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Les jeunes ciblés par l’industrie du tabac


La ministre Martine Deprez (à g.) et la directrice de la Fondation Cancer, Margot Heirendt, ont présenté hier les résultats du dernier sondage sur la consommation de tabac.

Selon les derniers chiffres publiés ce jeudi, le tabagisme chez les jeunes Luxembourgeois a de quoi inquiéter.

D’abord, la bonne nouvelle. L’enquête annuelle sur la prévalence tabagique au Luxembourg indique un léger recul en 2024 : 23 % des résidents de 16 ans et plus déclarent fumer, 15 % quotidiennement, 8 % de manière occasionnelle. Ils étaient 27 % en 2023, soit quatre points de plus.

«Cette année, on a posé plus de questions ciblées sur les jeunes», indique la ministre de la Santé, Martine Deprez. Son ministère et la Fondation Cancer ont présenté hier à la presse ce sondage commandé à l’institut Ilres. Et ces nouvelles questions ont fait surgir une donnée préoccupante : l’attrait des jeunes pour les produits nicotiniques alternatifs.

En 2024, 26 % des 16-24 ans ont déclaré fumer des e-cigarettes jetables pour leur goût agréable et le plaisir qu’elles procurent. Les puffs, ces vaporettes colorées aux arômes sucrés, sont de loin (à 93 %) les plus utilisés. «Des jeunes qui n’ont jamais fumé commencent avec ça», s’alarme Margot Heirendt, la directrice de la Fondation Cancer.

Autre produit en forte progression, les sachets de nicotine, consommés par 16 % des jeunes, alors que leurs aînés, quel que soit leur âge, n’en consomment que marginalement.

Pour la Fondation, il ne fait aucun doute que l’industrie du tabac a su s’adapter : «Comme elle constate que la consommation des cigarettes classiques a commencé à diminuer, surtout en Europe, elle crée bien sûr d’autres produits», soupire Margot Heirendt. Ceux-ci, présentés comme des aides pour arrêter de fumer, «ciblent vraiment les jeunes, c’est sûr et certain», reprend-elle. «Les sachets de nicotine sont tellement discrets que je crois que même les parents ne se rendent pas compte de ce que les jeunes utilisent. Et souvent, c’est une porte d’entrée vers la cigarette classique.»

Une campagne avec et pour les jeunes

Comment ces produits parviennent-ils entre les mains de mineurs? La faute à un vide juridique, dans lequel l’industrie du tabac s’engouffre, explique encore Margot Heirendt. Actuellement, aucune réglementation claire n’encadre l’achat de sachets de nicotine ou de puffs au Luxembourg.

Difficile pour les jeunes de se rendre compte que les taux de nicotine sont élevés, tant leur mention se fait des plus discrètes sur les emballages. La publicité, notamment celle des influenceurs sur les réseaux sociaux, n’est pas non plus contrôlée. «Ça ne va pas du tout, s’agace-t-elle, il y a même des enfants de 11 ans qui en consomment».

Un projet de loi (le 8333) est bien en route pour encadrer tout cela, mais pour la directrice de la Fondation Cancer, il faudrait aller plus loin en interdisant les puffs et les sachets de nicotine, comme la France et la Belgique l’ont fait début 2025. Autre levier, réfléchir à augmenter les tarifs. Si les prix sont assez rédhibitoires, «les jeunes hésiteront à commencer», espère-t-elle.

En attendant une loi, une campagne de communication sera lancée le 31 mai, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac. Une campagne coconstruite avec les jeunes eux-mêmes pour déconstruire les idées reçues et rappeler que les produits tendance contenant de la nicotine sont hautement addictifs. Trois ateliers de création se tiendront pour produire des contenus vidéo, qui seront ensuite diffusés sur les réseaux sociaux jusqu’à fin juillet.

Paradoxalement, les jeunes interrogés dans l’étude – dont près d’un tiers est exposé chaque jour au tabagisme passif – ont indiqué à 62 % vouloir en finir avec la nicotine (contre 46 % chez les plus de 16 ans). L’envie d’arrêter est bien présente, puisqu’un sur deux a déjà essayé. Mais dans 82 % des cas, ces tentatives se font sans accompagnement.

Une donnée que le ministère espère inverser en 2025. Un QR code imprimé sur des cartes distribuées dans des lieux de soins renverra vers toutes les aides disponibles dans le pays.