Accueil | A la Une | Affaire Caritas : «Personne ne prend ses responsabilités»

Affaire Caritas : «Personne ne prend ses responsabilités»


Pit Bouché, vice-président de la Fondation Caritas, n’a pas vu l’urgence de réunir un CA concernant les lignes de crédit.  (Photo : julien garroy)

La direction et le conseil d’administration de la Fondation Caritas se rejettent mutuellement les fautes commises qui ont abouti au détournement du siècle. Lundi, Pit Bouché s’est défendu.

Depuis que l’ex-directeur opérationnel de Caritas, Tom Brassel, a témoigné auprès de nos confrères de la radio 100,7, Pit Bouché ronge son frein. Vice-président du CA de la fondation et président de Caritas Accueil et Solidarité, ce dernier a refusé de répondre aux demandes d’interview de la radio socioculturelle. Pourtant, l’ancien directeur opérationnel a affirmé s’être confié à lui le 6 juin et le 25 juin, concernant ses inquiétudes liées aux lignes de crédit ouvertes auprès des banques. Soit quelques semaines avant la découverte de la fraude gigantesque.

Si Pit Bouché n’a pas voulu s’exprimer en public sur cette affaire, il a fait parvenir un courrier à la commission spéciale fin avril pour se mettre à la disposition des députés et répondre à leurs questions à propos de ces deux épisodes. «Il a insisté pour se présenter», rappelle Djuna Bernard (déi gréng), vice-présidente de la commission spéciale Caritas. Il a voulu avant tout contester les dires de l’ancien directeur. Il reconnaît avoir eu vent de l’ouverture des lignes de crédit lors d’une conversation avec lui le 25 juin, mais pas avant. Il nie avoir été mis au courant le 6 juin.

«Il était en mode « défense«  face à un tribunal, montrant tous les messages qu’il a échangés par téléphone avec Tom Brassel», indique Djuna Bernard. Si Pit Bouché reconnaît avoir été averti le 25 juin, il n’a pas trouvé son interlocuteur très inquiet par rapport à l’information qu’il lui livrait. Ces lignes de crédit seront donc discutées à la prochaine réunion du conseil d’administration, le 15 juillet, et c’est précisément à cette date que le pot aux roses a été découvert. Le lendemain, une plainte a été déposée.

«Il n’a pas vu l’urgence de réunir un CA plus tôt ou de donner l’alerte car, selon lui, il n’était pas exceptionnel d’ouvrir une ligne de crédit», poursuit Djuna Bernard. Ce n’est que le 15 juillet que le CA a exigé de voir les chiffres.

En revanche, Pit Bouché a rappelé que les membres de la direction, à l’inverse du CA, pouvaient à tout moment avoir accès au MultiLine pour consulter les comptes. Si Tom Brassel avait des doutes, il aurait pu jeter un coup d’œil et s’apercevoir de l’urgence de la situation. Mais la direction ne l’a pas fait. C’est le reproche que Pit Bouché adresse aujourd’hui aux anciens dirigeants.

«Il y a une chose que je ne comprends toujours pas dans cette affaire, c’est la position du gouvernement qui a affirmé ne pas pouvoir sauver Caritas», insiste toujours la députée écolo, comme d’autres partis de l’opposition. Le problème se situe entre la Fondation Caritas et les banques. De son côté, Caritas Accueil et Solidarité aurait pu poursuivre l’œuvre sans craindre de devoir rembourser les banques avec les subventions allouées par l’État, mais le gouvernement a décidé de fermer illico les robinets. «Pourquoi ne pas avoir transféré les activités vers Caritas Accueil et Solidarité dont Pit Bouché est toujours président, d’ailleurs ? Pit Bouché a reconnu que c’était une option, mais que le comité de crise ne l’avait pas suivie», regrette-t-elle.

Pit Bouché n’était pas membre du comité de crise eu égard à ses fonctions de chef de cabinet de la ministre de la Justice, Elisabeth Margue. Hier, face aux députés, l’ancien vice-président de la Fondation Caritas a démontré son engagement envers l’ONG et le temps qu’il lui a consacré. Aujourd’hui, il n’y a plus d’entité qui corresponde aux valeurs de la Caritas et c’est aussi un regret pour Djuna Bernard.

Pas d’assurance

La députée est elle-même membre de quelques conseils d’administration, elle ne comprend pas comment celui de la Fondation Caritas a pu passer des mois sans être au courant de la situation financière. «C’est un point qui revient régulièrement dans les ordres du jour», témoigne-t-elle. Il a fallu attendre que Pit Bouché soit mis au courant par Tom Brassel pour que ce point soit discuté trois semaines plus tard.

Pour Taina Bofferding (LSAP), rapporteuse de la commission spéciale, il y a des contradictions dans ces auditions. «Je trouve quand même bizarre que Pit Bouché n’ait pas réagi alors que les membres du CA que nous avons entendus ont dit que ce sont eux qui doivent signer les lignes de crédit.» Pit Bouché a confirmé et entendait évoquer le sujet au prochain CA. La députée socialiste a l’impression que «personne ne veut prendre ses responsabilités».

Comme l’avait révélé 100,7 dans la série de podcasts consacrée à l’affaire Caritas, les membres du CA n’étaient plus couverts par une assurance responsabilité juridique. La directrice financière aurait oublié de la payer… «Le CA pouvait au moins vérifier ce point, c’est capital», déclare Taina Bofferding.

Le rapport qu’elle devra rédiger sera des plus compliqués. Surtout, il devra mettre tout le monde d’accord et les partis de la majorité vont défendre la position du gouvernement qui a fixé son choix sur une nouvelle entité et enterré la Caritas. «On ne parle pas du volet international, mais Xavier Bettel a perdu sa crédibilité dans ce dossier, car pour les projets de coopération, il restait encore un budget qu’il a décidé d’annuler», conclut pour sa part Djuna Bernard.