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[Album de la semaine] Mclusky, vingt ans après


Mclusky

The World Is Still Here and So Are We

Sorti le 9 mai

Label Ipecac Recordings

Genre noise / rock

Vu qu’elles sont plutôt rares, il y a de bonnes nouvelles dont il faut savoir se saisir, aussi dérisoires soient-elles. Le retour aux affaires de Mclusky en est une, du moins pour ceux qui connaissaient le groupe et l’écoutaient il y a déjà une double décennie. C’était une autre époque, celle où le CD dominait le marché et que le streaming était encore à l’état de bourgeon.

On est alors en janvier 2005, et à la suite d’un communiqué laconique, le trio originaire du pays de Galles, formé au milieu des années 1990, annonçait sa fin, laissant l’œil mouillé les fans de rock mordant, engagé et cynique dont il était un humble représentant, particulièrement dans un milieu où ce genre de ton et d’attitude manquait.

Jusque-là, la formation, menée par le coquin Andy Falkous, s’était imposée comme une référence agitée d’un style mêlant punk et noise, avec des morceaux de mélodies dedans. Une évidence à l’écoute de trois albums puissants, sans fausse note : My Pain and Sadness is More Sad and Painful than Yours (2020), Mclusky Do Dallas (2022) et The Difference Between Me and You is that I’m Not on Fire (2004) – ces deux derniers ayant, de surcroît, bénéficié de la patte et de l’expertise du feu producteur Steve Albini. En guise d’adieu, une généreuse compilation de 56 inédits et titres live (Mcluskyism, 2006) calmait les esprits chagrins. Puis plus rien. Mais c’est bien connu : on n’enterre pas si facilement les dinosaures.

Ainsi, après un long silence et la création d’un groupe ersatz, d’ailleurs d’une belle qualité (Future of the Left), voilà que Mclusky donnait de ses nouvelles, pas vraiment mort, mais pas dans une grande forme non plus : après un retour sous les projecteurs pour des concerts à haute intensité, le chanteur-leader annonçait souffrir de troubles auditifs.

Et alors que la promesse d’un retour en studio se faisait attendre, la formation dégainait un EP surprise en 2023 (Unpopular Parts of a Pig) afin, précise-t-il, de payer ses exorbitants frais de visas réclamés par ses réguliers voyages aux États-Unis… Mais c’est désormais de l’histoire ancienne, comme l’atteste le message posté sur Bandcamp : «Mclusky est à nouveau un groupe. C’est hallucinant, non?»

Toujours amateur de titres à rallonge, et pour le coup d’une limpidité sans égal, voilà donc The World Is Still Here and So Are We. À ce stade, toutefois, plusieurs interrogations s’imposent : d’abord, pourquoi ce timing?

On va dire que McLusky profite probablement du terrain balisé par la nouvelle scène britannique, inventive, énervée et tenant en respect les anciens, que l’on évoque, entre autres, DITZ, Squid, Shame ou black midi. Ensuite, et surtout : ne faut-il pas craindre un come-back forcé et poussif, comme tant d’autres? Ici, la réponse est rassurante : si le groupe a changé de bassiste (Damien Sayell) et que les cheveux ont grisonné, ses intentions, ses moyens et son jeu n’ont pas bougé d’un iota, un peu comme si les vingt dernières années étaient parties en fumée.

Mieux : ce quatrième disque est défendu par Ipecac, le label de Mike Patton (Faith No More, Fantômas, Mr Bungle…), ce qui en dit long sur ses vertus et ses extravagances. Car à l’image de la pochette où figure un visage clownesque un peu triste, Mclusky s’amuse toujours de la tragédie moderne, comme le démontrent treize chansons qui, si elles filent vite, ont tout de même le temps d’afficher – dans le texte – une insolence et un nihilisme face au chaos du monde. Comme on dit, mieux vaut en rire qu’en pleurer… Musicalement, aussi, la recette reste la même avec une basse lourde, une batterie de la même trempe et une guitare aux riffs anguleux.

Un peu de Pixies dans les mélodies, de Shellac dans l’exécution et de Jello Biafra (Dead Kennedys) pour ce qui est de la folie et de la finesse de l’analyse sociale : Mclusky, avec brio, est de retour dans la mêlée, fêtant même cette résurrection sur scène, là où finalement il s’exprime encore le mieux (une tournée qui passera notamment en novembre par Trèves).

Dernière interrogation : est-ce que ce nouveau chapitre de son histoire va en appeler d’autres? Ces derniers jours, dans un magazine américain, Andy Falkous a donné un début de réponse, très «mcluskyenne», évidemment : «Je pense qu’on s’en sortira, et si ce n’est pas le cas, j’espère au moins que ce sera marrant le temps que ça durera.»

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