Sa salle de sport a failli partir en fumée. Serge est accusé d’avoir commandité un incendiaire pour commettre une arnaque à l’assurance. Il accuse son père d’en avoir eu l’idée.
Les traces ADN de l’incendiaire ont été trouvées sur une paire de gants, un briquet et le bouchon d’un bidon, oubliés dans la salle de l’Octogone Gym à Sandweiler. Kamel y a bouté le feu dans la nuit du 15 octobre 2018. Il avait déjà essayé la veille, mais n’avait pas réussi à pénétrer à l’intérieur de la salle. Kamel n’est pas pyromane. Il a été payé pour faire le travail par un intermédiaire.
Arrivé sur les lieux le 15 au matin, l’enquêteur principal aurait vite compris que Serge, le gérant de la salle, pouvait être mêlé à l’affaire. L’homme a des dettes – son entreprise était au bord de la faillite – et des ennemis dans le monde du MMA, un sport de combat. Les policiers suspectent un incendie criminel et une arnaque à l’assurance. «Il ne voulait pas reconnaître qu’il avait échoué malgré ses efforts pour faire tourner la salle, et avait peur de l’opprobre publique», avance l’enquêteur.
Arrêté, Kamel passe aux aveux et les enquêteurs n’ont plus qu’à reconstituer les pièces du puzzle collectées au cours de leur enquête. Tout juste sorti de prison, Kamel avait été engagé par un intermédiaire pour récupérer une dette et mettre le feu à la salle de sport. Une amie du père de Serge aurait dégotté l’intermédiaire et le père l’aurait payé. Mais l’incendiaire s’y prend mal et rate son coup.
«Il a répandu de l’essence au rez-de-chaussée. À un moment, il glisse et tombe dans le liquide inflammable. Au moment d’y mettre le feu, sa main s’enflamme et il part en courant», a rapporté l’enquêteur après avoir visionné les images des caméras de vidéosurveillance. «Il est revenu un peu plus tard et a jeté des objets en feu dans les flaques d’essence.»
«Les objets enflammés se sont éteints d’eux-mêmes», note un expert en incendie. «Pour que cela fonctionne, il aurait dû mettre le feu aux papiers ou aux matelas dans l’appartement occupé par Serge et utiliser plus d’essence.» Le feu a pris à un seul endroit, sous une machine de musculation.
La salle de sport ne décollait pas. «Des salles concurrentes me mettaient des bâtons dans les roues», raconte Serge. Croyant sauver son entreprise, il accepte de confier 24 000 euros à un escroc présumé qui prétendait investir dans les bitcoins. «Tout ce qui est escroqueries et arnaques, je n’y connais rien», jure le prévenu de 52 ans. Un de ses entraîneurs lui aurait suggéré de provoquer un incendie. Il aurait refusé. Son père aurait insisté.
Serge reconnaît ses responsabilités dans l’affaire, mais fait plonger son père et son amie avec lui.
«Je me suis laissé entraîner», assure le prévenu, qui a tenté de relancer sa salle après l’incendie, avant d’être forcé de déclarer faillite. «Vous êtes passé trois fois devant le juge d’instruction et vous avez donné trois versions différentes. Aujourd’hui, vous nous en donnez une quatrième qui ressemble à la première en plus colorée», a souligné le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Si je résume bien, vous êtes en aveux d’être impliqué dans un incendie volontaire et une escroquerie à l’assurance.»
«Mon fils est perdu»
«Mon fils dit n’importe quoi. Il est perdu. J’ai de la peine», prétend José, son père, qui relate une version bien différente. Il pensait juste trouver un homme de main pour récupérer les 24 000 euros, pas pour mettre le feu à la salle. «J’avais coupé le robinet à Serge. J’ai prétendu que mon amie lui prêtait l’argent pour payer l’homme de main pour qu’il rembourse», poursuit le coprévenu. «L’intermédiaire a indiqué que, tout de suite, on lui avait demandé de mettre le feu», rétorque le président. «Comme cela n’avait pas marché, Serge a dit que vous lui aviez demandé de recommencer.»
L’amie en question assure ne pas avoir été informée des projets d’incendie. Elle aurait juste trouvé un homme de main pour récupérer l’argent. «L’homme de main prétend que vous l’avez engagé sur demande de Serge pour mettre le feu», la recadre le président.
L’affaire vire au sacré micmac où tout le monde se charge. Les faits sont clairs, même «incontestables», selon le représentant du parquet. «Il est cependant moins clair de comprendre qui a fait quoi.» Le magistrat apporte son éclairage : Serge est l’auteur principal et les autres ses coauteurs.
«Il est aberrant qu’il se présente comme la victime dans cette affaire et accuse son père», relève-t-il, avant de requérir une peine de 13 ans de réclusion criminelle «avec la plus grande partie ferme» à son encontre pour destruction des biens immobiliers d’autrui, tentative d’incendie volontaire, fausse déclaration de sinistre et escroquerie. Il a ensuite demandé 11 ans de prison à l’encontre des deux intermédiaires, 10 ans à l’encontre du père et de son amie, et 5 ans à l’encontre de Kamel, «le dindon de la farce».