Depuis le début de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, il est sage de pas employer à la légère un langage martial. Avant le 24 février 2022, on aurait écrit sans hésiter – en évoquant le 1er-Mai – que les syndicats ont déclaré la guerre au gouvernement. Cette année, les présidents de l’OGBL et du LCGB se sont certainement montrés acerbes, mais ils ont évité de tenir des discours guerriers. Car, quelles que soient les «attaques sans précédent» que subissent les salariés au Luxembourg, elles ne sont en rien comparable à la souffrance du peuple ukrainien.
Il faut donc clairement faire la part des choses. En même temps, il est à rappeler que l’engagement pour la paix est un des fils rouges de l’engagement des syndicats. «Ce sont toujours les travailleurs et leurs familles qui souffrent en premiers d’une guerre», a souligné jeudi Nora Back. «Nous sommes toujours engagés pour la paix, pour la diplomatie, et contre la guerre», enchaîne-t-elle. Le premier syndicat du pays veut toutefois éviter que l’industrie de la défense s’enrichisse à tout-va grâce au réarmement engagé sur le continent européen. La présidente s’étonne aussi que tout d’un coup, il soit possible de contracter d’importantes dettes, alors que cet argent n’était jamais disponible pour le consacrer au logement, aux infrastructures ou à la protection du climat. La ligne rouge est clairement dressée : si le Luxembourg doit augmenter son effort de défense à 1,5 milliard d’euros (ou plus), cela ne doit en aucun cas se faire au détriment de l’État social.
La Chambre de commerce espère de son côté que l’investissement massif dans la défense profite aussi à l’économie nationale. Cette semaine, l’objectif a été formulé de générer 60 % de retour économique, dont la création de 2 000 emplois. Quelque 110 entreprises implantées au Grand-Duché sont susceptibles de créer un nouvel hub de la défense. Le «mal» que représente la guerre, peut donc aussi constituer un «bien» pour le bien du Luxembourg. Le gouvernement partage d’ailleurs cette ambition. Les éventuelles retombées ne se feront toutefois ressentir qu’à moyen ou long terme.
Il sera crucial de trouver le bon équilibre, aussi pour préserver une cohésion sociale, qui présente déjà des fissures.