La banque n’est pas fermée au dialogue et aurait bien voulu se défendre face aux accusations de négligence qu’elle rejette. La directrice, Françoise Thoma, n’a pas pu satisfaire les députés.
Deux heures d’audition et peu de réponses aux nombreuses questions posées par les députés de la commission spéciale Caritas. En face d’eux, des représentants de la Banque et Caisse d’épargne de l’État (BCEE) qui, selon Charel Weiler, «auraient bien voulu se défendre face aux accusations», mais qui se retrouvent paralysés par le secret bancaire. «On peut le comprendre, leurs réponses étant réservées à la CSSF», ajoute le président de la commission.
La Commission de surveillance du secteur financier n’est pas la seule à vérifier si toutes les obligations professionnelles des banques dictées par le législateur en matière de lutte antiblanchiment ont été respectées. Le parquet avait ouvert une enquête préliminaire dont on ignore si elle débouchera sur une instruction judiciaire, comme l’avait révélé Reporter.lu dès septembre dernier. Une autre enquête administrative est menée en parallèle par la Banque centrale européenne (BCE).
La directrice générale de la BCEE, Françoise Thoma, a laissé les députés dans le flou. «En dépit de ses explications, ce n’est toujours pas clair pour nous de comprendre pourquoi les alertes n’ont pas fonctionné», déclare Taina Bofferding (LSAP). Après ces deux heures passées à essayer d’obtenir les réponses que beaucoup d’autres se posent, à commencer par le conseil d’administration de la Fondation Caritas, la directrice n’a eu de cesse de répéter qu’aucune faute n’avait été commise du côté de la banque.
Françoise Thoma a replacé l’affaire dans un contexte général, expliquant que l’aide humanitaire suivait la même trajectoire que les conflits et les catastrophes qui frappent le monde. Il n’était donc pas évident de suspecter autre chose que l’activité normale d’une ONG telle que Caritas. D’ailleurs, pour être sûr de l’authenticité des ordres de virement effectués, la banque a contacté la fondation, et a obtenu confirmation de la part de la directrice financière, celle-là même qui se dit victime d’une fraude au président.
Les responsables de la BCEE ont également fait référence aux douzièmes provisoires, ce budget intermédiaire qui suit l’installation d’un nouveau gouvernement, pour expliquer les lignes de crédit accordées à Caritas. «On sait que ce n’est pas un argument valable, le ministre des Finances l’a déjà indiqué et c’est précisément pour assurer les dépenses courantes que ces douzièmes provisoires existent», corrige Taina Bofferding.
Les députés ont insisté sur un des reproches formulés par l’ancien CA de la fondation relatif à sa signature manquante sur les documents bancaires mis en cause. Rien d’anormal, là non plus. La directrice Françoise Thoma a estimé que la banque pouvait se contenter de la signature des membres de la direction.
«Cette question devra être tranchée à un autre niveau et c’est à Caritas de décider si elle portera plainte contre la banque pour ce qu’elle juge être une négligence de la banque», explique Taina Bofferding. Les députés ont retenu des explications livrées par Françoise Thoma que ce sont les clients qui fixent les personnes de contact et ici, en l’occurrence, c’était la directrice financière.
Améliorer le système
Pour le reste, Françoise Thoma a fait un tour d’horizon des procédures pour conclure qu’elles avaient toutes été respectées. En revanche, elle a admis qu’elles pouvaient toujours être améliorées eu égard aux fraudes très complexes auxquelles les établissements bancaires pouvaient être confrontés. L’exemple de Caritas est assez significatif.
Les députés vont recevoir les représentants de la BGL demain et craignent déjà que le discours sera à peu près identique.
Les deux établissements visés par des enquêtes à la suite de cette gigantesque fraude de 61 millions d’euros qui a anéanti la fondation, ont l’État luxembourgeois pour actionnaire. La BCEE appartient à 100 % à l’État et la BGL à 34 %. Selon les informations de Reporter.lu, des perquisitions ont été menées au mois d’août dernier dans les deux banques.
Les députés s’interrogent toujours et n’ont pas réussi à comprendre comment en l’espace de six mois, 125 virements légèrement sous la barre des 500 000 euros ont pu être effectués vers la banque espagnole «Banco Bilbao Vizcaya Argentaria» (BBVA) au crédit de deux organisations partenaires de la Fondation Caritas Luxembourg : «Caritas Internationalis» au Vatican et «ASAM» en Turquie, sans que ces dernières ne voient la couleur de l’argent. Et pour cause, elles n’avaient pas de comptes en Espagne.