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ArcelorMittal : «J’ai l’impression qu’il n’y a plus d’avenir en Europe»


Ils étaient plus d’une centaine à protester boulevard d'Avranches, devant le siège social du géant sidérurgique.

Un piquet de protestation a eu lieu hier devant le siège d’ArcelorMittal à Luxembourg où le Comité européen d’entreprise et la direction se sont entretenus à propos de délocalisations en Inde.

Ils représentent Florange, Gandrange, Fos-sur-Mer ou encore le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne ou la Pologne. Plus d’une centaine de délégués syndicaux, de représentants du personnel ou d’employés d’ArcelorMittal étaient réunis hier à midi au pied du siège social de leur employeur dans la capitale.

Organisé à l’initiative du comité européen d’entreprise (CEE), organe représentatif des salariés, ce piquet de protestation fait suite à deux jours de réunion avec la direction du sidérurgiste à propos d’un projet de délocalisation des fonctions support vers l’Inde.

À peine la discussion achevée, Jean-Luc Ruffin, le secrétaire du CEE, ne peut cacher son inquiétude : «Aujourd’hui, on sort inquiet des perspectives envisagées par la direction.» D’après ses informations, le projet «va menacer près de 2 000 emplois dans toute l’Europe» dans des secteurs tels que «les finances, les achats, la chaîne d’approvisionnement, l’informatique et les ressources humaines». «C’est une casse sociale!», s’insurge le secrétaire.

Des gains pas convaincants

La pilule est d’autant plus dure à avaler que le CEE ne se fie pas aux gains annoncés – «les chiffres ne nous paraissent pas corrects» – et que le projet ne lui semble «ni mûri, ni justifié, ni acceptable». Les représentants des salariés européens du groupe ont donc terminé la réunion en laissant de nombreuses questions à la direction. «On demande des chiffres, les détails de chaque entité, le nombre de personnes concernées et les tranches d’âge», énumère Serge, membre du CEE, salarié et délégué du personnel au Luxembourg.

Des réponses sont attendues avant le 11 juin, date à laquelle se tiendra une réunion préparatoire du groupe salarial du CEE. Pour autant, ArcelorMittal n’attend pas un avis du CEE avant de passer à l’action.

Du côté français, le plan social visant à supprimer 636 postes, dont 236 seront délocalisés en Inde, est en marche. «Pour l’instant, ils ont informé les salariés que leurs postes allaient être supprimés alors qu’ils n’ont pas tous les éléments pour dire si le projet est viable», déplore Christophe, délégué syndical CFE-CGC (syndicat des cadres) à Florange.

Animateur sécurité à Florange, Jean-François le confirme : «Nous avons eu une réunion lundi matin et le directeur a dit que sur les quatre postes de notre secteur, deux allaient être supprimés», dont un qui correspond à sa fonction. À deux ans de la retraite, il parvient à vivre cela «moins péniblement» que son collègue de 50 ans qui occupe le même emploi et a, comme lui, une chance sur deux de le perdre.

Le Luxembourg aussi menacé?

Jean-François et son collègue vivent un flou dénoncé par ailleurs par le CEE. «Personne ne sait qui ce sera, je crois que même la direction ne le sait pas.» Concernant le deuxième poste supprimé dans son secteur, «le sort de la personne qui l’occupe est jeté» et cela l’a conduite à «partir en live». «Il a craqué, il a quitté la réunion et la cheffe, qui a beaucoup d’âme, a craqué aussi.»

De telles scènes ont lieu aujourd’hui en France, mais «le Luxembourg n’est pas une île», rappelle Samuel, le président de la délégation du personnel au Grand-Duché. «Pour l’instant, nous sommes couverts grâce à un accord tripartite qui court jusqu’au 31 décembre. Mais après, s’il voit que dans différents services, il est possible de délocaliser, ArcelorMittal ne va pas se priver de le faire», assure celui qui est aussi président du syndicat Sidérurgie et Mines de l’OGBL.

Jean-Luc Ruffin partage sa peur, puisqu’il considère que «c’est l’avenir de l’industrie européenne qui se joue». «On commence par les fonctions support en Inde, puis demain ce sera la production», alerte-t-il.

«Refuser la fatalité»

La délocalisation prévue en Inde est d’autant plus incompréhensible pour le CEE que le plan de soutien à l’acier de la Commission européenne, annoncé en mars, inclut une limitation des importations à 15 % de la demande et un renforcement de la taxation carbone aux frontières.

Un avenir meilleur semble se dessiner et délocaliser serait donc «un acte d’autosabotage», autant que le fruit d’une stratégie. «J’ai l’impression qu’il n’y a plus d’avenir en Europe, qu’ArcelorMittal ne veut plus produire en Europe.»

Afin de «refuser la fatalité», le comité européen d’entreprise annonce saisir les autorités européennes et convoquer le comité de dialogue social sectoriel (organe au niveau européen) avec comme but la suspension immédiate du processus de délocalisation, en attendant des informations et un dialogue social.

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