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[BGL Ligue] Ventura, bientôt recordman européen d’invincibilité? «Je commence à regarder»


(photo DR)

Le gardien de but brésilien de Differdange n’est plus qu’à trois rencontres de DN de battre le record du Belge Verlinden et vit ça avec un détachement total. Entre conseils religieux à de jeunes joueurs du club, évitement des tentations proposées par quelques joueurs et crainte de croiser, bientôt, Mabella et Matheus.

«Oh ça ?! C’est pour parler à Dieu !» Quand on donne des explications à un enfant, parfois, il faut savoir faire simple. Et alors que tous les adultes du pays – ceux qui fréquentent les stades en tout cas – se demandent où et quand prendra fin l’invincibilité de Felipe Ventura (1 121 minutes en championnat, 1 301 minutes avec la Coupe) et que le portier brésilien lui-même peine à justifier l’invraisemblable, il a été au plus simple devant un petit supporter venu lui demander ce que c’était que ce collier qu’on retrouvait autour de son cou après chaque coup de sifflet final.

«C’était un jeune du club, rigole Ventura. Il est gardien de but aussi. Il a demandé directement à sa mère si elle pouvait lui en acheter un.» Comme une cape de super-héros, quoi…

«Lipeto» va-t-il lancer la mode du chapelet au Grand-Duché? Quand il est invité à en parler, l’ancien coéquipier de Ronaldo et de Ronaldinho ne vend surtout pas cet objet essentiel à sa foi comme un porte-bonheur. Mais il agit quand même un peu comme s’il avait des vertus qui éclaboussent ses performances sportives.

«Avant le match, je l’utilise pour prier. Pour remercier d’être là, pour demander que personne ne se blesse, y compris chez nos adversaires. Et puis, je le laisse dans le but pendant le match. Mais je déteste quand quelqu’un essaye de le toucher.»

Bref, un peu, quand même, un talisman. On n’ose imaginer ce que cela lui ferait de voir son chapelet en bois, acquis par son beau-père, Jaime, dans la deuxième plus grande église du monde (à Aparecida do Norte, dans la banlieue de São Paulo, un véritable trésor national), percuté par le tir d’un attaquant adverse. Heureusement, ça n’arrive jamais. Tant mieux pour lui. Il a souvent changé de chapelet, tout au long de sa carrière, «mais celui-là marche très bien», s’esclaffe Ventura.

C’est beau, un Brésilien amoureux d’un Argentin

Plus que très bien, en fait. Chaque semaine rajoute en effet 90 minutes d’étonnement médusé au pays. Et maintenant, en DN, la plupart des matches se terminent sur cette réflexion : «Et Differdange n’a toujours pas pris de but». La phrase, sous cette forme, doit lui plaire, à Ventura, puisqu’il refuse de tirer la couverture à lui et parle d’une œuvre collective. Sa défense, il la juge d’ailleurs comme ça : «Brusco, c’est la mentalité, D’Anzico, c’est la vitalité et Bedouret, c’est la qualité.»

Pointe une très légère préférence pour ce dernier. Un Brésilien amoureux d’un Argentin, on aura tout vu ! Alors le portier se rattrape et recadre le débat : «Mais pour moi, le meilleur joueur de BGL Ligue, c’est notre milieu défensif, Leandro. Quelle régularité !» Pour préciser sa pensée, Ventura monte la main droite au niveau de son regard, indiquant que «la DN est là», avant de faire grimper la gauche vingt centimètres au-dessus de sa voisine et d’annoncer que «Leandro, lui, il est là !».

D’accord, mais ce qui nous intéresse, nous, c’est de savoir où se positionne Ventura dans cette hiérarchie qualitative. Dommage, contrairement à ce que laissent penser ses performances, le Brésilien n’a pas de troisième main pour se situer dans son échelle de valeur. Il est déjà content d’avoir fait changer d’avis tous les gens qui estimaient que son âge, à son arrivée, discréditait d’avance l’expérience, menée par le visionnaire Rémy Manso.

Même son président, Fabrizio Bei, annonce-t-il toutes dents dehors : «Il n’était pas très enthousiaste en voyant ma carte d’identité, mais c’est tout naturel qu’il ait réagi comme ça. Les joueurs aussi l’ont fait, avant de voir le premier entraînement.»

Le champion pour les fêtes, c’est Artur. Il y a quinze ans, lui aussi il m’aurait coûté un mariage!

Depuis, malgré cette réussite qui l’a conduit à ne prendre que cinq buts en vingt-sept matches, Ventura bosse énormément. «À mon âge, on a besoin de faire plus de séances, notamment en salle de musculation, pour pouvoir faire du bon travail.» Il ne s’interdit d’ailleurs pas de faire des entraînements… sur ses jours de congé, en compagnie du coach des gardiens de Mamer, son compatriote Lucas Borja. Son implication a déjà payé avec le titre.

Il attend désormais une seule chose, promet-il : le doublé. Et aucune distinction individuelle, juré craché. Ventura, l’air de s’en moquer, trouve pourtant en quelques secondes, dans son portable, le classement des séries d’invincibilité les plus longues de l’histoire. Le Belge Verlinden, 1 390 minutes sans prendre de but avec Bruges au tout début des années 90, recordman d’Europe, n’est plus qu’à trois matches.

Là, Ventura se tortille sur son siège : «Oui mais je vais bientôt me retrouver face à Mabella (NDLR : contre le RFCU, 29e j.), qui est le dernier à m’avoir marqué un but et est le deuxième meilleur buteur du pays, et Matheus (NDLR : contre Strassen, 30e j.), qui est le meilleur.»

Un futur dentiste viendra le voir cet été

Alors forcément, Verlinden est encore loin. Et le Brésilien Mazaropi, resté lui 20 matches de championnat consécutif sans encaisser, dans les années 70, encore plus. Là, Ventura hausse les épaules : «Non là, ce sera quasiment impossible de faire aussi bien un jour! Même si c’est vrai que je commence à regarder. J’entends bien que les gens en parlent. Désormais, des supporters m’interpellent avant le match en me disant « pas de but hein, pas de but! ».»

C’est sans doute pour cela qu’il a l’impression que «dans l’équipe, chaque arrêt est fêté comme un but». Il en est d’ailleurs à vingt-deux clean sheets cette saison, douzième meilleur total mondial (même s’il est de toute façon le portier le plus invincible de la planète, toutes D1 confondues) alors qu’il a joué… vingt-cinq matches de moins que le leader de ce classement informel.

Où en sera Ventura, dans trois semaines ? Aura-t-il écrit l’Histoire ? Celle du pays, c’est déjà fait. Celle de l’Europe, c’est en cours. Et qu’en fera-t-il ? Lors de sa toute première interview au Grand-Duché, il nous avait déclaré que «les deux Ronaldo (lui) ont coûté ses deux mariages» par abus de sorties et de fêtes. Ici, glousse-t-il, «c’est Artur Abreu et Dylan Lempereur» qui mettent le plus de tentations sur son chemin. «Mais le champion, c’est Artur. Il y a quinze ans, lui, oui, il m’aurait aussi coûté un mariage. Mais j’ai déjà bien profité dans le passé. Désormais, c’est tout pour la famille.»

Donc pas de fiesta mémorable pour enterrer cette saison hors norme. Il ne rentrera pas au Brésil cet été. Ses vacances seront trop courtes pour ça. Mais ses trois enfants (dont un étudiant pour devenir dentiste) vont venir le visiter. Depuis Rio et São Paulo, ils regardent les matches de papa grâce au streaming. Ils vont retrouver un héros.

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