Le grand soir approche et le petit monde de l’Eurovision, en effervescence, reste pendu aux prédictions des bookmakers qui, à quelques heures de la tenue de la finale, ne cessent de bouger. On vous passe en revue les 26 finalistes dans leur ordre de passage, pronostics inclus.
Kyle Alessandro – Lighter (Norvège)
Arrivée dernière en finale du concours en 2024, la Norvège n’a décidément pas la tâche facile, puisque c’est elle qui devra donner le coup d’envoi de cette soirée, qui plus est avec un chanteur qui vient de subir une intervention musicale pour une rage de dents. Cela semble mal parti, donc, pour que Kyle Alessandro offre à son pays une quatrième victoire, même si le Norvégien a gagné en popularité depuis le début de la semaine. La cotte de maille qu’il porte sur scène donne une idée de sa capacité à surmonter les obstacles, mais sa chanson, elle, peine à réellement se démarquer.
Notre classement : 18e place.
Laura Thorn – La poupée monte le son (Luxembourg)
Quel chemin parcouru pour Laura Thorn! Mais ce n’est pas tout à fait fini pour elle : dans cette épreuve finale, la Luxembourgeoise devra faire mentir la théorie selon laquelle plus un candidat est programmé tôt, moins il sera bien placé au classement final. Forte d’une mise en scène réussie, d’une chorégraphie sophistiquée et d’un refrain entêtant, La Poupée monte le son a su trouver ses fans et en convertir d’autres. Ce ne sera sans doute pas suffisant pour se frotter à la concurrence la plus sérieuse, mais assez, on le croit, pour viser une première moitié de tableau.
Notre classement : 12e-14e place.
Tommy Cash – Espresso Macchiato (Estonie)
Entre les jeux de jambe tout en souplesse, la fausse invasion de la scène par une fan, les paroles dans un italien inventé et quelque peu moqueur et les incrustations délirantes à l’écran, qui montrent notamment Tommy Cash se noyer dans une mer de grains de café, difficile de dire où s’arrête le mauvais goût et où commence le génie. Ce n’est pas pour rien que l’Estonien à moustache est aussi l’un des candidats qui divise le plus radicalement; en général, c’est plutôt bon signe.
Notre classement : 5e place.
Yuval Raphael – New Day Will Rise (Israël)
Autre favorite de l’épreuve, sur une note beaucoup plus sérieuse, la candidate israélienne livre une ode aux survivants, chantée en trois langues (hébreu, anglais et français) et tout en puissance. Si l’on a surtout entendu parler ces derniers jours de ses détracteurs – pourtant en minorité –, ses admirateurs sont, eux, beaucoup plus nombreux et bruyants. La performance minimaliste de la jeune femme, qui repose essentiellement sur son timbre de voix, impressionne, mais n’enlève en rien la sensation d’avoir entendu le morceau mille fois.
Notre classement : 11e place.
Katarsis – Tavo Akys (Lituanie)
Voilà sur qui il faut compter pour amener des guitares et du rock à une soirée qui en manque cruellement. Le problème, c’est que Tavo Akys, aux accents emo et au final libérateur, n’est pas ce genre de proposition unique : plombée par un début qui ne convainc guère, la chanson s’enlise dans un ennui certain, que même le final, qui se veut explosif, ne parvient pas à rettraper.
Notre classement : 25e place (avant-dernier).
Melody – Esa diva (Espagne)
La candidate espagnole a (presque) tout ce qu’il faut pour créer la surprise : une mise en scène et chorégraphie colossales, une délicieuse saveur de flamenco derrière l’artificialité assumée de son electropop et une prestation vocale assez complexe qu’elle maîtrise à la perfection. Autant de raisons qui trahissent la démarche «too much» de la diva autoproclamée… et qui pourraient bien la faire passer totalement à côté de son objectif.
Notre classement : 15e-17e place.
Ziferblat – Bird of Pray (Ukraine)
C’est une sorte de rêve éveillé que veulent amener les Ukrainiens de Ziferblat sur la scène de l’Eurovision. Avec Bird of Pray, aux accents prog, le groupe entend séduire le public en livrant un moment de poésie, porté par la voix cristalline de sa chanteuse et des jeux de lumière sublimes. Mais la voix un tantinet poussive du chanteur, ainsi qu’une mélodie à la construction chaotique, risque de leur coûter cher.
Notre classement : 16e-18e place.
Remember Monday – What the Hell Just Happened? (Royaume-Uni)
On ne sait pas trop ce que raconte leur chanson, et apparemment, elles non plus, ce qui ne les empêche pas d’amener un peu de fraîcheur dans cette soirée. Mais la candeur des trois Anglaises de Remember Monday donne le sourire autant qu’elle peut agacer, d’autant plus avec une chanson pop qui manque de souffle et, à plus forte raison encore, d’originalité.
Classement : 20e-22e place.
