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60 mesures et «une coordination sans précédent» contre la drogue


La liste de mesures planifiées est impressionnante, mais pas sûr que cela suffise à endiguer le phénomène du trafic de drogue. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Pressé depuis des années par des riverains à bout, le gouvernement réagit enfin face au trafic de drogue, et lance un plan d’action pour «rendre le quartier à ses résidents».

Matinée chargée pour la bourgmestre de la Ville de Luxembourg, Lydie Polfer, le procureur général d’État, John Petry, le directeur général de la police, Pascal Peters, et les quatre ministres représentant Affaires intérieures, Justice, Santé et Solidarité, à savoir Léon Gloden, Elisabeth Margue, Martine Deprez et Max Hahn, dans l’ordre.

Soucieux d’afficher une mobilisation massive des autorités dans le dossier Gare, tous étaient réunis hier à 9 heures, face aux habitants – du moins ceux qui avaient pu se libérer, et ils étaient peu nombreux – avant d’enchaîner à midi avec la presse, pour dérouler leur feuille de route.

La première, en plusieurs décennies, à impliquer autant de ministères et d’institutions, a souligné Léon Gloden. «La criminalité a évolué : désormais, elle est organisée. Nous devons l’être aussi si on veut perturber en continu les affaires des trafiquants. D’où une coordination sans précédent.»

Il faut dire que la menace de voir se former une «milice citoyenne», comme certains résidents l’avait évoqué en janvier dernier, a eu l’effet d’un vrai coup de pied dans la fourmilière. À l’issue d’une rencontre organisée dès le mois suivant avec une délégation de riverains, le ministre promettait une série de mesures préventives et répressives à venir. Les voici sur la table.

Deux nouveaux commissariats

En complément du paquet de 2021 sur la criminalité liée aux stupéfiants, ce sont au total 60 actions qui vont être déployées, à plus ou moins long terme, y compris contre la précarité et l’exclusion sociale. Une approche inédite, où les responsabilités sont partagées et où les partenaires agissent chacun dans leur champ de compétence.

Pour Pascal Peters, le Platzverweis renforcé va aider considérablement la police.

D’abord, la police sera plus active sur le terrain, et multipliera les actions «coup de poing» à l’image des descentes menées mardi et mercredi. Dès le 12 mai, les commissariats de la Gare et d’Ettelbruck fonctionneront 24h/24 et 7 jours/7, tandis que deux nouveaux commissariats ouvriront bientôt leurs portes : l’un à Hollerich, au croisement de la rue du Commerce et de la rue du Fort Wedell, l’autre à Bonnevoie, sur la route de Thionville, près du nouveau quartier Brooklyn.

«Déranger est notre mot d’ordre»

Très critiqué, le Platzverweis renforcé sera introduit prochainement, s’est engagé le ministre : «C’est une mesure administrative ponctuelle qui permettra de faire respecter l’ordre public. Dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, déranger est notre mot d’ordre.»

Pour le directeur de la police, il est clair que cette mesure «sera d’une grande aide» pour les agents. Les riverains, qui subissent jour et nuit les nuisances liées à la présence de groupes de dealers et de toxicomanes, l’attendent aussi avec impatience.

Échanges intensifs avec la France

Au volet collaboratif, la police grand-ducale va intensifier ses échanges avec les forces de l’ordre côté français, alors qu’une partie des délinquants passe la frontière, tandis que les agents locaux dialogueront une fois par mois, de manière informelle, avec la population du quartier afin d’être réactif dès qu’un problème est signalé.

Concernant l’ajout de 67 caméras de vidéosurveillance à Bonnevoie, demandée par la Ville de Luxembourg en mars, la procédure suit son cours.

Plusieurs mesures au niveau de la Justice nécessitent un vote des députés.

Margue veut accélérer

Du côté de la Justice, souvent pointée du doigt pour son immobilisme dans ce dossier, les choses vont bouger, assure Elisabeth Margue. «J’ai entamé une série de modifications, notamment procédurales, pour doter les autorités judiciaires de davantage de moyens, et permettre l’accélération de la justice pénale», a-t-elle indiqué, ajoutant qu’une centaine de magistrats vont être recrutés.

Elle veut permettre aux policiers judiciaires de fouiller les individus suspects, faciliter les écoutes, et utiliser la photo pour des flagrants délits. Un projet de loi prévoit également le durcissement des règles du sursis accordé aux primo-délinquants.

Des structures ouvertes en continu

La prise en charge des personnes toxicomanes et/ou sans abri n’est pas oubliée dans cette stratégie à 360 degrés. Les ministres Hahn et Deprez ont annoncé le renforcement des services psycho-médico-sociaux existants, l’extension des horaires d’ouverture la nuit et les week-ends des structures d’accueil de Hollerich, l’Abrigado et Kontakt 28, ainsi que la création d’une équipe mobile sur le modèle du Samu social français.

Rappelons qu’en 2026, l’Abrigado doit être agrandi avec un bâtiment supplémentaire provisoire – projet sur les rails depuis plus d’un an – en attendant une toute nouvelle construction à son emplacement actuel d’ici 2035.

Les capacités d’accueil des centres déjà établis vont être augmentées, tout comme les places disponibles en Housing First, notamment avec la réouverture du centre Ulysse rénové. Une buanderie sociale avec douches, toilettes, machines à laver, et vêtements de seconde main, est aussi dans les tuyaux.

Lydie Polfer accueille favorablement ces mesures, là où la prévention a échoué.

En première ligne face à la colère des citoyens, la bourgmestre Lydie Polfer a salué hier l’implication de tous les acteurs, alors que pas une semaine ne se passe, dit-elle, sans qu’elle reçoive photos et vidéos du quartier Gare de la part d’habitants excédés.

La Ville de Luxembourg investit déjà dans la construction ou l’acquisition d’immeubles destinés à des projets sociaux, et va étendre les horaires de ses propres structures d’accueil, prendre à sa charge les frais de personnel du service A vos côtés, et renforcer la sécurité autour de l’école de la Gare en engageant des agents de gardiennage.

Un accueil tôt le matin sera assuré dans les deux centres de jour gérés par HUT et la Croix-Rouge, et le service Para-Chute verra aussi ses horaires étendus.

La dernière rencontre des riverains avec le ministre des Affaires étrangères leur avait redonné confiance. Désormais, ils attendent de voir les effets concrets de ces décisions politiques sur leur quotidien.

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