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Scénario catastrophe chez Liberty Steel : «On a 130 salariés à replacer»


Le site fantomatique du Wolser est de nouveau en vente. Le personnel sur le carreau aura droit à un job day spécial.

Deux semaines après le retrait fracassant du repreneur turc Tosyali, l’usine de Dudelange est en perdition. Ministres et syndicats se sont rencontrés mercredi avec l’objectif d’aider les salariés.

Alors que tous les espoirs étaient permis après l’offre de rachat de l’aciériste Tosyali Holding en février, incluant la reprise de l’ensemble du personnel, l’annonce du retrait de cet investisseur le 7 mai est tombée comme un couperet.

Le groupe turc, qui avait prévu d’approvisionner son futur site luxembourgeois avec de l’acier issu de ses usines de Turquie et d’Algérie, invoque le renforcement des mesures de sauvegarde européennes, adopté en mars par la Commission, qui limite drastiquement la quantité d’acier pouvant être importée de pays hors UE en franchise de droits.

La douche froide

«Le repreneur potentiel a estimé que des importations substantielles d’acier seraient alors nécessaires, et que son scénario n’était plus pleinement viable», a expliqué ce jeudi le ministre de l’Économie, Lex Delles, en réponse à une question parlementaire socialiste.

Une véritable douche froide pour les 130 salariés que compte encore l’usine Liberty Steel de Dudelange, comme pour les syndicats : «On y a tous cru», soupire Stefano Araujo, abattu. «Avec le retrait définitif de Tosyali, on est face à une catastrophe, à une échelle qu’on n’avait pas connue jusqu’ici au Luxembourg», poursuit le secrétaire central de l’OGBL, qui s’interroge face au motif avancé.

«Certes, les quotas d’importation ont changé. Mais selon leur business plan, ils n’auraient pas eu besoin de volumes qui auraient déclenché le paiement de taxes. Et ça me paraît étrange qu’un grand industriel ne soit pas au courant, en amont, de ce qui se prépare au niveau des quotas.»

Trouver de nouveaux employeurs

Désormais, le processus se poursuit du côté du curateur, chargé de trouver un repreneur, mais malheureusement, les autres offres sur la table ne sont pas du même calibre : «On ne parle pas du même niveau d’investissement, ni des mêmes promesses de reprise du site et du personnel. C’est le retour à la case départ. Ça peut prendre des mois, et les salariés ne peuvent pas se le permettre», déplore-t-il.

Lors d’une réunion d’urgence organisée mercredi après-midi, les ministres Lex Delles et Georges Mischo (Travail) ont conclu avec les syndicats OGBL et LCGB qu’il était indispensable de trouver une solution pour les travailleurs, victimes de bout en bout de cet échec collectif.

«Maintenant, la seule voie possible, c’est de trouver de nouveaux employeurs au Luxembourg pour tous les salariés, et de leur proposer des contrats de qualité.» Des mesures d’accompagnement seront donc mises en place, notamment via l’Adem, afin de favoriser leur placement dans le secteur de l’industrie, qui connaît une pénurie de main d’œuvre et a bien besoin de ce savoir-faire.

«Offrir une issue aux travailleurs»

Une journée spéciale façon job day est ainsi envisagée pour rapprocher industriels et naufragés de Liberty. Ici, les ministres et les organisations syndicales comptent beaucoup sur la solidarité des employeurs luxembourgeois : «Tout le monde a un rôle à jouer», souligne Stefano Araujo.

Préretraite, aide au réemploi, aide à l’embauche : il l’assure, tous les instruments disponibles seront utilisés pour offrir une issue acceptable aux travailleurs, privés de salaire depuis octobre. «C’est notre priorité. Après avoir perdu six mois, on veut aller vite et tourner cette page dans les meilleures conditions.»

Le «cimetière Liberty» partout en Europe

Quant à l’avenir du site, qui fut l’un des fleurons de l’industrie nationale avant son passage sous pavillon Liberty en 2019, l’OGBL avoue que ça reste un point d’interrogation. «Sans mesure de sauvegarde de l’outil industriel et des salariés – une de nos revendications de longue date – il est très compliqué d’agir dans ce genre de situation», note Stefano Araujo.

Un temps envisagée, la piste d’un portage financier par l’État ne résoudrait pas grand-chose ici, en l’absence d’acheteur sérieux, et sans moyens de faire fonctionner le site en attendant.

Quant à la nationalisation de l’usine, réclamée par certains partis politiques ces dernières années, elle paraît quasiment impossible à mettre en œuvre, vu la complexité des démarches et la solide chaîne d’approvisionnement (acier, clients, fournisseurs, etc.) que demande cette industrie.

Interrogé sur le sort de l’usine si aucun repreneur ne devait se déclarer, le ministre botte en touche dans sa réponse aux députés. Même silence assourdissant à Bruxelles : «Personne n’assume les décisions qui ont été imposées dans ce dossier, alors que la situation se détériore, et pas seulement au Luxembourg. Il suffit de se rendre à Liège ou à Ostrava pour mesure l’ampleur du cimetière industriel que Liberty Steel va laisser en Europe.»

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