La fédération luxembourgeoise a-t-elle pris des cours de machiavélisme? En tout cas, la presse sportive du pays ne s’étonne même plus quand le sélectionneur nomme Gerson Rodrigues dans son groupe pour les prochains matches amicaux. Pas étonnant : depuis des années qu’ont commencé les ennuis judiciaires du meilleur buteur de l’histoire du pays, quand on demande à Luc Holtz s’il s’estime en droit de l’appeler, il répond que son conseil d’administration ne lui a pas interdit de le faire, et quand on demande au conseil d’administration, ce dernier répond que c’est au sélectionneur de trancher en son âme et conscience. Bref, quand il s’agit de se positionner sur une éthique et de parler du devoir d’exemplarité des joueurs qui portent le maillot du pays, tout le monde regarde chez le voisin. Et c’est très pratique : les journalistes finissent par arrêter de s’en soucier.
Les Bleus n’ont-ils pas confirmé Benzema quand il avait été associé au scandale des relations sexuelles avec une prostituée mineure? Et le XV de France n’avait-il pas rappelé récemment un de ses joueurs condamné pour violences à caractère raciste? Un joueur de beach-volley néerlandais, condamné pour viol sur une fillette de 12 ans, n’était-il pas sélectionné aux derniers JO? Visiblement, le monde du sport est imperméable par essence aux faits de société et il se permet unilatéralement de sacrifier beaucoup de principes moraux sur l’autel de la performance. En tout cas dès que l’image du pays est en jeu. Pourquoi le Luxembourg ferait-il exception, lui dont le ministère des Sports est bien silencieux sur le sujet?
Sauf que voilà, aujourd’hui, la société civile, elle, commence à demander des comptes. Des députés de différents partis s’étaient insurgés après la première instance. Les jeunes de déi Lénk ont embrayé, vendredi, jugeant inadmissible que l’on puisse se permettre de sélectionner Gerson Rodrigues, dont la peine a été confirmée en appel. L’association La Voix des survivant(e)s, elle, s’indigne qu’on puisse valider la présence d’un garçon condamné à 18 mois de prison avec sursis pour «violences conjugales et coups et blessures». Pourtant, le public continue de scander son nom au stade et les enfants de solliciter ses autographes. Apparemment, dans ce pays, certains accusés ont le droit d’écrire le récit national. Suffit de fermer les yeux.