JJ – Wasted Love (Autriche)
Alors que son concurrent direct, Bara Bada Bastu, fait du surplace dans les prédictions, l’Autrichien n’a cessé de monter et de faire parler de lui au cours de cette dernière semaine. C’est peut-être bien lui qui remportera le concours, et ce serait mérité, au vu de ses époustouflantes prouesses vocales et son univers poétique, qui mélange le chant lyrique, le rap et la techno. S’il faut citer un seul obstacle à sa victoire, c’est la ressemblance musicale qu’il partage avec Nemo, le Suisse tenant du titre.
Notre classement : 1e place.
Væb – Róa (Islande)
Pour citer un trio d’Anglaises : «What the hell just happened?» Une parodie de chant de marin qui semble tout droit sortie du début des années 2000, deux frangins habillés en aliens au look rétro, combattant dans leur bateau en carton des créatures réalisées dans des effets spéciaux bien cheap comme il faut. Les Islandais de Væb collent à la réputation du pays, dont près de 95 % de la population regarde assidûment l’Eurovision – et, on n’en doute pas, partage cet amour du kitsch, au moins le temps d’une chanson. On s’amuse de les voir s’amuser autant, mais ce n’est malheureusement pas cela qui fait gagner des points.
Notre classement : 23e place.
Tautumeitas – Bur man laimi (Lettonie)
Avec Bur man laimi («Apporte-moi du bonheur»), les six fées de Tatumeitas éloignent les malédictions, et pourraient bien gagner ainsi quelques places au classement final. Guidées par des esprits supérieurs, les Lettones rendent hommage aux airs traditionnels de leur pays en les mariant à des «beats» hip-hop et aux rythmiques électroniques dans une mise en scène immersive. On reste assez subjugué par le moment, bien que leur «ethnopop» magique n’ait pas forcément les épaules pour concurrencer les gros noms de cette édition. En revanche, leurs admirateurs, s’ils restent discrets, sont nombreux. Elles comptent sur eux.
Notre classement : 19e place.
Claude – C’est la vie (Pays-Bas)
Le Néerlandais natif de la République démocratique du Congo chante, en anglais et en français, un hymne à la résilience doublé d’une déclaration d’amour à sa mère, et s’impose d’emblée comme l’un des temps forts de cette finale. Le tout sans chichis, misant exclusivement sur le talent et l’authenticité de l’artiste. Qui devraient lui suffire pour atteindre le top 5, et pourquoi pas une place sur le podium.
Notre classement : 4e place.
Erika Vikman – Ich komme (Finlande)
Elle aussi peut viser le haut du classement, dans un tout autre style, celui de l’excentricité poussée à son extrême – certains diront osé, d’autres diront vulgaire. Toute de cuir vêtu (et obligée par les organisateurs à revoir son costume, qui laissait initialement ses fesses découvertes), Erika Vikman est parvenue à mettre son hymne à l’orgasme, poussé par des basses ultralourdes, dans toutes les têtes. Et si sa prestation pousse à fond sur l’autoroute du sexy-kitsch avec, notamment, la chanteuse chevauchant un micro géant, elle n’en témoigne pas moins d’une puissance vocale impressionnante.
Notre classement : 6e place.
Lucio Corsi – Volevo essere un duro (Italie)
Écrire, chanter et interpréter sa chanson avec le cœur est un vrai pari, dans une compétition qui aime les excentricités et les performances tapageuses. La dégaine frêle, mi-Ziggy Stardust, mi-Renato Zero, Lucio Corsi passe du piano à la guitare électrique à l’harmonica avec une aisance folle, et ses paroles, qui touchent une corde sensible, prouvent qu’il incarne déjà le futur du «cantautorato» italien. La victoire semble inenvisageable, mais l’Italien fragile inaugurera la deuxième partie de soirée, synonyme de choses sérieuses. Faut-il y voir le signe d’une possible surprise?
Notre classement : 11e-13e place.
Justyna Steczkowska – Gaja (Pologne)
Déjà, elle détient un record : Justyna Steczkowska fait son retour à l’Eurovision après avoir représenté la Pologne… en 1995, pour la deuxième participation de son pays au concours. Trente ans, soit la plus grande période avant le retour d’un même candidat en finale. Avec Gaja, la Polonaise pousse la voix et ensorcèle. Mais si le rythme soutenu du morceau et sa chorégraphie, très physique, arrivent à convaincre facilement, on est moins emballé par le dragon qui, à lui seul, décrédibilise toute sa mise en scène.
Notre classement : 16e-17e place.
Abor & Tynna – Baller (Allemagne)
On ne les voit pas forcément venir, mais force est de reconnaître qu’Abor & Tynna, frère et sœur à la ville, tiennent entre leurs mains un sacré tube, de ceux qu’on joue le volume à fond dans les teufs d’après-ski. L’un sur son violoncelle électrique, l’autre micro en main, le duo allemand fera bouger les têtes et sauter les corps. Suffisant pour viser un résultat plus que correct; en attendant, on peut déjà prédire que la chanson deviendra culte dans les années à venir, et pas seulement chez les fans de l’Eurovision.
Notre classement : 9e-10e place.
