Dans le sillage de Brian Madjo, Luc Holtz appelle ou rappelle des grands costauds, lui qui disait manquer de perspectives offensives.
Vendredi, la sélection de Gerson Rodrigues a fait grincer quelques dents dans la société civile, qui s’émeut qu’un homme condamné soit appelé à servir sous les drapeaux. L’éthique, visiblement, a vocation à attendre pour le sélectionneur, tout occupé qu’il est à redéfinir le visage de ses Rout Léiwen. C’est que l’émergence soudaine de Brian Madjo en début d’année, rebat les cartes. Totalement et surtout avec ce retour sans cesse repoussé d’Yvandro Borges désormais occupé à se réathlétiser dans l’espoir de vivre une reprise sans pépin physique avec Mönchengladbach.
Il fut un temps pas si lointain où le Luxembourg se définissait comme une sélection de joueurs de couloir, de manieurs de ballon fuyant les duels façon grande Espagne des années 2010, parfois même sans réel attaquant de pointe. L’homme de gabarit, au pays, n’existait tout simplement pas et surtout, le fait que le jeu soit placé dans les pieds de Danel Sinani, de Vincent Thill, de l’émergent Yvandro Borges ou… de Gerson Rodrigues, un ancien homme de couloir, «invisibilisait» les garçons qui sortaient de ces standards physiques. Un vrai 9 solide, cela n’existait plus. Tout simplement parce que ceux-ci n’avaient pas non plus le niveau pour exister à l’international.
«Elle est longue, la phase de digestion»
Sur ce, Holtz a «centralisé» Gerson. Avec un immense succès. Mais l’arrivée de Madjo dans le «game» semble sonner une nouvelle ère. Celle du «target man» costaud, puissant au duel, point d’ancrage, capable de prendre la profondeur pourtant. La preuve que cela va (re)devenir le nouveau standard du Grand-Duché? La liste des 29 du sélectionneur. Les offensifs de couloir y sont réduits à la portion congrue. Les armoires à glace y reviennent en force. Videira, qu’on n’attendait plus. Omosanya, souvent moqué pour ses lacunes techniques mais un affamé qui s’accroche et qui semble parti pour grimper en gamme dans le championnat de France. Leur présence dit quelque chose. Parce que l’axe est déjà embouteillé. Gerson a beau avoir été condamné et manquer de temps de jeu en club, il est toujours là. Curci, qui a gagné ses galons d’affoleur de défense comme deuxième attaquant aussi. Le besoin en Videira et en Omosanya ne s’expliquerait pas autrement que par la nécessité d’avoir des profils qui puissent permettre de travailler un système qui s’écrira avec Madjo en point de référence. Cela fait trop de signes pour ne pas voir l’évidence : le dress code à l’entrée de l’hôtel Lewek, à Lipperscheid, n’est plus vraiment le même.
L’affaire pourrait plaire énormément à Danel Sinani, qui a été brillant en pointe haute d’un losange conte la Suède (1-0). Mais notre chroniqueur, Sébastien Grandjean, prévient déjà que ce plan pourrait prendre du temps et occasionner des désagréments : «Madjo n’est pas encore prêt pour être titulaire à un tel niveau. Sinon, cela va repartir comme avec Vincent Thill ou Yvandro Borges. On se dit « wouah« les premiers matches, c’est la phase de l’éclosion. Puis il y a la phase de la digestion, de la stagnation. Et elle est bien plus longue. On ne doit pas faire tourner une équipe autour de Madjo. Ou plutôt on ne devrait pas. Et les autres profils dans cette liste disent pourtant que c’est ce qu’on va construire, s’appuyer sur des costauds en pointe. Mais ces profils sont moins bons que Madjo».
La phase qui s’annonce sera donc fascinante et dangereuse à la fois. Elle se fera avec, potentiellement, l’émergence dans l’entrejeu de nouvelles pépites (mais sans Marvin Martins, blessé aux côtes). On attend l’émergence de De Pina (Dortmund), déjà appelé sans jouer en mars, mais aussi de Diego Duarte (FC Metz). Oui, excitant, ce mois de juin. Et charpenté.