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Xavier Bettel à Kiev : «On a été reçus à un niveau incroyablement élevé»


(De g. à d.) Xavier Bettel, son homologue ukrainien, Andriï Sybiga, et Yuriko Backes. (photo I. S.)

Xavier Bettel et Yuriko Backes ont effectué une journée de travail à Kiev. L’occasion de montrer le soutien du Luxembourg à ce pays en guerre. Sur le trajet du retour, le mercredi 30 avril, les deux ministres ont répondu à quelques questions.

Le président Volodymyr Zelensky vous a accordé un entretien. De quoi avez-vous parlé ?

Xavier Bettel : On a échangé longuement. Il nous a raconté ce qui s’était dit à Rome (NDLR : lors de l’enterrement du pape, le président ukrainien avait discuté avec Donald Trump entre autres). Il nous a un peu parlé de la stratégie ukrainienne. Et je le lui ai redit : il n’y aura pas de décision sur l’Ukraine sans l’Ukraine. C’est clair. C’était de bons échanges.

Vous étiez déjà venu il y a trois ans. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

X. B. : Malheureusement, pas grand-chose du côté russe : la brutalité aveugle continue. J’étais allé à Boutcha, Irpin… Là, cette fois, c’est Kiev qui est touchée en plein cœur. Mais ce qui ne change pas, c’est la détermination des Ukrainiens. Et cette volonté de paix, qui ne les quitte pas.

Vous vous attendiez à une guerre aussi longue ?

X. B. : Honnêtement ? Non. Il y a trois ans, je vous aurais dit que les Russes allaient vite comprendre qu’ils faisaient fausse route, qu’ils allaient vouloir cesser de s’isoler.

Quelle impression vous laisse cette visite de travail à Kiev ?

Yuriko Backes : (elle sourit) La journée était dense.
X. B. : On a vu le président, le Premier ministre, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères, mais aussi la Première dame. On a été reçus à un niveau incroyablement élevé, ce qui démontre à quel point notre soutien est estimé.

Vous pensez que ce genre de déplacement a encore du poids ?

Y. B. : Oui. Dès le premier jour, on a soutenu l’Ukraine. Et aujourd’hui encore, c’est important de montrer que ce soutien ne faiblit pas. C’est aussi pour ça que c’est essentiel que vous, les journalistes, soyez là : vous voyez d’autres choses, vous racontez à celles et ceux qui ne peuvent pas venir.
X. B : À un moment, les gens commencent à douter, que ce soit chez eux ou en chez nous sur l’intérêt d’aider. Nous ne devons pas oublier que nous avons été libérés par des gens qui n’avaient pas de frontières avec nous, les Canadiens, les Russes à l’époque, les Britanniques, les Américains…

Revenons à la question du soutien. Concrètement, que fait le Luxembourg ?

Y. B. : Nous avons une ligne budgétaire spécifique pour l’aide à l’Ukraine : 80 millions d’euros cette année. Et on vient d’y ajouter 10 millions de plus pour la Défense. Il n’y a pas de plafond : on continue en fonction des besoins. (NDLR : 10 millions supplémentaires ont aussi été annoncés pour l’aide humanitaire et un million pour la santé mentale des jeunes)

C’est à la demande de l’Ukraine ?

Y. B. : Non, on le fait en lien avec les demandes ukrainiennes, bien sûr. On évalue ce qu’ils peuvent recevoir, ce dont ils ont besoin. On doit les aider de façon soutenue, c’est important. Surtout qu’ils ne savent pas ce qu’il va advenir de l’aide américaine, ça les déstabilise.

Votre service de protection était-il le même que pour d’autres visites de travail ?

X. B. : il est identique hormis un membre d’une équipe médicale au cas où il y ait un pépin. Parce qu’on devait visiter des endroits comme le bureau du président qui sont des cibles.

La ville de Kiev était assez calme aujourd’hui…

Y. B. : Oui, c’est ce qui frappe. Quand je suis venue, il y a un mois, j’ai eu la même impression. Mais en vérité, tout le monde vit avec l’idée que ça peut frapper n’importe quand. Aujourd’hui, on a eu de la chance. La dernière fois, il y a eu deux alertes aux drones pendant notre séjour et on aurait pu voir autre chose, une bombe qui explose par exemple. C’est un peuple qui vit sous un stress permanent.

Il y avait du monde dans les rues

Y. B. : Kiev est une belle ville, elle fonctionne à peu près normalement. Mais on m’a dit que les restaurants et les théâtres ne ferment pas tard pour que les gens rentrent tôt. Il y a cette apparence de normalité, mais derrière, tout le monde sait que ce pays est en guerre, il y a tous les jours des morts. Tout le pays est mobilisé pour soutenir sa propre défense, c’est vraiment un effort national.

Une solution de paix est-elle encore envisageable ?

Y. B. : On souhaite un cessez-le-feu, bien sûr, mais pas n’importe lequel. Il faut qu’il soit soutenable, crédible, durable. Et pour ça, il faudrait pouvoir faire confiance à la Russie. Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas. Et puis il ne faut pas oublier que l’Ukraine veut la paix plus que tout autre. Mais il faut aussi une sortie… disons “honorable”, même pour le président russe. Sinon, rien ne bougera.