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[BD] «L’Allée des frênes» : laissez les arbres tranquilles !


(photo DR)

Mathieu Flammarion prend de la hauteur et raconte la résistance d’un village face à l’abattage d’arbres centenaires. Une fiction documentaire qui invite à changer son regard sur le vivant.

On en a tous déjà vu en passant sur un chemin de campagne : ces allées d’arbres, à l’agencement d’une rigueur militaire, qui donnent de la hauteur à un paysage d’une platitude sans fin. La tête dans le volant, la plupart du temps, on les ignore, trop concentré sûrement, trop ignorant aussi.

Et quand on entend parler d’eux, c’est en des termes peu élogieux : ils seraient responsables des accidents de la route, «tueurs» immobiles contre lesquels aucune carrosserie ne résiste, et qu’il faudrait donc abattre. Un peu mince, comme argument… C’est ce qui a motivé Mathieu Flammarion, artiste touche-à-tout qui, par le passé, a déjà réalisé plusieurs fanzines sur le monde rural, ses mutations et ses luttes collectives.

L’Allée des frênes tient à une double rencontre : d’abord celle avec Actes Sud BD et sa collection «Domaine du possible» qui, lit-on, propose de «dresser le portrait sensible d’hommes et de femmes qui entament un processus de transition, une prise de conscience de leur environnement et décident d’agir».

Ensuite celle, en 2018, d’ALLÉES-AVENUES/allées d’avenir, association nancéienne qui cherche à protéger et à valoriser les allées d’arbres en France. Cette année-là, dans les Vosges, le premier colloque scientifique international sur le sujet était organisé. On y a vu l’auteur écrire et dessiner, car «les histoires humaines» qui accompagnent les histoires d’arbres méritent d’être connues au-delà du cercle des experts.

Avant, justement, le détaillé argumentaire scientifique, historique et technique en postface, place à la fiction. On est à Rouvremont, une commune fictive où une nouvelle agite les habitants : l’abattage programmé d’une centaine de frênes centenaires plantés le long de la vallée de l’Aubronne, «malades», voire «mourants», mettant en danger les usagers et dégradant au passage les infrastructures routières.

Alors que certains locaux sont résignés et indifférents à l’affaire, Mahaut, jeune maraîchère, monte au créneau. Déjà, son terrain se situe juste à côté, et elle ne peut s’imaginer «vivre sans cette allée». Avec elle, d’autres s’insurgent face à ce «saccage» annoncé.

Une action en justice est alors lancée, comme d’autres initiatives plus directes : une pétition, des tracts… Mais il faut aller vite, car les autorités départementales attaquent le chantier. Mahaut, accompagnée de Xavier, lui aussi du mouvement, choisit une solution radicale : devenir un «écureuil», le surnom de ces militants écologistes qui grimpent aux branches pour empêcher les abattages.

Les arbres sont à tout le monde !

Car les «arbres sont à tout le monde !», justifie-t-elle, et qu’il faut, coûte que coûte, «défendre leur beauté, leur puissance et leurs bienfaits». En bas, les «lapins» font front face à toute intervention (de la police, des élagueurs…) et mobilisent les médias, du moins ceux qui ne parlent pas de «dictature verte». Et en haut, nichée à huit mètres du sol, la jeune activiste redécouvre le vivant sous une autre perspective…

Il y avait déjà Alessandro Pignocchi, chercheur-auteur qui, usant de l’éthologie, racontait la nécessité de développer et d’entretenir nos liens aux plantes, aux animaux et aux territoires, parfois de manière séditieuse (La Recomposition des mondes, 2019). Il y a désormais Mathieu Flammarion qui, à son tour, invite le lecteur (comme ses personnages) à lever les yeux, à prendre de la hauteur et à lutter pour la sauvegarde de l’écologie en réponse à l’immobilisme politique. Et quoi de plus beau comme argument que ses petites cases célébrant, dans de généreuses couleurs, toute la simplicité de la nature, grouillant de vie et de beautés cachées.

Mieux : son récit, d’un déroulé assez classique, s’enrichit en fin d’ouvrage d’un dossier réalisé par Chantal Pradines (déléguée générale d’ALLÉES-AVENUES/allées d’avenir). On y apprend toute l’importance de ces arbres plantés en bord de route, beaux comme des «cathédrales» et ardemment défendus, à l’époque, par le président de la République française Gorges Pompidou.

Au-delà de leur simple «ornement» et de leur «agrément», ils sont utiles (pour la faune, la flore, l’homme, la terre, l’air…) et, par leur longue histoire, ils constituent un patrimoine culturel d’exception qui «relie le passé au présent». Pour tout ça, avant d’abattre un frêne ou un chêne centenaire, penchez-vous sur son tronc et tendez l’oreille. Il vous racontera peut-être son histoire.

L’histoire

Dans le village de Mahaut, maraîchère indépendante, les frênes centenaires qui longent la route vont être coupés. Refusant cette décision du département, les habitants redécouvrent l’histoire de ces arbres et luttent pour que l’allée des frênes soit reconsidérée comme un patrimoine culturel, naturel et paysager. Accompagnée de Xavier, membre enthousiaste du mouvement, Mahaut n’aura d’autre solution que de monter dans un arbre et de s’y attacher plusieurs jours durant pour entrer en résistance dans les branchages…

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