La Chambre de commerce a présenté ce mardi trente recommandations ambitieuses à l’attention du gouvernement afin d’installer au plus vite l’IA au Grand-Duché et de devenir une place centrale pour la technologie en Europe.
Intelligence artificielle, partie deux. Au lendemain de la présentation de la stratégie du gouvernement en faveur de l’IA, la Chambre de commerce a, elle aussi, dévoilé un rapport sur ladite technologie, hier.
«Dans notre travail, il y a beaucoup de recommandations complémentaires à celles du gouvernement. Rien ne va à l’encontre», tient à préciser Gérard Hoffmann, le directeur général de Proximus Luxembourg et président du groupe de travail auteur du rapport «LuxAIhub : faire du Luxembourg un hub de l’intelligence artificielle».
Bien qu’elle loue «un travail de fond très louable» de la part des trois ministères qui entendent mener une stratégie nationale pour promouvoir l’IA d’ici 2030, la Chambre de commerce insiste sur la nécessité de passer des paroles à l’acte : «Le papier que l’on a publié propose surtout de passer à l’action, car le nerf de la guerre, c’est l’exécution.»
À l’intention du gouvernement, le rapport émet 30 recommandations visant à développer au mieux l’IA pour toute la société. L’efficacité doit aller de pair avec la rapidité, puisque le temps presse. «Nous sommes devant un changement économique global, ce n’est pas juste une nouvelle étape de la digitalisation. C’est le nerf de la guerre afin de rester compétitif», prévient Gérard Hoffmann.
«L’Europe n’a que trois modèles»
Selon les prévisions présentées par Carlo Thelen, le directeur de la Chambre de commerce, l’IA est vouée à augmenter de 15 % le PIB mondial d’ici 2035. De quoi donner envie au Grand-Duché de s’octroyer une part du gâteau, d’autant plus que sa productivité est en berne avec, en moyenne, une diminution de 0,2 % par an entre 2010 et 2022.
«C’est une tendance qui n’est pas soutenable à terme et nous voyons avec l’IA une solution afin d’y remédier», affirme Gérard Hoffmann.
La démocratisation de l’IA dans divers secteurs économiques permettrait de créer une vague de productivité et donc d’augmenter les richesses. À l’origine d’environ un quart du PIB, la place financière est la première sur la liste : «L’adoption de l’IA dans le secteur financier est centrale, on ne peut pas rater cela.»
Les métiers administratifs devraient également pouvoir bénéficier de l’IA générative afin d’être plus efficaces, tout comme la médecine, l’agriculture, l’enseignement ou encore la défense. En bref, tout est bon dans l’IA, reste à savoir comment l’utiliser. «Il existe encore un gap entre ce que les outils peuvent faire et le savoir-faire. Il faut former les gens.»
Comme évoqué par le gouvernement la veille, le défi de la souveraineté numérique se joue en même temps que celui de la diffusion de l’IA. En partant de ce principe, pas question d’utiliser des modèles dont l’exploitation et la gestion des données sont détenues par des pays hors de l’Union européenne. La réalité est néanmoins plus compliquée, car «l’Europe n’a que trois modèles qui sont connus aujourd’hui, alors que les États-Unis en ont 40 et la Chine, 15».
Jouer la carte financière
Comme l’indique son intitulé, le rapport de la Chambre de commerce délivre donc une feuille de route afin de faire du Luxembourg un hub de l’IA pour l’Europe. Cela débute par l’attraction de start-up européennes, dont «un tiers partent encore aux États-Unis pour se financer».
Et, sur ce plan, «le Luxembourg peut jouer un rôle à travers son centre financier». L’une des orientations du groupe de travail comprend donc des mesures visant à faciliter et intensifier l’investissement, telle l’extension du fonds d’amorçage Digital Tech Fund, un crédit d’impôt pour la recherche ou des bacs à sable réglementaires attractifs (NDLR : ils permettent aux acteurs de tester leur technologie ou service innovant sans devoir nécessairement respecter l’ensemble du cadre réglementaire qui s’appliquerait normalement, et ce, pendant une durée limitée).
Le but est que «ces sociétés s’installent à Luxembourg parce que le capital s’y trouve», ainsi qu’un «arsenal technologique unique». Gérard Hoffmann cite, entre autres, les centres de données, l’expertise dans la cybersécurité, le cloud public et souverain ou encore les trois superordinateurs (MeluXina, MeluXina-AI, MeluXina-Q) qui se trouvent, ou se trouveront, sur le territoire national. À noter que l’une des conditions pour mener un développement efficace de l’IA est la création d’une plateforme IA sous l’égide de l’État, afin «de canaliser les énergies et coordonner les acteurs».
Cet écosystème conduit la Chambre de commerce à porter de grandes ambitions et même à plaider pour une «image de marque nationale autour de l’IA». «On pourrait imiter ce qui s’est passé pour le spatial», pour lequel le positionnement stratégique du Grand-Duché a débuté il y a dix ans, envisage le directeur général de Proximus Luxembourg.
«À l’époque, il n’y avait pas énormément de substance et c’était embryonnaire, un peu comme aujourd’hui avec l’IA.»