Le pape François, qui doit prononcer jeudi après-midi un discours très attendu sur le climat, a appelé les Kényans à défendre la famille lors d’une messe géante célébrée à Nairobi, après avoir mis en garde les jeunes contre l’extrémisme dans un pays durement touché par les attaques d’islamistes radicaux.
Quelque 200 000 personnes (selon les médias kényans), dont le président Uhuru Kenyatta, ont assisté sous des parapluies les protégeant d’une pluie fine à la messe célébrée dans la matinée par François à l’Université de Nairobi, où il est arrivé en papamobile découverte.
Certains fidèles, bravant les averses torrentielles de la nuit, ont confié être arrivés dès 02H00 du matin, évoquant «un moment historique».
Quelques dizaines de milliers de personnes ont également suivi la liturgie devant des écrans installés à Uhuru Park, vaste espace vert où Jean Paul II avait rassemblé des foules imposantes en 1980, 1985 et 1995.
Il semble qu’on était loin toutefois du million de Kényans attendus.
François, 78 ans, avait revêtu une chasuble portant des motifs masaï, brodée par des sœurs dans le bidonville de Kangemi. Dans son homélie, François, qui semblait fatigué, a appelé «à résister aux pratiques qui favorisent l’arrogance chez les hommes, qui blessent ou méprisent les femmes, qui ne soignent pas les anciens et qui menacent la vie des innocents qui ne sont pas encore nés».
La solidité de la famille «est particulièrement importante aujourd’hui que nous assistons à l’avancée de nouveaux déserts créés par une culture du matérialisme, de l’égoïsme et de l’indifférence», a estimé le pape qui vient de présider à Rome un synode sur le famille où les évêques africains ont reproché aux Occidentaux un supposé abandon de valeurs chrétiennes traditionnelles.
Il a appelé les jeunes du Kenya (marqué par des tensions ethniques) à «rejeter tout ce qui conduit au préjugé et à la discrimination, choses qui ne sont pas de Dieu». Des prières ont été dites en swahili, la langue nationale, ainsi qu’en masaï, kiborana et turkana, des langues locales. De longs chants ont été entonnés et beaucoup de fidèles dansaient.
Arrivé mercredi soir de Rome, François a rencontré jeudi matin les représentants des autres religions, notamment les dignitaires de l’islam.
Leçon attendue sur la protection de la planète
«Le dialogue oecuménique et interreligieux n’est pas un luxe, n’est pas optionnel», leur a-t-il dit, dénonçant la radicalisation des jeunes «rendus extrémistes au nom de Dieu» pour mener «des attaques barbares».
«Notre conviction commune est que le Dieu que nous cherchons à servir est un Dieu de paix! Son saint Nom ne doit jamais être utilisé pour justifier la haine et la violence», a-t-il répété.
Plus de 400 personnes ont été tuées depuis deux ans dans des attaques menées par les islamistes somaliens shebab, liés à Al-Qaïda, dont celles d’ampleur contre le centre commercial Westgate (au moins 67 morts en 2013), des localités de la côte (une centaine de morts en 2014) et l’université de Garissa en avril (148 morts).
Le premier voyage en Afrique de Jorge Bergoglio se déroule au milieu d’un impressionnant déploiement sécuritaire. La menace shebab est prise très au sérieux au Kenya, comme en Ouganda, prochaine étape vendredi du pape, deux pays engagées militairement en Somalie contre les shebab.
Au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique, sa dernière étape ravagée par les violences entre miliciens chrétiens et musulmans, la paix et la coexistence religieuse sont les priorités de cette tournée de six jours dans un continent marqué par les violences internes ou importées.
Mercredi soir, François avait énoncé clairement à une classe politique accusée d’avoir laissé se développer la corruption, les priorités de son agenda social: justice sociale, distribution équitable des richesse, transparence et honnêteté, développement durable, respect et préservation des immenses ressources naturelles kényanes.
Jeudi après-midi, François rencontrera prêtres, religieux, religieuses et séminaristes. Un tiers des Kényans (13,8 millions) sont catholiques, et 2.744 prêtres, 800 religieux et 5 500 religieuses les encadrent, sans compter des milliers de catéchistes.
Autre rendez-vous attendu, un discours au siège de l’ONU en fin d’après-midi. A quelques jours du début de la conférence internationale sur le climat (COP21), le 30 novembre à Paris, le pape, auteur d’une récente encyclique sur ce thème, devait lancer un nouvel appel très fort pour le succès de la COP21 et pour la protection de l’environnement. Il s’exprimera devant deux agences spécialisées, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’ONU-Habitat.
Une façon pour lui de lier une nouvelle fois la dégradation de l’environnement à celle des conditions de vie, dans ce qu’il appelle «la culture du déchet» dans la mondialisation capitaliste.
AFP/M.R.