Deux voleurs présumés ont la mémoire qui flanche. Un classique des salles d’audience. L’un a oublié 15 cambriolages et l’autre qu’il a réveillé tout un quartier en pleine nuit.
D’ordinaire, les prévenus prétendent ne plus se souvenir des faits desquels ils sont accusés pour diverses raisons. Souvent pour ne pas les reconnaître. Cette fois-ci, Ermando aurait réellement perdu la mémoire à la suite d’un grave accident survenu en Albanie. Ni lui ni son avocat ne s’étendront dessus. Seul un espace glabre à l’arrière de son crâne laisse supposer que le jeune homme de 27 ans dit la vérité.
Une douzaine de cambriolages lui sont reprochés. Son ADN a été retrouvé sur les lieux de certains et pour d’autres, les enquêteurs ont trouvé des liens avec une bande organisée, dont les membres sont comme lui originaires d’Albanie, et un certain Henrik, qui sévissait au Luxembourg en même temps que lui.
Ermando ne répond pas formellement. Il reconnaît par la force des choses les cambriolages sur les lieux desquels son ADN a été retrouvé et préfère ne rien affirmer avec certitude pour les autres. «Ma mémoire n’est plus sûre», affirme-t-il à tort ou à raison.
Le jeune homme aurait sévi au Luxembourg moins pendant de trois ans. Cinq tentatives de vols et quinze vols avec effraction lui sont reprochés entre 2017 et 2019. «Les faits sont anciens. Il a fallu pas mal de temps pour mettre la main sur le prévenu en Macédoine du Nord», a souligné le représentant du parquet qui espère pouvoir un jour mettre la main sur les membres de l’association de malfaiteurs et sur Henrik. Il en est convaincu, Ermando a travaillé avec lui. Notamment sur le fait numéro 6 commis à Fentange où leurs deux ADN ont été retrouvés.
Pour le parquet, Ermando «se cache derrière sa perte de mémoire». «C’est la première ligne de défense.» Son représentant a préparé un double réquisitoire. Il demande au tribunal de condamner le prévenu à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs ou à la moitié s’il décidait de le condamner uniquement pour les faits où son ADN a été trouvé. «Le parquet a décidé de frapper fort.»
Un peu trop pour Me Stroesser qui défend Ermando. Le raisonnement du parquet concernant les deux traces d’ADN sur un même cambriolage «ne suffit pas à incriminer Ermando pour l’ensemble des cambriolages». L’avocat plaide en faveur d’une condamnation ferme «n’allant pas au-delà de la longue détention préventive déjà purgée» assortie d’un sursis.
Concert d’alarmes
Achraf s’est réveillé en prison. Ce n’était pas la destination prévue au départ de son voyage. Le jeune homme d’origine maghrébine qui prétend avoir 16 ans, était parti de Belgique pour se rendre à Lyon en France. «Je devais changer de train. J’avais 30 minutes d’attente. Je suis sorti de la gare de Luxembourg. Un groupe de Tunisiens m’a proposé du Rivotril à 3 euros en me disant que c’était pour s’ambiancer», indique le jeune homme qui aurait avalé la plaquette comme des bonbons.
Ses victimes présumées ont été réveillées par un concert d’alarmes de voitures dans la nuit du 21 au 22 décembre dernier à Soleuvre. Achraf s’est retrouvé à Soleuvre à fracturer des vitres de 17 voitures avec son poing «dans un laps de temps extrêmement court», «comme pris de fièvre». Les policiers l’ont arrêté en possession de quatre vestes et de plusieurs sacs pris dans les voitures. «Trois fois rien», selon le représentant du parquet qui a requis une peine de 24 mois de prison à son encontre et ne s’est pas opposé à un sursis partiel étant donné que le magistrat n’a pas trouvé de casier judiciaire à son nom.
Le jeune homme à la fine moustache laisse planer le doute quant à son identité réelle et à son âge. Il prétend être né en 2009. Un examen médical a conclu au mensonge. Achraf, si tel est bien son prénom, serait âgé de 19 ans au moins.
Son avocate, Me El Handouz, a indiqué qu’«il avait pu se sentir pousser des ailes» à la suite de la prise du puissant anxiolytique et a pu penser «découvrir un diamant» à l’intérieur des voitures fracturées. Elle demande aux juges de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg de ne pas le laisser trop longtemps en prison pour lui éviter de faire de mauvaises rencontres et lui permettre de retrouver le droit chemin. Elle les prie de ne pas prononcer de peine supérieure à 18 mois ou à la durée de la détention provisoire et de l’assortir du sursis intégral.
Les prononcés ont été fixés au 22 mai.