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[Exposition] Dans le jardin poétique de Marco Godinho


«Shape a river in your hands» («Forme une rivière avec tes mains») est la «phrase préférée» de Marco Godinho dans cette exposition.

Une balade artistique et philosophique le long de l’Alzette : c’est ce que propose Marco Godinho avec son installation en plein air et immersive A Head Like a Garden, inaugurée hier dans le cadre de la LUGA.

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Dans le quartier du Pfaffenthal, le long de l’Alzette, a poussé une famille d’œuvres, à la fois minérales et végétales, poétiques et, même inertes, bien vivantes. Ces «protocoles», comme les appelle Marco Godinho, forment l’installation A Head Like a Garden, qu’il a créée dans le cadre de la LUGA (Luxembourg Urban Garden), la grande manifestation horticole et artistique qui voit pousser, jusqu’en octobre, des dizaines de jardins éphémères et autres installations vertes dans la capitale et à Ettelbruck.

Pour l’artiste portugais et luxembourgeois, un tel projet, réalisé en partenariat avec le Cercle Cité, s’inscrit «logiquement» dans les grands questionnements et thèmes qui traversent son œuvre : «l’expérience subjective du temps, l’errance, la mémoire, l’eau …»

Le parcours, qui démarre au parc Odendahl pour se finir (non sans quelques brefs détours) quelques centaines de mètres plus loin, au pied de l’ascenseur panoramique du Pfaffenthal, contient douze phrases poétiques. Au hasard de la balade, on peut lire : «Invite your spirit to drift with the water» («Invite ton esprit à dériver avec l’eau»), «Listen to the wind, breathe the horizon» («Écoute le vent, respire l’horizon»), «Offer your time to a tree» («Offre ton temps à un arbre»)… Ces «protocoles artistiques» inspirés de la forme poétique japonaise du «haïku» et coulés sur des plaques en fonte, semblables à des «pierres tombales», ont des airs de joyeuses «épitaphes», concède l’artiste.

Car, malgré l’aspect de ces supports, l’installation n’a rien de macabre. C’est même tout le contraire : derrière chaque plaque, un pot où poussent «une dizaine de plantes, certaines aromatiques, d’autres aux noms symboliques» comme les cheveux d’ange, que Marco Godinho a plantées et qu’il entretient lui-même. Sur une face de l’œuvre, le minéral, perméable au passage du temps (l’artiste note les traces de rouille déjà visibles sur certaines plaques); sur l’autre, la nature et son perpétuel recommencement.

Marco Godinho, «très attaché au concept de constellation d’œuvres», continue avec ce nouveau projet d’écrire le long et cohérent récit de tout son travail. Il interprète aussi ces «monuments antimonumentaux» comme la dernière variation d’un autre thème qui habite son œuvre, «le visible-invisible»… qui est aussi le titre de l’exposition collective en cours au Cercle Cité dans le cadre du Mois européen de la photographie (EMOP), à laquelle il participe.

Celui qui se revendique comme «animiste» («J’aime l’idée que les matériaux, les objets, ont une âme (…) ça invite aussi le public à penser l’art autrement», glisse-t-il) est également, comme les philosophes antiques, adepte de la marche.

«Je me sens beaucoup plus inspiré lorsque je travaille en plein air», assure celui qui crée «contre la finitude», à l’image de «The Infinite House», la bâtisse qu’il a rachetée il y a quinze ans à Echternach et retapée depuis, dans laquelle il vit et possède son atelier, mais qui reste partiellement, et perpétuellement, «en rénovation».

De fait, le parcours dessiné par l’installation peut être «activé» grâce à la balade – ou, mieux encore, en s’armant pour l’occasion du livre-carnet conçu pour l’occasion par l’artiste, dans lequel le visiteur peut consigner ses pensées face aux phrases poétiques, ou simplement face à la nature. Ouvrir à un univers mental, plutôt que de fermer l’imaginaire par des réponses satisfaisantes.

Anecdotes et symboles

Comme dans nombre de ses projets précédents, Marco Godinho a entrepris de concevoir ce jardin poétique sous un angle historique et local.

En l’occurrence, il s’est dit passionné par «la façon dont l’Alzette a transformé ce quartier du Pfaffenthal» depuis plusieurs siècles, de l’époque où des «métiers anciens et populaires» se pratiquaient autour du cours d’eau, comme les tailleurs de pierre, ou les porteurs qui amenaient l’eau dans la Ville-Haute, jusqu’aux récentes vagues d’immigration : celle, à majorité portugaise, des années 1980, et une autre, encore actuelle, qui voit venir «beaucoup d’étudiants, beaucoup d’Asiatiques, et, en réponse, une gentrification inévitable du quartier».

Un sujet qui transparaît dans certaines de ses petites phrases, et qui a été largement discuté par l’artiste avec les habitants du quartier, qu’il a rencontrés et côtoyés pendant des mois. «Ils m’ont raconté des centaines d’anecdotes fascinantes!»

D’autres histoires, plus ou moins connues, trouvent un écho dans ses «protocoles», témoignant des différents niveaux de lecture des œuvres, jusqu’à donner le vertige : «Shape a river with your hands» («Forme une rivière avec tes mains»), placé au bord de l’eau, renvoie selon l’artiste à la vie du diplomate portugais Aristide de Sousa, et à la mort du philosophe allemand Walter Benjamin, déjà inspiratrices d’autres œuvres de Godinho.

Une autre, «Warm your body with an inner fire» («Réchauffe ton corps avec un feu intérieur»), est placée non loin de l’endroit où, en 1976, une explosion de gaz a fait trois victimes et provoqué un important incendie qui a marqué la vie du quartier. Le titre de l’installation prévenait déj  : tout est une histoire de symboles…

Jusqu’au 18 octobre. Parc Odendahl – Luxembourg.

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