À la suite de la deuxième déclaration sur l’état de la Nation du Premier ministre, Luc Frieden, opposition, majorité et syndicats réagissent.
«Des coupes intolérables»
Taina Bofferding (LSAP) : «Au moins, la lutte contre la pauvreté a cette fois-ci trouvé une place dans la déclaration. Or des problèmes majeurs, tels que le logement, n’ont pas vraiment été thématisés. Cela démontre que le gouvernement ne s’attaque pas aux problèmes structurels. Il est aussi très dommage que, dans le cadre de la réforme des pensions, on se contentera de verser une aide aux personnes menacées de pauvreté. Il existerait une très simple solution pour prévenir ce problème : l’augmentation de la pension minimale. Ensuite, il est confirmé que le troisième pilier sera renforcé. Les gens qui ont beaucoup d’argent pourront continuer à investir dans leur pension. Luc Frieden dit que cela doit constituer une pomme pour la soif. Or cette pomme ne devrait même pas être nécessaire. Les jeunes devront aussi aller travailler plus longtemps, ce qui rompt le contrat intergénérationnel. Le gouvernement cherche à tout embellir, mais en réalité, il procède à des coupes sociales intolérables.»
«Très éloigné de la réalité»
Fred Keup (ADR) : «Je respecte les avis du Premier ministre. Ce fut un discours très théorique, avec beaucoup d’annonces dont on ne sait pas comment elles seront mises en œuvre. Nous allons tirer le bilan en fin de législature avant de donner une note finale au chef du gouvernement. On va ainsi évaluer de très près si les problèmes liés à la sécurité, la santé, le logement ou l’intégration ont pu être résolus. On ne va pas juger le Premier ministre sur de simples mots. Avancer plein de choses devant la Chambre est très simple. Néanmoins, beaucoup d’éléments du discours sont très éloignés de la réalité des citoyens. C’est un peu son style. Il connaît peu les véritables soucis des gens, qui ont aussi trait à la mobilité et le pouvoir d’achat. Tout cela a été très peu thématisé, ce qui en dit beaucoup sur ce gouvernement. Pour ce qui est des pensions, j’ai compris que la réforme se fera au détriment des jeunes générations. Je ne sais pas si le Premier ministre fait vraiment preuve de courage dans ce dossier.»
«On reste sur notre faim»
Sam Tanson (déi gréng) : «Très sincèrement, je ne peux pas retenir grand-chose d’un discours aussi peu inspirant. On nous a vendu pas mal de mesures neuves qui ne le sont pas. Pour ce qui est des véritables annonces, on reste sur notre faim. Le concept global pour aider les personnes en situation de précarité n’est toujours pas en vue. En ce qui concerne le logement, des mesures qui visent les multipropriétaires, telles que la taxe pour mobiliser les terrains ou la hausse de l’impôt foncier, n’ont même plus été mentionnées. Je me serais attendu à beaucoup plus concernant le conflit social. Le Premier ministre peut embellir les choses, mais ce conflit est bien réel. Pour ce qui est des pensions, on se pose la question de quel sera l’impact d’un allongement des années de cotisation pour celui qui a commencé à travailler à 18 ans ou qui exerce un métier pénible. Et puis, la grande absente fut la protection de l’environnement, toujours considérée comme un frein, alors qu’il s’agit d’une question existentielle.»
«Une instabilité inédite»
Marc Baum (déi Lénk) : «Le Premier ministre s’est lui-même attribué une très bonne note et a affirmé avoir tenu ses promesses. Il faut néanmoins se poser la question de qui en a profité. La crise du logement reste d’actualité, les prix du loyer continuent d’augmenter. Un plan d’action contre la pauvreté n’est pas en vue. Le regard en arrière du Premier ministre est loin de la réalité. Je trouve d’ailleurs très étonnant qu’il prône la stabilité par le progrès, car ces 12 derniers mois ont été marqués par une instabilité inédite. Sont à citer le grand mouvement social provoqué unilatéralement par le gouvernement, la gestion du dossier Caritas ou les nouvelles restrictions de liberté, avec le durcissement du cadre légal sur les manifestations ou le Platzverweis renforcé. Et puis, il est prévu d’augmenter les investissements dans la défense, alors que, de l’autre côté, les jeunes devront travailler plus longtemps avant de pouvoir prendre leur retraite. Ce n’est pas une politique responsable.»
«Un manque de substance»
Sven Clement (Parti pirate) : «J’ai eu l’impression que le Premier ministre nous a envoyé une carte postale depuis un pays dans lequel personne d’entre nous ne vit. Il a tenu un discours philosophique sur le Luxembourg d’il y a 80 ans avant de souligner que tout espoir n’est pas perdu, uniquement grâce à son gouvernement. En réalité, beaucoup d’effets positifs sont dus à un contexte économique mondial plus favorable. Je suis resté un peu sur ma faim. Il y a ainsi eu une série d’annonces où j’ai eu l’impression qu’elles ont déjà été faites par le passé. Il y a aussi des annonces affirmant que de plus amples détails ne seront dévoilés que dans les jours et semaines à venir. On n’en sait pas vraiment plus après ce discours. Un des deux grandes annonces est la hausse de l’effort de défense à 2 % du RNB dès cette année, sans que l’on sache comment. Et puis, les gens devront aller travailler plus longtemps avant de pouvoir prendre leur pension. La carte postale se résume finalement à une belle photo, mais dont le texte inscrit sur le verso manque de substance.»
«Un discours intéressant, engagé et complet»
Marc Spautz (CSV) : «Ce fut un discours très intéressant, ayant comporté beaucoup de bonnes choses. Dans le domaine de la modernisation du droit du travail, il existe de nombreux bons accents. Il faudra en parler en détail, dans le cadre du dialogue social. Je vais m’exprimer davantage sur ce sujet lors du débat de demain (lire mercredi). Pour ce qui est des pensions, des premières pistes sont désormais avancées. Les propositions concrètes, qui doivent être mises sur la table en été, devront être discutées avec les partenaires sociaux. L’idée est de ficeler un paquet global pour assurer le financement du système sur les 15 années à venir.»
Gilles Baum (DP) : «On a entendu un discours très engagé et complet, de la part d’un Premier ministre qui est un Européen convaincu. La plus importante annonce est la hausse de l’effort de défense. Nous avons des obligations envers l’OTAN. Il est important dans ce contexte de ne pas se contenter de dépenser de l’argent, mais d’avoir aussi un retour économique au Luxembourg. Pour ce qui est des pensions, on est content que du concret arrive sur la table. Ce qui nous importe est que les gens qui sont déjà retraités ou proches de prendre leur retraite ne seront pas impactés. Et attendons encore pour savoir quel sera l’impact réel sur les jeunes.»
OGBL et LCGB fulminent
Pour le front syndical, le Premier ministre n’aurait pas réussi à «saisir l’occasion pour désamorcer une fois pour toutes les tensions sociales engagées par son gouvernement».
OGBL et LCGB dénoncent aussi les pistes sur la réforme des retraites, en tête l’augmentation du nombre d’années de cotisation. «Cela touchera plus particulièrement les jeunes et remet en question la solidarité intergénérationnelle», dénonce le front syndical. Le but de l’exécutif serait de «détériorer notre système de pensions public et solidaire, au lieu de le renforcer».