Klavdia – Asteromáta (Grèce)
Longue robe noire, cheveux tirés en arrière, lunettes à monture épaisse, la Grecque Klavdia, déjà comparée à Nana Mouskouri, assume le minimalisme formel de sa performance, qu’elle délivre perchée sur un rocher. Si celle ballade traditionnelle est très belle et son exécution irréprochable, la prestation un peu trop statique pourrait coûter des points à l’artiste.
Notre classement : 9e-10e place.
PARG – Survivor (Arménie)
Il est délicat de prédire avec certitude un gagnant, il est beaucoup plus facile d’avancer qui finira parmi les mauvais élèves. Ainsi, l’Arménien qualifié à la surprise générale, qui veut se placer dans la lignée de Twenty-One Pilots et Imagine Dragons en mélangeant mélodie traditionnelle et electropop, semble arriver avec quelques années de retard. Peut-être que, s’il stagne en bas de classement, c’est à cause de son tapis roulant.
Notre classement : 26e place (dernier).
Zoë Më – Voyage (Suisse)
La Suisse, à l’histoire tumultueuse avec l’Eurovision, peut-elle remporter le concours une deuxième année de suite? Possible, même si, au vu du programme de la soirée, cela relève du fantasme. Tout en douceur et en respirations, Zoë Më nous emmène dans un Voyage hypnotique qui s’impose, sans fausse timidité, comme la meilleure chanson en langue française du concours. Et pourrait même se placer au coude à coude avec une certaine Louane…
Notre classement : 7e place.
Miriana Conte – Serving (Malte)
Miriana Conte a participé aux présélections nationales à cinq reprises depuis ses 16 ans (!), et vivra sa première finale à fond. Avec Serving, qui évoque tout à la fois Nicki Minaj, Beyoncé et les collaborations David Guetta-Sia, la Maltaise porte un titre excessif, ultraséduisant et au gimmicks franchement contagieux. Un joyeux chaos organisé qui a tout ce qu’il faut pour mettre tout le monde d’accord, bien loin des ballades et bonbons pop qui ont fait la réputation du pays insulaire au sein du concours.
Notre classement : 8e place.
NAPA – Deslocado (Portugal)
Il faut reconnaître que la grande force du Portugal, c’est de ne jamais avoir souscrit aux formules qui font les hits de l’Eurovision, préférant rester fidèle à son idée de représenter l’authenticité et le caractère unique de sa scène nationale. On peut donc d’ores et déjà parier que cette jolie petite chanson rock, dont la mélodie évoque les Beatles période psyché, n’aura pas un parcours très heureux. Dommage.
Notre classement : 22e place.
Sissal – Hallucination (Danemark)
La Danoise Sissal porte l’héritage de l’eurodance tout en démontrant ses hautes qualités vocales. Cela n’a rien d’une Hallucination, mais la chanteuse, qui revendique vouloir briser les codes, reste malgré tout cantonnée à ceux d’un genre qui ne laisse rien dépasser, au risque d’apparaître trop répétitive.
Notre classement : 20e-21e place.
KAJ – Bara Bada Bastu (Suède)
Championne de l’Eurovision, la Suède vise un nouveau titre deux ans après sa 7e victoire avec, encore une fois, une chanson taillée sur mesure pour le concours : un air loufoque sur les bienfaits du sauna, accompagné d’une mise en scène tout aussi délirante où se croisent bûcherons, baigneurs se frappant le corps avec des branches de bouleau et saucisses grillées. Ils sont hilarants, ils font le show… et abordent naturellement la finale en grands favoris.
Notre classement : 2e place.
Louane – Maman (France)
Concurrente directe du Néerlandais Claude pour la proximité des thèmes abordés (et le fait qu’ils chantent dans la même langue), Louane s’inscrit dans la plus pure tradition française, avec son décor minimaliste et une performance reposant essentiellement sur le texte et la voix. Ce qui lui a suffi pour fédérer largement des fans dans toute l’Europe. À tel point qu’on imagine que seul le vote du jury pourrait lui faire manquer le podium.
Gabry Ponte – Tutta l’Italia (Saint-Marin)
À 52 ans, l’ancien Eiffel 65 a une flanquée de tubes à son actif et reste le DJ star en Italie. Et s’il représente la petite république de Saint-Marin, enclavée au centre de la Botte, sa chanson joue des stéréotypes pour unifier en musique toute la péninsule, dans un mélange de techno commerciale et d’airs de tarentelle. Ce qui, par la force des choses, ne parlera qu’à une minorité – ironiquement, on voit beaucoup plus facilement Tommy Cash et sa parodie d’italien, vaguement railleuse, gagner du terrain.
Notre classement : 24e place.
Shkodra Elektronike – Zjerm (Albanie)
Quelle curiosité que ce duo albanais, dont on a envie de croire qu’il saura créer la surprise. D’abord grâce à la puissance de leur chanson, construite sur un air traditionnel, et l’énergie dingue qu’elle parvient à transmettre; ensuite pour la complémentarité des membres du duo, dont les grains de voix opposés se retrouvent parfaitement; enfin, pour leur mise en scène aussi dépouillée que colorée.
Notre classement : 13e-15e place.