Face aux défis de la déconnexion et des réseaux sociaux, de nouvelles mesures restrictives ont été définies dans les établissements secondaires du pays.
Après l’interdiction des smartphones dans les écoles fondamentales et les maisons relais, ce sont désormais les lycées qui vont devoir appliquer de nouvelles règles sur l’utilisation du smartphone. Hier, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, a dévoilé les modalités de ces mesures qui entreront en vigueur après les vacances de la Pentecôte, le 2 juin. Depuis plusieurs mois, les établissements secondaires du pays se sont engagés dans l’élaboration, de manière autonome, de leurs propres règles en matière d’utilisation du smartphone. Pour cela, ils ont choisi parmi trois niveaux de restriction établis par le ministère et que certains d’entre eux appliquent déjà, en anticipant la date d’entrée en vigueur nationale.
Le premier niveau, obligatoire, prévoit au minimum une «séparation physique et obligatoire entre les élèves et leurs smartphones et d’autres appareils connectés pendant les cours». Les téléphones doivent être ainsi éteints ou rangés hors de portée et de vue. Six établissements du secondaire ont choisi cette première option. En majorité, ils n’ont pas de classes du cycle inférieur et accueillent des élèves ayant atteint une maturité digitale. Sont notamment concernées l’École nationale de santé du Luxembourg ou encore l’École d’hôtellerie et de tourisme du Luxembourg (EHTL).
Le wi-fi interdit aux moins de 15 ans
Outre le smartphone, d’autres mesures permettant d’accompagner les jeunes vers la maturité digitale seront renforcées progressivement à partir de 2 juin. D’une part, les réseaux pédagogiques internes seront davantage filtrés. L’objectif est de protéger les élèves contre l’exposition aux contenus inappropriés, voire dangereux, mais aussi de limiter le temps d’écran. D’autre part, l’accès, dans l’enceinte de l’école, au réseau wi-fi scolaire (eduroam) sera réservé aux élèves âgés de 15 ans ou plus, soit l’âge estimé de la maturité digitale. «Une étude a montré que la moyenne de l’utilisation du smartphone était au-delà de six heures par jour, avec un pic de 13 heures par jour. C’est énorme. C’est du temps perdu pour faire d’autres activités», regrette Claude Meisch. Dans cet objectif de réduction du temps d’écran, l’utilisation des iPad en classe sera également davantage encadrée.
Des zones de bannissement
La grande majorité des établissements (27 sur 38) ont, quant à eux, opté pour le niveau de restriction renforcé. Dans ce cas, les lycées avaient la possibilité d’établir des zones dans lesquelles le téléphone portable est soit interdit, soit limité. Et ces espaces peuvent être très différents : le restaurant scolaire, le centre de documentation, des lieux de vie. Ces restrictions peuvent aussi s’appliquer à certains moments de la journée, par exemple, lors des pauses ou lors de la récréation.
Sur les modalités d’application, les établissements étaient libres de constituer leurs propres règles. Au lycée Aline-Mayrisch (Luxembourg), les smartphones sont rangés dans des armoires verrouillées et sont interdits dans le Jugendtreff, un espace de convivialité. Tandis qu’au lycée de garçons de Luxembourg, les élèves de certains niveaux devront placer leur smartphone dans une pochette à fermeture magnétique. Le Maacher Lycée (Grevenmacher) a, quant à lui, instauré des zones de déconnexion identifiées par un marquage au sol.
Cela peut créer des tensions entre les membres de l’établissement et les élèves
D’après le ministère, dans chaque établissement, le comité d’élèves a été consulté et impliqué dans le processus. C’est ainsi que 14 des 38 lycées ont eu recours à des sondages ou questionnaires dans le but de recueillir l’avis de plusieurs milliers d’élèves, de parents ou de membres du personnel. «Je préfère que chaque communauté scolaire trouve les bons consensus plutôt que de décréter une réglementation qui, par la suite, sera peu applicable à l’intérieur des établissements scolaires», souligne Claude Meisch.
Cette diversité des règles n’était pas au goût des syndicats. «Quand le débat a été lancé, on avait justement critiqué le fait que cette règle ne soit pas uniforme, explique Vera Dockendorf, porte-parole du département Secondaire du SEW/OGBL. On craignait même que l’élève choisisse son lycée en fonction des règles appliquées sur l’utilisation du smartphone (…). Aujourd’hui, nous avons l’impression que les directions se sont concertées entre elles pour que, précisément, les mesures ne soient pas totalement différentes d’un établissement à un autre.»

Une interdiction stricte dans certains lycées
D’autres lycées ont choisi d’interdire strictement le smartphone durant toute la journée. Les élèves déposent leur appareil le matin et le récupèrent à la fin des cours. Ce modèle a été choisi par cinq lycées au Luxembourg (lycée Bel-Val, Schengen-Lycée, lycée Ermensinde et écoles internationales Gaston-Thorn et Anne-Beffort). Un choix audacieux, mais minoritaire.
Pour le SEW/OGBL, une interdiction totale du téléphone dans les écoles luxembourgeoises reste encore sujette à débat. «Sur cette thématique, nous sommes divisés. Dans notre comité qui compte 20 enseignants, certains sont pour une interdiction totale et d’autres pensent qu’il faut responsabiliser les élèves quant à son usage. Évidemment, réduire son utilisation est primordial quand on sait que le téléphone reste une source de distraction, de déconcentration ou de perte de vie sociale», explique Vera Dockendorf.
Dans les établissements qui ont anticipé la date du 2 juin et qui disposaient déjà depuis plusieurs années de règles similaires, les mesures décidées à l’appel du ministère se sont appliquées facilement. Il n’en reste pas moins que la question du contrôle du respect de ces règles peut être délicate. Dans les faits, en cas d’infraction, l’élève pourra se faire confisquer son téléphone ou recevoir un blâme. «Cela peut créer des tensions entre les membres de l’établissement et les élèves. Forcément, le travail de surveillance des enseignants va aussi augmenter, que ce soit en classe ou dans les couloirs, si le téléphone est interdit», souligne la porte-parole du département Secondaire du syndicat SEW/OGBL
Après une phase d’observation, les premiers résultats de ces nouvelles mesures sont attendus pour l’année prochaine.
«Cela se passe plutôt bien»
Pour la directrice du lycée technique de Lallange, Cynthia Recht, présente à la conférence de presse, la réduction de l’usage du smartphone «se passe plutôt bien» dans son établissement. «Les téléphones sont interdits pendant les cours, durant les activités parascolaires et les pauses de cinq minutes», explique-t-elle. Ces mesures, la directrice les a mises en place dès septembre dans son lycée. «Depuis plusieurs années, nous avions des box pour récupérer les téléphones. Mais cette démarche était facultative. Depuis septembre, c’est obligatoire pour tout le monde (…). Avec cette mesure, on peut éviter beaucoup de problèmes, comme le harcèlement ou la violence.»