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La grande première de l’audiodescription en luxembourgeois 


Casques sur les oreilles, bandeaux sur les yeux, tous les spectateurs ont pu vivre la pièce de théâtre à leur manière. (photo flb )

La Fondation Lëtzebuerger Blannevereenegung a proposé une expérience inédite au Grand-Duché avec «Theater in the Dark».

Le 23 mai dernier, le Mierscher Theater de Mersch accueillait une représentation inédite au Luxembourg. Si sur scène, la représentation de la pièce Vreckvéi s’est déroulée de façon classique, c’est dans le public que se trouvait la nouveauté. Pour la première fois, des spectateurs et des spectatrices malvoyants ou aveugles ont pu profiter d’une audiodescription en luxembourgeois.

Casques spéciaux, découverte tactile de la scène et des décors, la Fondation Lëtzebuerger Blannevereenegung avait tout organisé pour rendre accessible à tous cet évènement. Damien Talbot, chargé de direction pour la fondation, revient sur cet épisode nommé «Theater in the Dark» auquel les voyants ont également participé.

Comment s’est déroulée cette première ?

Damien Talbot : La salle était presque comble, tout s’est vraiment très bien passé. Nous avons observé deux catégories de personnes. Celles qui sont venues voir la pièce de théâtre en tant que public classique tout en ayant l’opportunité de découvrir le « Theater in the Dark« . Nous leur proposions de vivre l’expérience dès leur arrivée. Et évidemment, les personnes aveugles, malvoyantes, déficientes visuelles. Quelques officiels étaient également présents, comme le ministre de la Famille, Max Hahn, ou encore Henri Krier, l’échevin de la commune de Mersch.

Vous avez eu des retours du public à la suite de la pièce de théâtre ?

C’était une grande première au Luxembourg et tous les retours sont très positifs. C’était une belle découverte pour le public voyant et pour le public déficient visuel, c’était quelque chose qu’ils attendaient. Nous avons pu concrétiser une demande qui était existante. L’audiodescription vient rendre la pièce de théâtre accessible.

Comment étaient équipés les spectateurs ?  

C’est très important pour nous de pouvoir propager l’audiodescription en direct au théâtre. Avant, l’audiodescription était soit en français, soit en allemand et toujours sous forme préenregistrée. Quelqu’un appuyait sur le bouton play au bon moment, mais il y avait des décalages entre l’audiodescription préenregistrée et ce que les artistes pouvaient transmettre depuis la scène. Ici, on a vraiment proposé une audiodescription live en luxembourgeois, parfaitement calée.

Quant aux dispositifs, les personnes ont sur eux un récepteur et un casque connecté à ce récepteur. En cabine, on retrouve l’audiodescripteur qui a l’émetteur et le micro. Il voit la pièce et adapte l’audiodescription de manière à ce que la personne qui ne voit pas puisse avoir une description de tout ce qui n’est pas sonore ou de tout ce qui n’est pas verbal. Quelqu’un qui tape sur un élément métallique, si on ne sait pas qu’on a frappé sur une brouette, par exemple, on entend juste un bruit métallique.

Comment avez-vous mis en place ce dispositif?

C’est un projet que l’on réfléchit depuis plusieurs mois. En octobre 2024, la Fondation Lëtzebuerger Blannervereenegung a fait paraître une annonce qui invitait celles et ceux qui souhaitaient participer au projet d’audiodescription à se manifester. De notre côté, nous avons pris contact avec une société allemande d’audiodescription pour mener la formation.

Nous avons organisé cette dernière au Luxembourg pendant des vacances de Pâques. Elle s’est déroulée en allemand durant une semaine pendant laquelle l’audiodescription de la pièce de théâtre Vreckvéi a été produite. Ensuite, il a fallu transposer cela en luxembourgeois.

Il y a eu toute une réflexion sur le choix des mots, le choix des phrases car parfois un mot dans une langue prend une certaine durée qui n’est pas la même qu’en luxembourgeois. Il est parfois nécessaire de réfléchir à une autre formulation sans pour autant dénaturer le côté imagé de ce qu’on est en train de décrire.

L’audiodescription live d’une pièce de théâtre n’est pas un texte improvisé, mais un texte construit pour se caler véritablement dans les moments creux du script de la pièce de théâtre.

C’est choisir ce qu’on va audiodécrire et pourquoi on va le faire

Quelles compétences faut-il pour devenir audiodescripteur ?

On leur apprend deux choses essentielles. Tout d’abord, qu’est-ce qu’une personne aveugle ? Qu’a-t-elle besoin de sentir, d’entendre ? Dans l’audiodescription, tout n’est pas descriptible pour des raisons de temps.

Prenons un exemple concret : si quelque chose vole à droite de la scène et que les acteurs sont situés sur la gauche, si ce qui vole a un intérêt à être audiodécrit parce que le jeu d’acteur en fait référence à ce moment-là, alors il faut l’audiodécrire. Mais s’ils n’en parlent que plus tard, cela sera décrit plus tard. Il y a un vrai travail de choix. Arriver à produire de l’audiodescription, c’est choisir ce qu’on va audiodécrire et pourquoi on va le faire.

Aussi, il y a tout le travail de médiation sensorielle autour du spectacle. Les audiodescripteurs vont pouvoir organiser des visites tactiles de la scène avant le spectacle pour que la personne déficiente visuelle puisse se repérer dans l’espace scénique.

Concrètement, comment cela se matérialise ?

Par exemple pour Vreckvéi, il y avait à gauche des ballots de paille, au centre, il y avait un silo, à l’avant-scène, il y avait une brouette remplie de laine de mouton, etc. La visite tactile permet de toucher les éléments de la scène pour pouvoir se créer une image mentale.  Quand l’audiodescripteur dit que les acteurs sont près des ballots de paille à gauche, il n’y a pas besoin de décrire le ballot de paille puisque la personne a touché cet objet avant d’écouter l’audiodescription.

On organise aussi une rencontre avec les acteurs en costume, de manière à les entendre dans leurs personnages. L’acteur ne va pas parler avec sa voix de tous les jours mais avec la voix de son personnage. Il est nécessaire que les personnes entendent la voix pour ensuite faire le lien.

Et puis les aveugles vont aussi manipuler les accessoires qui seraient éventuellement sur scène. Si je prends un bâton et que je tape sur un morceau métallique, si je ne sais pas que c’est une brouette, j’entends juste un bâton qui tape sur un morceau métallique. Si je tape moi-même avec le bâton sur la brouette, je sais que ça fait tel bruit. Alors, dans la pièce de théâtre, quand je vais entendre ce bruit-là, je sais que le personnage est en train de taper sur la brouette, parce que je l’ai enregistré dans mon image mentale. On va transformer les bruits en sons bien significatifs.

Quelles sont les principales missions de la fondation ?

Nous accompagnons les personnes déficientes visuelles dans toutes les sphères de la vie, dans leur bien-être, dans leur intégration, dans leur participation sociale.

Est-ce que vous voulez me parler des projets à venir de la fondation ?

Pour nous, le projet de Vreckvéi est une première pierre posée pour installer de manière durable l’audiodescription au Luxembourg. Un de nos projets importants, c’est de proposer, dès l’année prochaine, une formation complète pour l’audiodescription. Cette formation ne se limitera pas à l’écriture d’audiodescription, mais elle abordera tous les thèmes de la médiation sensorielle. Elle sera en français et en allemand avec, pour objectif, de pouvoir offrir l’audiodescription dans les trois langues officielles du pays et puis pourquoi pas en anglais ou en portugais. L’objectif reste de permettre à tous d’accéder à la culture sans barrière.

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