Un restaurateur chinois s’est fait pincer à deux reprises par l’ITM. Il employait du personnel en situation irrégulière qu’il aurait sous-payé. Il prétend avoir cherché un savoir-faire.
Dans un premier temps, Zhanfeng a préféré s’en remettre à son avocate. «Oui» a été sa seule réponse au président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Ce patron de restaurant chinois reconnaît avoir employé du personnel en situation irrégulière au noir. Il conteste cependant l’avoir payé en dessous du salaire minimum.
Pressé par le juge, curieux d’entendre ses explications, le restaurateur finira par justifier ce choix. Très à cheval sur le respect des règles sanitaires, il aurait recherché un type de personnel bien précis que l’Adem n’aurait pas été en mesure de lui fournir. Sa seule solution aurait dès lors été d’engager du personnel en situation irrégulière.
Un premier contrôle de l’Inspection du travail et des mines (ITM) et une amende administrative n’ont pas suffi à faire entendre raison au restaurateur et à son épouse qui, de peur de se faire prendre une deuxième fois, ont joué avec les pieds des inspecteurs de l’ITM. L’une d’entre eux a résumé les deux contrôles-surprises hier après-midi à la barre.
Le premier contrôle a eu lieu le 13 octobre 2023 peu après 18 h. Neuf personnes se trouvaient dans le restaurant, dont le patron et son épouse ainsi que des serveurs, deux livreurs et quatre personnes en cuisine. Après vérification, il s’est avéré que ces quatre personnes se trouvaient en séjour irrégulier au Grand-Duché. Zhanfeng a écopé d’une amende administrative de 40 000 euros et un des cuisiniers, d’une cessation de travail.
Ces employés n’étaient pas la seule chose que le restaurateur a tenté de cacher à l’ITM. «Quand nous sommes arrivés, l’épouse du prévenu a crié quelque chose en mandarin en direction de la cuisine», s’est souvenue l’inspectrice. En se plongeant dans la comptabilité et les registres du restaurant chinois, les inspecteurs ont émis des doutes quant au respect du salaire social minimum.
Obstruction au travail de l’ITM
Verbalisé, le restaurateur aurait dû savoir à quoi s’en tenir. Pourtant, la situation paraissait inchangée le 24 avril 2024 lors d’un deuxième contrôle-surprise. Les inspecteurs ont constaté la présence d’une femme sans papiers en salle et de trois personnes en cuisine qui auraient tenté de s’enfuir vers les étages supérieurs après avoir fermé la porte de la cuisine de l’intérieur pour empêcher les inspecteurs de s’y rendre. Parmi eux, l’homme qui avait écopé d’une cessation de travail.
Cela sentait le roussi pour le restaurateur. Prié par les inspecteurs de réunir ses employés cachés à l’étage, il aurait tenté de se faire passer pour l’un d’eux en se coiffant de la casquette du cuisinier. Démasqué, il se serait contenté de rire, rapporte l’inspectrice. À nouveau, l’ITM doute des attestations de salaires et condamne le restaurateur à une nouvelle amende administrative de plus de 40 000 euros. Mais cette fois, elle n’en restera pas là.
La police est mise dans la boucle et une enquête est lancée notamment pour travail clandestin. Un employé reconnaît avoir été payé 15 euros de l’heure quand les recettes du restaurant étaient bonnes. Un autre dira aux policiers avoir été payé entre 70 et 80 euros par soirée de travail.
Pour le procureur, le calcul est vite fait. Il a requis 12 mois de prison et une amende à l’encontre du prévenu ainsi qu’une amende appropriée à l’encontre de sa société. Le restaurateur est contrevenu à la loi et «a fait obstruction au travail des agents de l’ITM». Il se serait carrément moqué d’eux en essayant de se faire passer pour un autre.
L’avocate de Zhanfeng a réponse à tout. Elle a évoqué «une cuisine particulière» avant d’expliquer que la porte de la cuisine était toujours fermée à clé parce que les clients l’auraient confondue avec celles des toilettes. Quant à la femme qui s’est enfuie à l’arrivée des inspecteurs, il se serait agi de la tante du patron qui s’occupait des enfants de ce dernier. Son client ayant déjà été suffisamment puni par les deux amendes administratives, elle a réclamé son acquittement ou un sursis intégral et une amende minimale, le cas échéant.
Le prononcé est fixé au 19 juin.