de sa famille ».
En outre « le médecin qui consent à la demande doit recevoir au moins un autre avis médical. Tout cela est chronophage ».
Quant au contenu du texte français sur l’aide à mourir, la spécialiste de la loi belge pointe des différences, notamment sur le principe de « l’auto-administration » de la substance létale par le malade lui-même, qui devrait être la règle en France.
« Ce n’est pas un geste banal, et le jour J, le poids sur les proches sera un peu allégé si c’est un professionnel de la santé qui agit ».
« Si on a voulu en Belgique cette intervention du médecin, c’est aussi pour avoir ce dialogue en amont permettant parfois d’examiner d’autres pistes… et ce n’est pas en 15 jours qu’on peut les examiner », fait-elle aussi remarquer.
Le texte voté mardi soir à l’Assemblée nationale prévoit que le médecin doit notifier sa décision au patient « dans un délai de quinze jours à compter de la demande ».
Il légalise le suicide assisté, et de manière exceptionnelle l’euthanasie, sans pour autant que ces mots jugés connotés négativement ne figurent dans le texte.
Cinq critères cumulatifs sont définis, dont le fait d’être atteint « d’une affection grave et incurable » qui « engage le pronostic vital, en phase avancée » ou « terminale ».
En Belgique, la loi ne fait aucune référence à un stade « terminal » car cet état est difficile à définir, selon Jacqueline Herremans. « Il n’y a pas vraiment de base objective, peu de médecins osent se prêter à ce genre de pronostic ».