Tant bien que mal, le Conseil de l’Europe a adopté ce mardi au Mudam une convention afin d’éviter les actes d’intimidation, les menaces ou les obstructions trop fréquents à l’encontre des avocats.
Il y avait comme un léger air d’Europe hier après-midi au Mudam Luxembourg où se tenait l’ouverture à la signature d’une convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat. Léger puisque l’Union européenne n’est pas présente en force. Bien qu’il soit une organisation internationale et distincte de l’UE, le Conseil de l’Europe compte bien entendu les 27 États membres parmi ses 46 adhérents, soit plus de la moitié.
Cette majorité a néanmoins répondu absente, n’envoyant ni ministre des Affaires étrangères ni représentant au Mudam. Ces derniers sont pourtant tous conviés aujourd’hui au sein de l’European Convention Center Luxembourg dans le cadre de la 134e session annuelle du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
En tant que président du Comité des ministres, le Luxembourg ayant la présidence tournante depuis novembre dernier, Xavier Bettel n’a pas manqué d’évoquer les absents : «Je remercie ceux qui vont signer et regrette ceux qui ne le feront pas». Ces derniers ont même été qualifiés «d’usual suspects» par le vice-Premier ministre luxembourgeois. Parmi les pays membres, seuls l’Estonie, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède, la Belgique sont signataires. Soit 11 sur 27, auxquelles s’ajoutent Andorre, la Macédoine du Nord, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Islande et la Moldavie.
«Est-ce normal?»
Bien qu’elle soit visiblement loin de faire l’unanimité, la convention est bel et bien adoptée puisqu’il suffit qu’elle soit ratifiée par huit pays, dont au moins six États membres du Conseil de l’Europe. «C’est un moment historique», annonce Elisabeth Margue, ministre la Justice, mais également avocate de formation inscrite au Barreau de Luxembourg.
Alain Berset, secrétaire général du Conseil de l’Europe, a lui aussi qualifié cette convention de «première historique» et qu’elle constitue une «avancée significative» pour toute une profession mais pas seulement. «Protéger les avocats, c’est protéger la démocratie. Il faut défendre ceux qui en ont fait leur métier», souligne-t-il.
Concrètement, cette convention est le premier traité international axé sur la protection contre le harcèlement, les menaces, les agressions ou l’ingérence dans l’exercice de leurs fonctions. Applicable aux avocats ainsi qu’à leurs associations professionnelles qui défendent leurs droits et intérêts, elle répond à un contexte de plus en plus délétère, même en Europe. «Signer, c’est dire non aux menaces», se félicite Alain Berset. «Est-ce normal?», s’interroge lui Xavier Bettel, ancien avocat pénaliste, quant à la hausse des signalements et la nécessité donc d’en arriver à un tel texte.
Le cas du procès de Marine Le Pen
«Je regrette que l’on soit obligé de devoir rappeler les dangers», poursuit le président du Comité des ministres. «Les sirènes du populisme sont à nos portes et les populistes, très souvent, proposent des droits pour les supprimer une fois élus.» En France par exemple, des menaces de mort ont été postées sur un site d’extrême droite visant la magistrate et les deux procureurs ayant présidé et requis les peines du procès de l’affaire des assistants parlementaires européens du Rassemblement national (RN) le 31 mars dernier.
La condamnation de la chef de file du RN Marine Le Pen, en tête de proue, a notamment contraint la magistrate à être placée sous protection policière tant les pressions de la sphère politique d’extrême droite et des réseaux sociaux étaient fortes. Le 9 avril dernier, un homme a d’ailleurs été condamné à huit mois de prison avec sursis pour avoir menacé la juge.
La convention a justement comme leitmotiv d’éviter les actes de harcèlement, d’intimidation mais aussi les obstructions, la corruption et les ingérences indues. Lorsque de telles circonstances pourraient constituer une infraction pénale, le tout nouvel accord du Conseil de l’Europe stipule que les parties devront mener une enquête effective.