Factures exorbitantes, compétences discutables, les internautes n’hésitent pas à descendre en flèche certains cabinets et cliniques vétérinaires. La profession réagit et met en garde.
C’est assez inédit. «Les cliniques et cabinets vétérinaires appellent à la solidarité et à la lutte contre le bashing des professionnels de la santé animale», annonce le communiqué signé par le Dr Malou Blasen, présidente de l’AMVL (Association des médecins vétérinaires au Grand-Duché de Luxemburg) au nom de tout son comité.
Des campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux ou sur internet en général font du tort à la profession, à l’instar de certains commentaires sur les restaurateurs, laissés par des clients mécontents. Aucun commerce ou prestataire de service n’est à l’abri. «Standardiste arrogante», «vétérinaire incompétent, mais facture salée», «clinique à fuir absolument», les propriétaires d’animaux se lâchent et livrent, sans mettre de gants, les détails de leurs expériences.
L’AMVL insiste surtout sur les cliniques qui sont de plus en plus attaquées alors que les vétérinaires travaillent «jour et nuit pour le bien-être des animaux». Certains se retrouvent confrontés à des violences verbales, voire physiques, et les propriétaires d’animaux peuvent en témoigner. «Nous avons un sentiment d’impuissance et d’injustice face à cette situation», assure l’association.
Sur la toile, les clients s’en prennent effectivement à certaines cliniques, qui à leurs yeux ne font plus que du «business», où les vétérinaires qui examinent les animaux «ne veulent pas savoir ce que leurs collègues ont fait avant eux dans cette même clinique sur le même animal». Des cliniques superéquipées capables de réaliser n’importe quel examen avec des appareils de pointe et surtout très couteux. «Les membres fondateurs étaient des idéalistes et s’occupaient des animaux. Depuis deux ou trois années, j’y étais malheureusement accueilli par des vétérinaires stagiaires qui agissent sans doigté pour les animaux», témoigne un client que l’on peut lire sur le site editus.lu.
«Cette excellente clinique de jadis est devenue « une imprimante de billets d’euros», ajoute un client. Un autre partage ce même sentiment : «Pas convaincu du tout, en cas d’urgence, on a l’impression que ce n’est que l’argent qui compte». Pourtant, d’une manière générale, l’écrasante majorité des clients attribuent quatre étoiles et plus à cette clinique. Comme à d’autres dans le pays.
D’où vient le problème? Depuis quelques années, le nombre de cliniques vétérinaires rachetées par des groupes d’investissement se multiplie, notamment en France où des géants, comme AniCura, continuent d’étoffer leur réseau de cliniques. Nesto en est un autre, actif en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg, et qui s’est rapproché du groupe vétérinaire allemand Veternicum.
Pour convaincre les cabinets indépendants, ces groupes offrent un prix de rachat jusqu’à cinq, voire dix fois supérieur à la valeur réelle, selon des enquêtes journalistiques menées en France. Mais ces rachats ne se sont pas déroulés sans anicroches. La radiation par l’Ordre des vétérinaires de plusieurs cliniques en France, dont trois d’AniCura en 2020, s’est appuyée sur le Code rural. L’Ordre contestait l’indépendance des cliniques une fois rachetées par des producteurs d’aliments pour animaux, dont AniCura qui appartient, par exemple, à Mars Veterinary Health, tandis qu’un autre groupe, IVC Evidensia, est en partie détenu par Nestlé.
Les réseaux d’investisseurs s’étendent
Selon le journal l’Écho, le réseau Bevet en Belgique compte 31 cliniques, cabinets et centres, et espère doubler de taille d’ici à 2028. Une nouvelle levée de fonds de 4,5 millions est en voie de finalisation pour assurer cette croissance, de quoi passer de 55 à 60 cliniques et doubler le chiffre d’affaires (de 20 à 40 millions) d’ici à trois ans.
Selon l’un des cofondateurs de Bevet, «cette évolution s’inscrit dans une volonté des acteurs de la santé animale de s’entourer davantage et de ne plus avoir toute la pression d’un cabinet sur leurs épaules. Il vante les avantages pour les vétérinaires qui peuvent ainsi disposer de plus de moyens pour acquérir des outils de pointe.
Les clients, eux, ne sont pas toujours satisfaits. Les factures sont salées pour un diagnostic pas toujours posé après une batterie d’examens réalisés par ces appareils à la pointe de la technologie.
Dans son communiqué, l’AMVL met en garde : «Nous sommes formés pour prendre des décisions éclairées basées sur des connaissances scientifiques et une éthique professionnelle rigoureuse. Les jugements hâtifs, les menaces, la pression face aux exigences du propriétaire et la peur d’avoir des commentaires négatifs sur internet peuvent nuire à notre capacité à exercer notre métier avec âme et conscience. Ce bashing décourage également de nouveaux vétérinaires de rejoindre ce métier, voire d’y rester, un métier qui connaît déjà une pénurie de professionnels qualifiés ainsi qu’un taux de suicide largement au-dessus de la population générale.»
Quand certains clients dénoncent le business que sont devenues certaines cliniques, l’association demande à faire preuve «de solidarité et de respect envers ceux qui consacrent leur vie à la santé et au bien-être de nos compagnons à quatre pattes», et à favoriser «le dialogue constructif au lieu d’abuser des médias pour en faire polémique là où il n’y en a pas».